Comment rater l'occasion d'évoquer un jeu qui brille autant par la controverse qu'il provoque que par le gameplay qu'il offre ? Pourquoi ne pas s'y être pris plus tôt alors que nous savons tous que la messe est dite depuis bien longtemps ? Parce qu'en retard, l'impie ravale sa verve et prend part à la haie d'honneur servie à l'encontre d'un hit interplanétaire. Au coeur de la tourmente, le titre de Rockstar North a enfoncé le clou d'une franchise dorénavant vieille comme Erode.

Faisant suite à San Andreas, ce quatrième épisode reprend le New York cancereux du troisième pour le plus grand malheur du plus grand intéressé, j'ai nommé môssieur le Maire, qui voit d'un mauvais oeil la représentation crapuleuse et caricaturale de sa chère au grand coeur rougeoyant. We Love NYC, that's all... Pourquoi s'imaginer un pareil repère de truands où même l'opulence et les vices du bien nommé Vice City font figure de jeux d'enfants ? Parce que la série a assurément franchi un cap.

De la SD à la HD, oserait-on dire, papa GTA ose faire un peu plus d'ombre à maman Mario dans l'imaginaire collectif. Simulateur de génocide de représentants de l'ordre, d'écrabouillement de passants, de tripotage de cocodettes, tout cela GTA le fait sans aucun doute (très) bien, et maintenant avec une beauté que l'on ne lui aurait alors jamais soupçonnée. N'en déplaise à Familles de France, la bête est bien heureusement beaucoup plus que ça. Une fois les apparences étiolées, on pénètre à vif dans les chairs éclatées du sujet. Niko Bellic, d'origine Russe, vient se forger son Rêve Américain sous l'égide de son cousin Roman qui lui a préalablement fait un appel du pied Gargantuesque.

Quitte à goutter à ce rêve, autant y croquer à pleine dents avant d'y ressentir l'âpre parfum de l'amertume. Desquamé, le sieur Bellic est un écorché de la vie, une proie en sursis qui vivote sur une brêche tout en se maintenant à la poursuite du bonheur. Acerbe, notre immigré fait une nouvelle fois l'épreuve de la désillusion en se confrontant à une guerre qu'il aurait cru à jamais finie mais qui revêt désormais des abords fallacieux. Economique, elle ne déchiquette plus les chairs de ses compagnons, et ne lui infligent plus des traumatismes qui hantent chacun de ses rêves, mais infiltre de manière plus intestine sa santé mentale. Etre riche et perdre l'essentiel, ou demeurer intégre et connaître la mort, là est le choix que doit constamment faire le protagoniste pour parvenir à la fin de l'aventure. Ce postulat n'est évidemment pas aussi fort et profond que dans un jeu tel que Heavy Rain, mais le scénario est une nouvelle fois suffisamment développé pour dépeindre à merveille une ascension fulgurante aux fondations fragiles.

Passionnant, mis en scène tel un film, le scénario compile les classiques du genre pour proposer au joueur plus qu'une expérience vidéoludique. Alors que ses grands frères préféraient l'humour et la simplicité, le petit dernier arbore un ton plus grave qui lui sied à merveille, même s'il n'est pas dénué d'un humour... Noir. Empruntant aux films de genre, l'intrigue enrichit l'expérience « bac à sable » d'une critique éclairée et éclairante de l'Amérique impérialiste. Tirant principalement à boulets rouges sur le capitalisme et les guerres fratricides, le bébé de Rockstar ne joue plus et a compris qu'il était temps de quitter le logis familial. Devenue adulte, la progéniture reproduit le comportement de ses aînés pour le détourner plus avant et en faire une arme de destruction massive qui fonctionne en autarcie.

Ici, plus besoin de prendre le jeu par la main pour l'amener à l'arrivée puisqu'il a déjà tout appris de ses pairs et se laisse jouer tout seul. Alors conquis, les infidèles qui ont osé s'y frotter corps et âme en ressortent transformés et ne perçoivent désormais plus l'aventure comme une abomination antisociale mais comme une fresque abjecte mais authentique d'un monde moderne individualiste formant des êtres associaux.

La boucle bouclée, le jeu vidéo peut alors se consommer en toute solitude, et générer du profit sur les travers qu'il dénonce. Ironie du sort, ironie de l'être, comble de l'humanité mise en abyme par et dans le jeu...
Adrast
8
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le 15 déc. 2010

Critique lue 242 fois

Adrast

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