Silent Hill f
6.5
Silent Hill f

Jeu de Neobards Entertainment, Ryukishi07 et Konami (2025PlayStation 5)

Silent Hill f est un projet plutôt étrange que Konami n’a pas créé pour essayer de « ressusciter » la franchise, mais, je cite : « exporter la franchise par thématique et non géographique ».

Le résultat est une expérience à la fois belle, violente, gênante, écœurante, peu intéressante ludiquement, mais aussi extrêmement frustrante pour un jeu titré Silent Hill.

À tel point que tout ce qui a précédé celui-ci mérite, de mon point de vue, bien plus de reconnaissance, ne serait-ce que pour leur volonté de respecter un semblant de codes propres à la licence.


C'est une critique avec spoiler, donc je n'hésiterais pas à divulgâcher deux ou trois passage, mais que je cacherais via les balises.


C’est sans doute l’épisode le plus radical avec Shattered Memories en termes de « cassure » au sein des épisodes « canoniques ». Mais ce dernier n’avait ni un game design frustrant ni un level design d’une rare pauvreté : il restait amusant à jouer malgré la radicalité de son concept.

Que ce soit dans l’exploration ou face aux choix narratifs qui pouvaient modifier les décors, le level design ou la fin. Il demeure un épisode sous-estimé et méconnu.


Silent Hill f, lui, prend plusieurs paris risqués.

Déjà, il quitte les États-Unis. Bien que plusieurs épisodes se soient déroulés en dehors de cette ville pour diverses raisons, cette fois-ci, on nous transporte dans le Japon des années 60.


La direction artistique va de pair, avec forcément des décors imitant cette époque là. Bien que j’estime que la partie horrifique soit bien plus tape-à-l’œil et preuve de nouveauté. Au final, la temporalité est plus qu'une surcouche superficiel.


En revanche, la direction artistique elle veut trop se démarquer en utilisant toutes sortes d’artifices visuel et d’associations à d'autre thème que cela semblent parfois incohérent.

Cela devient flagrant lorsqu’on se balade à la fois dans le monde supposé réel et dans l’« Otherworld ».

L’un est horrifique et provoque la curiosité et le dégout, l’autre est beaucoup trop classique et monotone. Presque inintéressant à parcourir, et repose sur des décors shintoïstes plutôt simples.


On incarne donc Hinako, une jeune Japonaise de 16 ans qui, après s’être embrouillée avec ses parents, décide de rejoindre ses amis. Mais pour une raison inconnue, la ville devient étrange et une entité commence peu à peu à la transformer en cauchemar.


Mais, manette en main, le vrai cauchemar, ce n’est pas la ville… c’est le gameplay.


Je pense que cela a été ma plus grande source de frustration durant tout le jeu… ce gameplay.


Il faut savoir que Silent Hill n’a jamais eu un gameplay particulièrement « polish » comparé à un Resident Evil, par exemple.

Bien que celui de Silent Hill ait quelques atouts, il n’a jamais su creuser une certaine « profondeur » propre aux Resident Evil. Les développeurs
estimant sans doute cela suffisant pour ce qu’il voulait proposer.


Cependant, à l’exception d’un ou deux épisodes, il n’a jamais été une source de frustration manette en main. Il était basique et n’entravait pas votre progression.


Une des exceptions était Silent Hill 4, qui avait fait le choix, dans sa partie gameplay, de supprimer les déplacements « tank », d’ajouter une sorte d’esquive et une barre de « puissance » qui pouvait se charger pour donner un coup plus fort.

Ajoutez à cela un inventaire limité qui imposait de ne pas ramasser tout ce qu’on voyait, et des allers-retours vers le coffre si la gestion des ressources était mal maîtrisée.


Ce gameplay a frustré beaucoup de joueurs, avec un épisode bien plus difficile d’accès que les trois précédents.

Silent Hill f propose le même type de frustration. Cependant, là où Silent Hill 4 avait fait ces choix pour des raisons de conception de level design (bien ou mal exécutés, ce n’est pas la question). Ici, dans Silent Hill f, le gameplay est frustrant parce qu’on a empilé des mécaniques sur des mécaniques propres à des jeux d’action, et non à des survival horror pré-Resident Evil 4.


Beaucoup comparent Silent Hill f à un simili de gameplay de combat « FromSoftwarien », et ils ont raison.

