Silent Hill f
6.8
Silent Hill f

Jeu de Neobards Entertainment, Ryukishi07 et Konami (2025PlayStation 5)

Voilà plus de 13 ans que la série Silent Hill se trouvait au point mort, depuis le dernier opus en date : Downpour, qui enfonça le dernier clou du cerceuil avec lequel fut enterrée la licence durant bien des années, avant de revenir d'outre-tombe. Cela faisait un an que nous avons eu l'excellent remake de Silent Hill 2 développé par Bloober team, qui fut presque du même niveau que l'original. Mais aujourd'hui, on parle d'un tout nouvel épisode, une création originale. C'est à NeoBards Entertainment, un studio taiwanais responsable de plusieurs jeux Capcom de soutien (la trilogie Devil May Cry HD, le remaster d'Onimusha, certains Resident Evil dont les jeux multi Resistance et Re:Verse), que Konami a confié sa célèbre licence d'horreur.


Au vu des trailers d'il y a quelques années, le cadre du Japon des années 60 était posé afin d'apporter un vent de fraîcheur à la saga qui, il faut bien l'avouer, avait besoin de se renouveler. Séduit par la proposition et la direction artistique mettant en avant la beauté au plus profond de l'horreur, je ne pouvais qu'attendre de pied ferme ce nouveau volet inédit, en tant que fan invétéré de la série. Force est de constater que ce Silent Hill f, bien qu'il en reste un Silent Hill dans l'esprit, n'est pas exempt de défauts et aura inéluctablement divisé les foules à cause de certains choix discutables. Aujourd'hui, ce cercueil s'ouvre au beau milieu d'un champ de fleurs symbolisant la mort, les Lycoris Radiata qui ont leur importance dans le lore du titre.


Nous sommes à Ebisugaoka, un village rural (fictif) du Japon des années 60, vers la fin de l'Ère Shōwa. À l'intérieur d'une maison, une collègienne répondant au nom d'Hinako subit les lourdes réprimandes de son père, tandis que sa mère reste indifférente et semble prendre parti de son époux qui a le monopole. C'en est trop, Hinako tourne les talons et décide de prendre l'air car l'ambiance est plus que tendue au foyer. C'est sur ce pitch de départ que commence votre aventure. Dès les premières minutes qui posent l'ambiance et annoncent le calme avant la tempête, ou plutôt le brouillard, on est happé par la direction artistique de toute beauté de ce Japon d'antan. L'humidité du matin enveloppant progressivement le patelin d'une brume mystérieuse, offre son lot de couleurs froides et légèrement ternes mais totalement en phase avec le Japon d'il y a 60 ans, dans une ambiance purement vintage. Tout est traditionnel ici, des maisons rustiques aux étroites ruelles, en passant par des chemins pavés entourés de murs de pierres entassées, puits anciens, lanternes en pierre et autels. Les premières heures mettent en avant le village, où l'on se familarise avec ses environs comme des champs de récolte. Au fur et à mesure, vous serez amené à explorer d'autres endroits aux alentours, mais également le monde altéré comme dans tout Silent Hill qui se respecte. Ce monde cauchemardesque est assez particulier dans cet épisode, puisqu'il délaisse la crasse et la rouille des anciens épisodes pour représenter des infrastructures shintoïstes, à l'ambiance onirique et au concept plus ou moins liminal. Sobre dans son level design ne réprésentant pas réellement la ville, mais plutôt un sanctuaire et des temples. C'est l'un des premiers choix de développement qui ne plaira pas forcément à tout le monde. Pour ma part, bien que je préfère de loin l'ambiance métallique et crasseuse avec du sang et des cadavres des Silent Hill classiques, je dois dire malgré tout que le charme opère. La dimension grotesque et épouvante est bien moins présente, on est plus dans un cadre spirituel et plus limpide. Et ça a son charme. Tandis que les fleurs qui recouvrent peu à peu la ville au fil de la progression, apportent une dimension poétiquement macabre et remplit leur office dans le contexte de l'histoire et du lore. Je reviendrais d'ailleurs sur l'histoire et du fonctionnement du New Game Plus particulier ultérieurement.


