Signalis
7.6
Signalis

Jeu de Rose-engine et Humble Games (2022PC)

Autant le dire tout de suite : je n’y connais pas grand chose en survival horror. C’est un genre qui m’a toujours intrigué, notamment pour son esthétique, mais toujours de loin, par procuration. Le fait de ressentir directement un sentiment d’oppression, de peur lancinante pendant plusieurs heures ne m’ayant jamais trop enthousiasmé. Ma seule véritable référence serait donc le premier Resident Evil (édition remastered HD). Une expérience qui m’avait alors marqué au fer rouge, aussi bien pour son ambiance que pour son game design redoutable, et qui piqua suffisamment ma curiosité pour m’inciter à retenter l’expérience avec d’autres représentants du genre.

Et c’est ainsi qu'apparut quelques années plus tard, sous mes petits yeux de gamer intrigués, ce cher Signalis, notamment grâce à ce formidable générateur de coups de projecteur ambulant qu’est le Gamepass.

Signalis, was ist das ?

Déjà, un jeu sorti le 27 octobre de cette année, et développé par deux personnes de nationalité allemande. Une précision qui a son sens, puisque l’identité sonore et visuelle de Signalis est clairement baignée de cette même langue. Un choix artistique qui donne d’ailleurs un certain cachet au titre.

Mais surtout, Signalis, au-delà d’être un survival horror, s’inscrit dans le sous-genre du néo-rétro survival horror. Un terme que je ne connaissais pas jusque-là, et sur lequel j’ai peiné à trouver de la véritable lecture, mais qui semblerait être utilisé par certains pour décrire les jeux qui, aussi bien dans leur apparence que dans leur prise en main, empruntent beaucoup à ce qu’il se faisait avant. Pour l’esthétique déjà, pas de doute là-dessus. On est clairement sur de la PS1. Il s’agit d’ailleurs encore une fois ici d’un parti pris assez fort, mais qui ne m’a pas dérangé, au contraire.

Et concernant les mécaniques de gameplay, c’est très simple : j’ai eu l’impression de revoir Resident Evil 1. Le même type de progression à base d’objets à ramener à un autre endroit pour résoudre des énigmes, avec des ennemis qu’on hésite à tuer parce que nos munitions sont limités et qu’en plus ces gredins vont se relever à un moment et que vla que notre inventaire il est tout petit donc il faut bien planifier notre progression entre chaque checkpoint, etc. Rien de neuf donc. Ceux qui auront pour souhait de revivre cette expérience seront aux anges, et les gens qui comme moi n’ont pas le bagage nécessaire pour risquer un sentiment de redite ne seront pas plus embêtés que ça. Surtout qu’il s’agit d’une formule qui à mon sens est toujours aussi redoutable en terme d’efficacité, donc rien à redire sur le concept en lui-même.

En définitive, si je devais terminer de planter le décor, Signalis c’est faire un peu de neuf avec beaucoup de vieux, le tout mâtiné d’une ambiance SF bien travaillée et gorgée de références en tout genre. Un cocktail qui a su, à la lecture des nombreux retours très positifs, ravir toute une frange de la communauté des fans de survival.

Sauf que ce cocktail, j’ai beau l’avoir trouvé parfois un peu enivrant, je l’ai aussi souvent trouvé un peu saoulant. Et c’est là que je vais enfin m’expliquer. Et c’est aussi là où les quelques âmes égarées qui souhaiteraient se préserver d’un quelconque spoil se doivent de me quitter (tchuss).

Parce que au-delà de son univers intriguant, et d’un premier chapitre qui avait su me faire revivre quelques vibes de ce cher RE, je me suis rapidement trouvé devant l’évidence, session de jeu après session de jeu, que je revenais plus pour me préserver de la frustration de ne pas voir les crédits défiler que parce que je prenais un véritable plaisir à avancer.

Tout d’abord parce que Signalis, dans ses innombrables parti pris, a aussi fait le choix d’une narration que j’ose considérer comme cryptique. Tout ne nous est pas servi sur un plateau d’argent, il y a beaucoup de scènes qui laissent la part belle à l’interprétation, et si on n’essaie pas un minimum de remettre les pièces du puzzle narratif ensemble, on risque clairement de ne rien du tout y comprendre arrivé à la fin, voire même, et ça a été mon cas, de complètement perdre le fil arrivé à un stade.

Et la narration cryptique, j’ai toujours eu un peu de mal avec ça. Disons que je suis plus friand des expériences qui nous permettent de tout comprendre assez aisément mais qui nous laissent tout de même la possibilité d’explorer un peu plus leur univers si l’on fait le choix de lire la paperasse qu’on trouvera sur notre chemin. Pour faire simple, et pour rester dans la SF : j’aime bien le scénario et l’univers des Mass Effect. Voilà, c'est dit.