Car à aucun moment le gameplay de combat n’est conçu pour être utilisé comme mécanique de défense ou de fuite : il est axé sur l’offensive.

Et le jeu, dès son premier chapitre, vous en propose avec un joli objectif en haut à gauche indiquant « Éliminez les monstres ».


Les concepteurs ont dû se dire que copier ce qui cartonne en Occident et en Asie était forcément synonyme de réussite, mais peu de développeurs de jeux d’horreur sont allés aussi bas, pas même Bloober Team, qui a ressuscité la licence avec quelque chose de fonctionnel et parfois rébarbatif, mais jamais aussi cassé et confus que ce que propose Silent Hill f.


Un système de parade très peu lisible en plus d'avertissement visuel sombre, une fenêtre d’exécution extrêmement courte (moins d’une seconde), des patterns ennemis peu compréhensibles qui induisent de l’impatience chez le joueur. Ce qui conduit à des attaques lourdes qui mettent une éternité à sortir, et des attaques légères qui prennent tout autant de temps.

Oui, Hinako est vraiment lourde à manier, au point que le jeu vous punit peu importe que vous attaquiez ou tentiez de vous décaler.


Mais les développeurs se sont peut-être dit que le jeu était trop compliqué sans ajout de mécanique défensive. Alors ils ont ajouté… non pas une esquive, mais un dash quasiment au niveau d’un Dante en Royal Guard. Seulement, c’est tellement imprécis que la caméra a du mal à suivre le personnage.


Et, histoire de compliquer les choses, vos attaques, vos esquives et même votre course sont limitées par une barre de stamina. La cerise sur le gâteau étant ce système de verrouillage défaillant, qui change automatiquement de cible pour la plus proche ou parce que vous avez « effleuré » le joystick droit. L'effleurement même de gâchette vous fait sortir des actions que vous ne voulez pas.


Je n’ose même pas encore aborder la jauge mentale, dont je cherche toujours l’intérêt, ou encore savoir si une attaque concentrée avec L2 est réellement plus efficace ou non.


Encore d’autres idées à charge contre le joueur. Vos attaques de mêlée rebondissent contre les murs si vous êtes trop près de ceux-ci, par exemple dans un environnement très étroit face à un ennemi.

Le jeu ne possède même pas d’animation d’invulnérabilité. Vous pouvez donc vous faire enchaîner par plusieurs ennemis, voire (plus stupide encore) pendant une animation de porte ou une autre action contextuelle.

Vous pouvez même vous faire attraper par un ennemi qui vous infligera énormément de dégâts, caméra rapprochée, et ce sans aucun système pour se débattre, pas même un simple QTE. Certes mécanique décrié car surutilisé, mais pour le coup, clairement manquante.


À titre d’exemple, Resident Evil 2 propose des mécaniques de défense (couteau, grenade) lorsque vous vous faites attraper.

Ici, il n’y a rien… juste un plan rapproché pour voir votre personnage se faire poignarder et hurler.


Voir autant d’empilements de mécaniques dénuées de sens me fait encore me demander pourquoi les gens pestent autant contre les vieux jeux, qui sont ironiquement plus jouables que ce Silent Hill f.


C’est incroyable d’essayer de comprendre pourquoi tous les jeux modernes complexifient inutilement leurs mécaniques pour tenter de raconter une histoire et poser une ambiance. La sacro-sainte « dignité de gamer » est en train de pourrir l’industrie.


Armes destructibles ? Oui, on va s’arrêter là… évidemment, tous les choix de game design « de génie » sont dedans.


Tous les combats sont une source de frustration, alors on évite autant que possible les affrontements inutiles. Et les combats de boss semblent très souvent hors de propos par rapport à la lourdeur du personnage.


Mais malheureusement, dès la seconde moitié, le jeu se transforme en un véritable jeu d’action, faisant atteindre la série à son niveau de "jumping the shark".


Jamais je n’aurais cru voir ça dans un Silent Hill… aucun développeur occidental n’aurait osé, par peur de se faire descendre.

Mais ça… c’est la porte ouverte à tout et n’importe quoi, sous prétexte d’imaginaire.