La modélisation des personnages reflète quelque chose de propre, sans pour autant flatter la rétine car on a déjà vu nettement mieux sur le support, mais les expressions des visages restent plutôt convaincantes, dans les cinématiques, et notamment chez Hinako pour bien refléter son état d'esprit dans chaque situation. En revanche, au niveau de la technique et de la fluidité d'animation en gameplay, c'est une autre histoire. Il y a des chutes importantes de framerate à certains endroits dans le jeu. Cela ne dure pas longtemps, ça va de l'ordre d'une demi-seconde à deux secondes en moyenne, mais quand même... Personnellement, j'ai joué ma première partie en mode qualité, et le New Game Plus en mode performance. Il y a visiblement plus de ralentissements en jouant en mode performance, et c'est fort dommage car ça nuit d'une certaine manière à l'ìmmersion. Autre point qui peut nuire à l'immersion, c'est le fait qu'il y a des murs invisibles alors qu'on a la sensation d'avoir de grandes zones semi-ouvertes en extérieur. Par exemple, à la périphérie du village se trouve des rizières, de grands champs de récolte avec des épouvantails. Des ennemis patrouilleront dans ces champs, mais vous ne pourrez pas y aller car vous serez limité à "un chemin sur rails à ciel ouvert", si je puis dire. C'est ridicule de voir ça, de nos jours. Une simple marche ou un petit renfoncement de quelques centimètres sera synonyme de barrière, vous laissant juste l'illusion de gigantisme autour de vous. Aussi, il n'y aura pas d'animation lorsque Hinako ouvrira une boîte, un tiroir ou un placard. Ce n'est pas ce qui m'a le plus gêné dans le jeu, mais voir ça en 2025, en plus des murs invisibles précédemment cités, ça fait assez archaïque. Cela aurait pu passer il y a 15-20 ans, mais aujourd'hui...



Passons maintenant à l'aspect du jeu qui est principalement pointé du doigt par tout le monde : le gameplay, qui comme presque toujours se joue à la troisième personne. Ici, vous ne pourrez vous servir que d'armes de mêlée pour vous défendre et plus que ça même... vous battre. Car des combats, vous allez en faire, plus qu'à l'accoutumée. Mais cela se fera de manière progressive. Ce n'est un secret pour personne, la série Silent Hill n'a jamais brillé pour ses combats et ce, depuis le premier jeu qui était déjà perfectible à ce niveau-là. La fuite étant le plus recommandé, surtout en exploration extérieure. Mais c'est quand même allé quelque peu en s'améliorant, dépendant des épisodes. Silent Hill, c'est surtout se défendre pour survivre plus qu'attaquer, contrairement à un Resident Evil qui est mieux taillé pour l'offensive si on fait une comparaison entre les deux franchises. Du fait que vous n'utliserez que des armes de corps-à-corps, comme le sempiternel tuyau d'acier ou le classique couteau de cuisine, vous aurez une barre d'usure à surveiller à mesure que vous infligez des coups aux monstres qui vous assaillent. Dès que cette barre d'usure se vide, l'arme se casse et disparait littéralement de votre inventaire Pour éviter ça, vous pouvez la réparer à l'aide de boîtes à outils que vous trouverez à certains endroits en fouillant votre environnement. Vous pouvez également switcher d'armes et en transporter jusqu'à trois. Certains joueurs pesteront contre ce système de cassure, mais je trouve qu'il s'agit d'une composante de gestion de survie intelligente qui y a tout à fait sa place. Puisqu'on ne peut se servir d'armes à feu, il faut gérer la résistance de ses armes, comme on le ferait avec des munitions pour une arme à feu. De toute façon, le jeu est assez généreux pour en proposer un bon nombre dans toute l'aventure afin de ne pas se retrouver sans défense. En effet, si Hinako ne possède pas d'arme, elle ne pourra pas se défendre d'elle-même. Inclure des armes à feu comme le regrettent certains joueurs n'aurait pas eu de sens, pour la simple et bonne raison que l'on contrôle une collègienne et qu'on se situe dans un village campagnard des années 1960. Du fait de devoir en découdre avec les ennemis au corps-à-corps, on est naturellement plus exposé et c'est là que s'articulent toutes les mécaniques de gameplay, dont pas mal fâchent.