La seule franchise qui se targue depuis des années d’avoir ce type de narration sans pour autant que cela me dérange, ce sont les biens nommés Souls Borne. Pour la simple et évidente raison que même si l’on ne pige rien à ce qu’il se passe, notre expérience n’en sera jamais totalement dénaturée. L’histoire, le lore, c’est un plus. Une justification de nos actions. La construction de notre build, se casser les dents sur un énième boss, se prendre une claque visuelle en pénétrant dans une nouvelle zone, c’en est une autre.

Sauf que Signalis, si on passe à côté de l’histoire qui nous est raconté, et que l’on se cantonne à la motivation première qui nous est donnée étant “je dois retrouver cette femme, elle est importante pour moi”, c’est tout de suite un peu plus fastidieux.

Comme indiqué plus haut, Signalis met en place une boucle de gameplay très classique : on arrive dans un niveau, notre objectif est de passer au suivant, mais d’abord il faut l’apprivoiser en en explorant toutes les salles, dont certaines vont contenir des objets qui nous permettront de résoudre des énigmes, d’autres des salles de save + coffre pour souffler un coup et nous aider à organiser notre inventaire limité, et dont les ¾ vont contenir des ennemis. Et si avec suffisamment de jugeote, on est parvenu à mettre globalement les bonnes clés dans les bonnes serrures, tadam, on peut passer au niveau suivant.

J’aime beaucoup cette boucle dans la théorie, mais l’application qu’en fait Signalis m’a énormément fatigué. Déjà parce qu’il nous est effectivement possible de choisir entre une approche plus silencieuse, et une autre plus rentre-dedans (même si dans la pratique on ne pourra jamais être complètement dans le bourrin, comme les munitions sont inévitablement très limitées). Mais à moins que je sois complètement passé à côté de quelque chose, je n’ai vraiment pas eu le sentiment qu’il y avait la possibilité de traverser la plupart des salles sans se faire repérer. Et ce pour deux raisons.

La première, c’est que même en éteignant sa radio, sa lumière, et en avançant touuut doucement, le simple fait de passer trop proche d’un ennemi (et ce sans même être dans son champ de vision) le rend agressif, et par extension, tous les autres mobs de la zone. Et la deuxième, qui est d’ailleurs un point qui m’a énormément frustré tout le long, c’est qu’il peut nous arriver de passer une porte pour se retrouver tout de suite nez à nez avec un ennemi, qui va donc nous attaquer, déclencher l’alarme, et nous forcer à soit sortir de la pièce pour qu’il s’éloigne de la porte, soit nous forcer à courir partout jusqu’à la porte suivante.

Sauf que globalement, à force de me faire bêtement voir alors que j’essayais péniblement de passer en douce, j’ai fini par en avoir un peu marre, et, comme je l’imagine un bon nombre de joueurs, j’ai commencé à courir souvent un peu partout en slalomant entre les claques et coups de couteau. Pendant une dizaine d’heures…

Et là on pourrait se dire que ça ne devrait pas être possible, que on doit tout de même se prendre des coups, que cela doit nous inciter à jouer plus posément, etc.

Sauf que non.

En soit, le jeu propose trois niveaux de difficulté. Je n’ai pas testé le premier, fait tout le jeu avec le deuxième, et ai brièvement testé le troisième. Et Signalis tombe dans le travers (malheureusement un poil trop commun) de proposer un mode normal trop permissif, et un mode difficile trop punitif.

C’est simple. En mode normal, les attaques des ennemis ne sont jamais une réelle menace. Preuve en est, même en courant partout, je ne suis pas mort une fois de tout le jeu. Vous pouvez vous prendre plusieurs baffes avant de commencer à bien saigner, et globalement, si ce n’est arrivé au troisième chapitre, il y aura toujours un item de soin quelque part pour vous requinquer.

Et le mode difficile bah… une ou deux baffes et c’est terminé. Sauf que pour une première run, avec les deux raisons que j’ai déjà cité (notamment les ennemis derrière les portes parfois) on va inévitablement s’en prendre des coups. Et c’est là que l’on pourrait se dire : ah, bah tu n’as qu’à transporter des items de soin directement sur toi alors.

Et c’est là que l’on arrive au point négatif que j’ai le plus régulièrement lu : l’inventaire.

Signalis fait le choix classique d’un inventaire en six cases. Sachant qu’une case sera toujours occupée par votre arme (à moins de jouer en speedrun et de déjà tout connaître), et une deuxième par votre torche, que vous trouverez très rapidement dans le jeu, et qui est impérative pour passer certaines salles. On tombe donc déjà à 4.