À la moitié de l’aventure, votre personnage, dans l’otherworld, se mutile le bras et se fait greffer un bras de « monstre renard ». Le jeu se transforme alors vraiment en jeu d’action à mouvement lent, où vous devez nettoyer les ennemis pour continuer votre aventure.

Mais étonnamment, ça sera "pardonné" par une frange de joueur car (presque) Japonais.


Et cela s’aggrave même dans le monde « réel », où le peu d'idée de level design disparaît complètement.

Le jeu devient simplement un couloir ou vous passez votre temps à tuer le même monstre pour débloquer le chemin. Il n'y a même pas la moindre tentative de faire du « semi-ouvert » dans la ville et faire un peu d'exploration au calme, rappelant Silent Hill 1, 2 voire Origins et Downpour.


Seuls deux environnements sortent du lot :

– Le collège, où l’on retrouve un peu l’essence de la saga au niveau exploration.

– La maison de Hinako et son loop infini, qui reste finalement assez simple puisqu’il s’agit seulement de placer des pièces au bon endroit.


D'autre bonne idée sont sur-utilisé, comme le champs de pantin sous l'épaisse brouillard. Au bout de la 5eme fois, je pense qu'on a compris la blague.


Les énigmes sont elles aussi plutôt simples dans l’ensemble (en mode normal) puisque vous êtes aidé bien trop facilement par votre journal et les notes que votre personnage écrit au fur et à mesure.


Les lieux sont également peu angoissants : peu de jeux de lumière et d’ombre, pas de torche, de bougie ou autre. Si ce n’est un peu au début de l’aventure, avant que cela ne soit très vite abandonné.

Et dans l’ensemble… je n’ai pas vraiment eu peur. Pas vraiment de peur de l’inconnu ou d’angoisse. Des vieux jumpscare même pas digne du chien de Resident Evil 1 brisant une fenêtre.

Il faut dire que jamais le jeu ne prend le temps de créer une ambiance pour brouiller l’imaginaire du joueur.


Avec tous les efforts que Bloober Team a faits dans Silent Hill 2 Remake en réimaginant les lieux, le level design, les énigmes, l’obscurité… ce que propose Silent Hill f paraît assez insultant à côté.


L’itemisation est tout aussi pénible.

Il y a beaucoup trop d’objets à ramasser, en particulier des objets de soins de vitalité, d’endurance et de santé mentale. Le jeu propose un système d’upgrade via les offrandes et les points de sauvegarde : vous pouvez donc sacrifier des objets de valeur sans intérêt, mais aussi des objets de santé, pour gagner des points et améliorer votre personnage. Pas forcément visible au premier coup d’œil.


C'est cependant gâché par un inventaire ultra-limité qui, en plus, impose une limite sur le nombre d’objets identiques transportables. Vous ne pouvez pas porter plus de trois pilules dans un même slot ; la quatrième prendra forcément un nouveau slot.


Un inventaire limité n’a de sens que si le level design a été conçu pour cela. Avec autant de points de sauvegarde placés au hasard, on se demande encore quel était l’intérêt, si ce n’est d’alourdir le jeu.

Bien sûr, les mémos traditionnels ne sont pas fautifs, mais parfois posés ici et là aléatoirement.

Le menu d’inventaire est un véritable bordel mal conçu. Il n’y a jamais de simplification.

C’est encore pire avec ce mini inventaire in-game qui s’ouvre avec deux slots à basculer, peu ergonomique… encore plus quand votre personnage met énormément de temps à utiliser un objet.


Quant à l’histoire… bon. On aime ou on n’aime pas.

Je suis mitigé dans l’ensemble.


Vous avez déjà un journal tout frais dans le menu, qui s’enrichit de personnages et de leurs relations avec la protagoniste.

Ensuite, le jeu est plutôt verbeux, ça parle très souvent, et les cinématiques fusent sans faire avancer l’histoire ou les événements.

Personne dans le jeu n’a une réaction saine ou cohérente ; « l’identification » aux personnages semble vraiment mise de côté.


Et les thématiques abordées sont plutôt habituelles dans le genre Seinen / VN d'horreur, ce genre d’écriture finit toujours non pas par complexifier un personnage, mais par le rendre le plus malheureux possible pour susciter de la pitié.