Pour commencer, l'animation de Hinako est rigide au possible lorsqu'elle donne des coups. Il y a un temps de latence assez important entre chacune de ses attaques, y compris de ses esquives où il y a un temps de récupération non négligeable entre chacune, mais j'y viendrais sous peu pour le système de dodge. Ok, on est dans un survival-horror et notre personnage n'est pas sur-entraîné au maniement des armes blanches. Mais là, c'est quand même assez mou du genou, surtout face aux monstres qui sont plus véloces et prompts que nous à enchaîner des attaques. Sans parler de la caméra qui peut nous jouer de vilains tours lorsque l'ennemi est locké, que ce soit pour l'attaquer ou le fuir. J'ai rencontré par moments quelques difficultés à délocker ma cible, surtout lorsque plusieurs ennemis étaient présents. Dans les lieux clos et les couloirs étriqués, c'est plus flagrant, et il faut vraiment être proche de son adversaire pour faire mouche sans toucher les surfaces sous peine que notre arme se coince ou se bloque brièvement, nous laissant à la merci des créatures. Et lorsque vous frappez ces dernières, c'est limite si elles ne manifestent aucune réaction aux impacts. On a parfois l'impression de frapper dans du coton, tant on ne ressent pas l'impact des coups. Mis à part lorsque vous utilisez une attaque lourde ou chargée, susceptible d'étourdir la cible. Le remake de Silent Hill 2 n'était pas non plus un modèle sur les impacts, mais on ressentait plus la rage de combattre ou de se défendre pour sa survie car l'animation restait plus convaincante dans l'ensemble. Dans ce Silent Hill f, il faudra composer avec la lourdeur du personnage. On s'y habitue, et en apprenant les patterns des ennemis et des boss, on devient un peu plus réactif et jouons même sur l'anticipation. Mais comme les ennemis sont des sacs à PV, le titre a eu la bonne fausse idée de déclencher un contre pour risposter avec un coup très puissant étourdissant l'ennemi, mais qui peut aussi perturber la hitbox (je vais y revenir en détail sous peu). Au-dessus de votre barre de vie, vous aurez une jauge florale qui représente votre santé mentale. En l'utilisant lorsque vous pressez la touche correspondante, vous ralentirez le temps et pourrez apercevoir un indice visuel entourant l'ennemi quand celui-ci s'apprête à exécuter une attaque que vous pouvez contrer. Idéal pour expédier les combats qui durent trois plombes. Revers de la médaille, il y a une probabilité pour que vous manquiez votre cible ou que vous touchiez plusieurs ennemis à côté, vous faisant perdre la perspective de la caméra qui s'emballe occasionnellement en touchant plusieurs ennemis un peu au hasard. Cela manque parfois de précision, mais n'en reste pas moins une composante essentielle de survie dans les joutes. D'ailleurs, votre jauge de santé mentale se vide progressivement si vous abusez de cette technique, et plus vite encore si vous êtes touché par l'ennemi. En outre, une jauge circulaire de concentration permet d'effectuer une attaque puissante une fois chargée, pouvant dans la plupart des cas annuler les attaques ennemies, mais cela reste risqué.


Enfin, une dernière barre a été ajoutée, c'est la barre d'endurance. Celle-ci diminue en situation de combat à chaque fois que vous attaquez, esquivez ou courez. Vous devez l'utiliser à bon escient car une fois vide, Hinako devra récupérer son souffle quelques secondes avant que la jauge de stamina se recharge, vous laissant vulnérable si des ennemis sont proches. Ce qui peut être pénalisant, voire fatal. Il est possible d'effectuer des esquives parfaites, un peu à l'image de Resident Evil 3 Remake, ralentissant ainsi le temps en plus de recharger intégralement la barre d'endurance en guise de récompense. D'aucuns prétendent à tort et à travers qu'à cause de toutes ces barres, le jeu est un souls-like. Ce n'est pas exactement pas le cas, même si le jeu s'inspire de certaines bases des jeux de style souls-like. Il n'y a pas l'exigence, la précision et la technique de ces jeux dans ce Silent Hill f, qui se veut beaucoup plus abordable en comparaison. Cependant, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un sentiment de jouer parfois à un souls durant les affrontements de boss, qui y font pas mal penser il est vrai. Et même dans les combats en général, mais plus pour les boss à titre personnel. Mais encore une fois, il y a juste des inspirations et quelques bases, rien d'approfondi ou de précis, et puis les mobs ne réapparaissent pas après avoir sauvegardé une fois vaincus. Ce qui n'empêche pas que ce Silent Hill adopte un gameplay Hack 'n' Slash dans ses rixes, puisque l'action est encore plus présente que dans les précédents Silent Hill principaux. Et c'est encore plus vrai dans le dernier tiers de l'aventure, où l'on subit une surabondance de combats. La plupart de ce tiers sont obligatoires, vous obligeant à combattre les monstres et certains mini-boss car le chemin ne sera ouvert que lorsque toute menace sera éliminée. Comme le bestiaire en lui-même est indigent, si on fait fi des variantes bien sûr, la redondance atteint son point d'orgue dans la dernière partie du jeu imbuvable. Avant cela, il est possible d'éviter de nombreuses batailles, mais on devra combattre peu à peu à mesure qu'on avance, jusqu'à ce dernier tiers sus-cité. C'est dommage car il y a de bonnes idées sur le bestaire, où chaque créature a une forte symbolique en plus d'apporter une certaine originalité artistique et de la beauté mêlée au grotesque.