Pour les munitions, si l’on souhaite aller au-delà de celles déjà présentes dans l’arme, c’est un emplacement supplémentaire. Un choix tout à fait justifiable, sauf que, de base, on a vraiment très peu de munitions dans notre arme. Genre, juste assez pour tuer deux ou trois ennemis, le tout sans paniquer. Du coup, il peut être judicieux d’avoir une troisième case. Et si on ne la prend pas, au moins d’avoir un item de soin. On tombe donc à trois cases encore disponibles. Et trois cases, c’est clairement insuffisant pour ne pas volontairement laisser traîner au sol la plupart des munitions et soins pour se concentrer uniquement sur les objets liés aux énigmes. Toute entrave à ce principe se soldant régulièrement par un retour au dernier checkpoint, juste le temps de déposer notre bordel, traversant au passage encore une fois des salles peuplées d’ennemis, que l’on va encore une fois devoir éviter, qui vont encore parfois être juste derrière la porte et nous mettre un coup gratuit, etc. La peur des débuts, face à l’incompréhension des mécaniques se transforme très, voire trop rapidement en lassitude.

Aussi, comme je ne l’avais pas précisé jusque-là, il y a un autre point qui décourage de tirer régulièrement, outre le fait que nos munitions soient limitées : les ennemis reviennent à la vie.

Il s’agit d’un principe que j’avais déjà vu dans le premier Resident Evil, et qui donc ne m’a pas étonné ici. Je n’ai aussi pas été surpris en voyant qu’un item spécifique permettait de “brûler” les cadavres, histoire d’avoir une charge mentale en moins au passage de certaines zones.

Sauf que, d’après mes souvenirs, les ennemis de RE1 restaient suffisamment longtemps au sol pour ne pas qu’on ait trop à s’en soucier, ce qui ne m’a pas semblé être le cas dans Signalis, et, une fois “réveillé”, ces mêmes ennemis se transformaient en une version plus puissante, et donc, plus menaçante. Cela apportait de la variété, et nous permettait de nous projeter un peu plus loin. Au lieu de simplement réfléchir en terme de munitions, on se demandait aussi si l’on allait pouvoir réussir à gérer ce nouveau type d’ennemi dans cet espace précis, etc.

Et au risque de me tromper, je n’ai pas eu le sentiment que les ennemis devenaient vraiment plus puissants une fois occis une première fois. Au contraire, j’avais plus le sentiment d’avoir un retour à la normale frustrant, sans plus de surprise.

Reste donc la possibilité de brûler les cadavres. Et là encore, je n’ai pas trop compris le principe.

On récupère au fil de notre progression une toute petite quantité de cet items. Ce qui fait que, normalement, on va surtout avoir envie de l’utiliser sur les ennemis les plus désagréables, c'est-à-dire ceux qui se trouvent juste en face des salles de checkpoint. Ce qui arrive à la fin du chapitre 2, ainsi que dans le 3. La maigre quantité restante ne laisse alors pas vraiment de grosse marge de manœuvre au joueur. Là encore je n’ai pas souvenir d’avoir eu ce sentiment avec RE1…

Dernier point sur lequel je vais râler : le renouvellement du jeu. J’ai plusieurs fois lu que le jeu se renouvelait bien au fil de l’avancée des chapitres, que des nouveaux éléments de gameplay faisaient leur apparition. Et bien, je n’en ai pas vu la couleur. La radio nous permet de résoudre de nouvelles énigmes. Cool. La carte disparaît dans le chapitre 2. Okay. Et sinon la suite ? Parce que si ce n’est les modifications esthétiques, je n’ai pas vu grand chose d’autre. Et c’est dommage, parce que les passages en vue FPS qui surviennent de temps à autre m’avaient donné l’espoir au début que l’on allait vraiment être régulièrement surpris, avec, pourquoi pas soyons fou, une approche un peu à la Inscryption (c'est vraiment trop bien allez-y). Mais non. On reste peu ou prou toujours dans une configuration de niveau similaire, gagnant en complexité avec le temps, et avec des ennemis qui évoluent peu, au même titre donc que notre approche avec eux.

Petites bouffées d’air parmi cet océan de frustration et de lassitude : les énigmes. Toujours bien pensées, jamais trop faciles ni injustes, j’ai à chaque fois pris un grand plaisir à les résoudre. Elles se renouvellent d’ailleurs vraiment bien.

Mais c’est à peu près tout.

J’ai dit plus haut que Signalis, c’est faire un peu de neuf avec beaucoup de vieux, le tout mâtiné d’une ambiance SF bien travaillée et gorgée de références en tout genre. Et je reste sur ce point. Signalis est un jeu à ambiance. Signalis est un jeu oldschool. Et je comprends tellement que tant de personnes soient tombées amoureux de cette pépite indépendante, conçue par seulement deux personnes, et ayant nécessité je ne sais combien d'années de travail acharnée pour voir enfin le jour. Mais je ne peux m’empêcher d’avoir cette désagréable impression qu’en creusant un peu, Signalis, sous son magnifique enrobage de culture SF très bien digérée, sonne désespérément creux.

Gyaran
6
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le 22 déc. 2022

Critique lue 263 fois

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Gyaran

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