La peur de grandir, la haine des adultes, les comportements typiques d’anime, la copine traîtresse et jalouse, l’autre copine niaise qui fout la honte, le meilleur ami dont l'héroïne est amoureuse mais dont aucun des deux n’ose avouer leurs sentiments, les femmes forcément mesquines entre elles, la rupture d’amitié, les parents en déchéance…


Malheureusement, là aussi, plus l’histoire avance, plus elle prend forme visuellement à travers ses métaphores, quitte à vous matraquer dix fois le même boss sur votre chemin pour vous faire comprendre que votre héroïne, tout en criant « Shine! », n’a pas envie de devenir une mère pondeuse.


C’est aussi le Silent Hill le plus « graphique » avec Homecoming en termes de visuel gore. Bien que Silent Hill f tente de le faire de manière « artistique », cela reste, dans mon ressenti, là pour choquer dans certaines scènes,

notamment celles de mutilation et l'exécutions des parents / amis

Je n’en attendais pas moins de cet auteur.

Graveleux, mais assez prévisible.


Les fans de sensations extrêmes seront ravis. Le coté humain, un peu moins.


Ce que je retiens de positif dans Silent Hill f est au final assez mince. Le chara-design de certains monstres (boss et entités en particulier), ainsi que leur mise en scène, est plutôt une "beauté" de réussite sous cet océan de médiocrité.


Je ne veux pas parler en mal du bestiaire de cet épisode… surtout dans une série comme Silent Hill où le deuxième épisode n’a que trois monstres qui se battent en duel. Pour le coup, c’est honorable de tenter de varier… mais à côté, la surutilisation de la pondeuse devient plus agaçante que dérangeante.


Dans l’ensemble, les cinématiques sont très soignées, et leur mise en scène, bien que souvent proche d’un Drama ou d'un anime, fait son effet.


Pour ce qui est de l’histoire, je ne la trouve pas forcément plus originale. Plutôt criarde et peu subtile, à vrai dire. Comme dit plus haut, on fait tout pour que les propos apparaissent visuellement ou soient simplifiés via des tonnes de mémos. Le jeu est plus poétique par ses quelques visuels artistique que ce qu'il raconte.


Et est que cela en fait une meilleure histoire le fait de l’étaler sur plusieurs parties différentes ? Je pense que le jeu aurait ironiquement mieux fonctionné sous forme de Visual Novel à gros budget quitte à faire des choix de dialogues, sans grande prétention ludique derrière (comme The Short Message).


Enfin, le point Akira Yamaoka.

Je suis désolé, mais Akira Yamaoka n’a rien sorti de bien depuis un long moment… et Silent Hill f n’est surtout pas l’exception.

Toutes les sonorités sont des « samples Yamaoka » déjà entendus ici et là (Shattered Memories) avec des relents d'instrument Shinto pour faire effet. Et les sons de l’otherworld sont d’un classicisme affligeant. Ça ne surprend pas… mais alors vraiment pas.


Il a pourtant composé Inescapable Rain in Yoshiwara (le Drama CD Audio de Silent Hill 4, au conte horrifique japonais), et l’album Yuigon Zakura, plus "rock" mais assez proche de la thématique là aussi.


Je vois deux problématiques : soit le bonhomme n’a plus la passion pour la licence et ne sert que de moyen de « rassurer » les quelques fans qui veulent y croire.

Soit il n’a pas vraiment la main dans le développement du jeu, son histoire et son background, ce qui l’empêche de s’inspirer, et surtout de placer peut être des morceaux judicieusement choisis à telle séquence.


J’ai voulu tenter d’y croire.


Mais Silent Hill f, en plus de trop se démarquer des précédents jeux est surtout tellement frustrant à jouer qu’il n’est même pas intéressant à parcourir… Très frustrant. Même en mode « histoire ». Vouloir re-jouer au jeu pour le "compléter" alors qu'on a passer un désagréable moment manette en main est contre-productif.


Et si son récit violent et égocentré sur son personnage (ce qui peut plaire à certains) peuvent plaire les plus sensible. Le reste a du mal à suivre.

Une direction artistique aussi belle que dérangeante d’un côté, mais de l’autre un monde plat, peu inspiré et mal rythmé. Un chara-design vraiment joli, en particulier pour les boss, mais une OST totalement plate pour un compositeur attitré depuis plus de 25 ans.


À trop vouloir bousculer les codes, il faut commencer par être un bon jeu plaisant avant tout.

Squarealex
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