Toujours au niveau du gameplay, mais par rapport à la partie gestion des ressources, le fait de devoir faire énormément de backtracking pour tout récupérer ou presque m'a pas mal frustré, car l'inventaire est très limité et on croule rapidement sous la quantité surabondante d'objets (de soin notamment). Il aurait été utile d'ajouter des coffres de stockage, comme ce fut le cas dans Silent Hill 4: The Room. J'ai ressenti cette pénibilité de faire 36000 allers-retours car je ne voulais rien louper ni laisser derrière moi, en particulier dans ma première partie découverte. En revanche, cela s'est moins fait ressentir dans le NG+, du fait qu'à ce stade on aura un inventaire agrandi à l'aide de sacoches ou de cartables. En effet, il convient de ramasser différentes ressources dont beaucoup peuvent servir d'offrandes. En les offrant à un Hokora (sorte de mini-sanctuaire servant de point de sauvegarde), Hinaki pourra gagner des points de foi lui permettant d'améliorer sa vitalité, sa santé mentale et son endurance. Mais elle pourra également acheter des Omamori, qui sont des sortes d'amulettes lui conférant des effets bénéfiques, comme de drainer un peu de vie à chaque ennemi vaincu ou de réduire le coût en endurance des attaques lourdes. Vous ne pourrez en équiper qu'une au début, puis jusqu'à cinq en NG+2. Vous serez rodé un temps, et il vous faudra des points de foi et des plaques spirituelles pour les débloquer. Les Omamori, bien utilisés et combinés, permettent de se faire des builds efficaces pour apporter une dimension stratégique non négligeable en combat.


Parlons maintenant des énigmes. Elles se fondent bien dans l'esprit de la série. Il y en a qui sont bien recherchées, notamment celles du collège qui vous rappeleront un peu les cours de mathématiques de votre adolescence. Mais globalement, j'ai trouvé que la difficulté pour les résoudre était en dents de scie. Certaines sont plaisantes et logiques, tandis que d'autres vont vous induire en erreur au niveau des indices, soit parce qu'il peut y avoir plusieurs interprétations, soit parce que c'est lié au jargon japonais. Et c'est surtout ce dernier point qui fâche, car si un japonais n'aura aucun mal à déchiffrer l'énigme, pour une personne étrangère aux us et coutumes du pays du Soleil Levant, elle pataugera dans la semoule tant cela en devient inutilement cryptique. C'est rare que je le fasse, mais il m'est arrivé à plusieurs reprises d'aller chercher la solution sur Internet, car c'est tarabiscoté comme c'est pas permis et on se sent totalement largué si on n'est pas familier avec la langue japonaise. Un gros défaut pour moi. On a des indices et des notes recueillies dans le journal pour nous aider, mais ça reste vague et c'est plus là pour se rappeler quelle énigme on est en train de résoudre. Le journal est d'ailleurs un pur plaisir à lire pour s'imprégner du lore du jeu (personnages, lieux, monstres, légendes...). À noter que de nouvelles entrées viendront l'étoffer à mesure que vous ferez des parties Plus. L'avantage d'un NG+, c'est qu'il permet de recommencer le jeu sous une autre perspective. De nouvelles maisons s'ouvrent, de nouveaux documents apparaissent, les cinématiques présentent des dialogues et angles de vue inédits ou alors il peut y en avoir des nouvelles, il y a de nouveaux boss et de nouveaux secrets sont dévoilés. Petite particularité dans cet épisode : vous pourrez prendre connaissance des conditions à remplir pour débloquer les différentes fins dans une option de l'écran titre, à mesure que vous progresserez dans vos NG+. Le cheminement ne changera pas beaucoup, mais de nombreux détails permettent d'enrichir l'expérience et certaines zones peuvent être parcourues plus rapidement. Il faudra tout de même finir le jeu a minima 3 fois pour saisir l'histoire dans son entièreté, voire 4 fois pour voir la vraie fin, sachant qu'il y a 5 fins en tout dont une fin UFO trollesque, inhérente à la série. Sachant qu'on ne peut pas obtenir la fin qu'on souhaite dès la première partie ou lors du premier NG+ car il faut progresser de partie en partie, ce système ne sera pas au goût de tous, et je peux parfaitement l'entendre même si je n'ai aucun souci avec ça.


Le légendaire compositeur attitré de la série, Akira Yamaoka, est présent pour l'OST. Il est accompagné d'autres compositeurs car il ne s'est pas occupé de l'entièreté la bande-son. Son style reste timidement reconnaissable car on le sent plus discret et moins inspiré dans cet opus, s'adaptant forcément au style musical du Japon traditionnel, notamment dans l'exploration de la ville. La musique n'en reste pas moins une franche réussite, sans pour autant rivaliser avec celles de Silent Hill 2 & 3 où Yamaoka était au summum de sa forme. Musicalement, on a droit à un florilège d'intruments japonais anciens tels que le koto, le shamisen ou encore le taiko. Étrangement, la musique d'ambiance reste envoûtante sans nécessairement marquer les esprits. Montant crescendo en tension lors des cinématiques-clés du jeu ou de certains moments bouleversants. Alors qu'en combat ou en présence d'aberrations monstrueuses, elle devient perçante et stridente, soulignant une menace palpable. Quoi qu'il en soit, la bande sonore de Silent Hill f se veut à 100% en phase avec le Japon traditionnel, quelque soit la situation ou le lieu. L'ambiance est clairement là, et même les quelques phases d'horreur psychologique sont mises en exergue avec ce genre de sonorités. À noter que même les effets sonores ont été travaillés comme il se doit, dans le détail. Ramassez par exemple un document ou un objet, et vous entendrez un tintinnabulement agréable comme dans un Project Zero, vous faisant bien comprendre que l'action est validée. Les sons des monstres ont de quoi vous glacer le sang, avec les mouvements de leurs corps qui se contorsionnent et le petit clic métalique du couteau qu'ils brandissent. Ce Silent Hill propose des doublages anglais et japonais, avec des sous-titres en français bien sûr. Je ne saurais dire pour l'anglais ce qu'il en est, ayant joué tout le temps avec les voix joponaises pour renforcer l'immersion, Japon oblige. Et c'est un pur régal, puisqu'on est tout de suite plongé dans l'intrigue tant le doublage est exemplaire, et pas seulement parce que c'est japonais, mais parce que cela va de pair avec les expressions des personnages et les différentes situations.


S'il y a bien un point où Silent Hill f se démarque particulièrement, c'est bien dans son histoire. Écrite par l'éminent Ryūkishi07, connu pour ses mangas et visual novels, ou encore sound novels comme When They Cry. Il a su insuffler à la trame son savoir-faire, tout en respectant le contexte de l'époque dont il est question, où la femme était un stéréotype de beauté et de serviabilité en tant que Yamato Nadeshiko comme on l'appelle dans la culture japonaise. Hinako vit une période charnière de sa vie, déchirée dans sa relation avec ses parents et en proie au doute quant à ce que ses amis pensent d'elle. Silent Hill f, c'est avant tout une histoire traitant de thèmes profonds et propres au Japon du XXème siècle tels que la pression sociale, le patriarcat, le bullying et le mariage imposé. En progressant dans l'histoire, on se rend compte que tous ces thèmes prennent tout leur sens tant dans les cinématiques que dans la représentation des monstres qui ont ici une forte symbolique, comme déjà évoqué. Il y a également les propres croyances du village qui ont leur importance au sein de la trame, mettant en scène des divinités et éléments sacrés propres au Japon. Les innombrables notes laissées çà et là viendront alimenter le récit, tout comme le journal de la protagoniste principale qui permettra d'en apprendre davantage sur elle et son entourage, mais également sur le lore du jeu de manière générale. On se met vite dans la peau de l'héroïne, mais il est difficile d'empathiser avec ses compagnons que j'ai trouvés assez transparents, d'autant que les dialogues ne sont pas toujours cohérents avec la situation qu'ils vivent. On aura aussi un mystérieux personnage servant de guide dans l'autre monde. Le mystère s'épaissit bien assez tôt et pour dissiper ce brouillard, il faudra terminer le jeu plusieurs fois afin d'aboutir à la vraie fin, un peu à l'image d'un NieR Automata. À la différence près que chaque NG+ se ressemblera en dehors des nombreux détails qui changeront les cinématiques et la manière d'explorer, entre autres. Contrairement à NieR Automata, où chaque nouvelle run en vue d'atteindre la true ending se distinguait par une route différente. Certains adhèreront à ce système de NG+ pour avoir le fin mot de l'histoire en remplissant des conditions spécifiques progressivement, d'autres préfèreront l'ancien système qui permettait d'obtenir la fin alternative de son choix dès la première partie, à l'exception de quelques fins bonus. C'est un parti-pris qui a marché sur moi, personnellement. Car j'ai trouvé que le jeu apportait énormément de lore, et que son histoire se développait efficacement par ce biais, toujours dans les détails qui permettent de la découvrir sous tous les angles possibles. Si je devais chipoter, c'est qu'il arrive que l'histoire soit à certaines occasions moins sujette à l'interprétation du joueur par rapport à la plupart des Silent Hill qui donnent plus à réfléchir. Mais cela n'entâche en rien sa qualité d'écriture et le message qu'elle cherche à faire passer, hormis le jeu d'acteur de personnages parfois douteux.


En conclusion, Silent Hill f est une œuvre qui divisera à coup sûr. Si le fait de prendre place au Japon des années 60 permet d'apporter du sang neuf car Silent Hill est avant tout un purgatoire qui peut se dérouler n'import'où, son gameplay suranné pourra faire grincer des dents les moins patients. Mais il n'en reste pas moins un Silent Hill dans toute sa splendeur car il en a l'esprit. Certains choix restent discutables comme le gameplay plus axé action que d'habitude, avec une évolution des mécaniques du Hack 'n' Slash prenant un tournant déroutant à peu près vers la moitié du jeu. Parce que ce Silent Hill essaie parfois d'être ce qu'il n'est pas, et cela l'éloigne considérablement des autres volets classiques de la série à ces moments-là. Avant de redevenir... Silent Hill. Si vous passez outre ces points et que l'histoire vous transporte, nul doute que le titre ne vous laissera pas indifférent car il reste une expérience à faire pour tout fan de Silent Hill qui se respecte. Il reste cependant bien en-dessous des trois premiers Silent Hill qui représentent la quintessence de la série, et même du quatrième opus controversé et un peu à part mais qui possède un charme unique et atypique. On pourrait donc dire que la tétralogie initiale de la série reste encore et toujours indétrônable.

Enfin, un dernier point à préciser, et pas des moindres. Le prix de 80 euros pour ce Silent Hill f est trop cher pour ce que c'est. 50 ou 60 euros auraient été, à mon sens, plus raisonnable. Si vous hésitez à vous lancer dedans, peut-être vaudrait-il mieux attendre une baisse de prix ou une promo. Parce que ça ne vaut clairement pas 80 balles.


Au final, c'est un Silent Hill que j'ai quand même bien aimé malgré tout, mais qui ne m'a pas vraiment transcendé. On est encore loin du niveau des premiers Silent Hill. Je dirais que ce fut pour moi à la fois une surprise rafraîchissante et une petite déception, si je devais résumer en une phrase. J'ai largement préféré le remake de Silent Hill 2 fait par la Bloober Team, qui fut un savoureux bonbon me renvoyant à la nostalgie.

Magnum-Yann
6
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il y a 7 jours

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