SOMA
7.5
SOMA

Jeu de Frictional Games et Mikael Hedberg (2015PC)

Après les Penumbra et Amnesia, Frictional Games (studio 'indé' suédois) a présenté SOMA, toujours son dernier jeu à ce jour. Comme eux il relève du survival et de l'horreur, mais cette fois c'est un substrat, au profit d'une science-fiction ambitieuse. La conscience n'est plus altérée ou soumise à des vibrations mystérieuses ; elle est copiable à défaut d'être transférable. Sa définition et ses garanties vont travailler le joueur pendant son expédition, dont dépend l'éventuel salut d'une relative Humanité largement décimée.


SOMA n'est pas unique comme Amnesia. Il en rappelle forcément d'autres, ne serait-ce que par le contexte (en offrant des aventures dans un vaisseau 'hanté' comme dans Dead Space). System Shock a un descendant de plus ; Bioshock et Alien Isolation sont souvent cités par les commentateurs et prescripteurs, certains chemins (comme la tour) évoquent des passages périlleux de Half-Life.


Les options de contrôle sont les mêmes que dans Dark Descent. Un point blanc au milieu de l'écran nous guide au milieu de fréquentes ténèbres (jamais complètes), la sauvegarde est automatique (heureusement multiple, on peut reprendre en une dizaine de points précédents), nous restons sans armes contre les monstres. Un mode « Sûr » est disponible pour les rendre inopérants (quoiqu'ils puissent encore vous cogner).


Mais SOMA offre beaucoup plus de libertés. Il n'y a pas de gestion lourde type 'RPG light' où il faudrait rester attentif à ses fonctions vitales, s'optimiser. Dans Amnesia, il fallait surveiller sa santé mentale, les troubles pouvaient ralentir considérablement la marche. Rien de tel ici et d'autant plus de marge pour les explorations, qui virent souvent aux promenades dans un monde subaquatique effrayant et merveilleux. Une fois que la curiosité sera satisfaite, l'ennui ou l'impatience plus que les ennemis seront à craindre.


Absorbé par sa démonstration, SOMA en devient plus valable en tant qu'expérience visuelle et mentale, autrement dit expérience de spectateur, qu'en tant qu'expérience de jeu. Nos choix sont sans impact, tout le film est déjà écrit. Nous ne faisons que l'enclencher, comme des objets dépassés (mais gratifiés) par les événements, à l'instar de Simon avec l'ARK. Contrairement à lui le joueur-spectateur ne souffre pas nécessairement d'un esprit un peu lent. Nous avons donc une double chance : observer de près et participer à un projet formidable en le tirant des ruines ; ne pas être affectés par les réactions décalées de Simon Jarett.


Les énigmes parsemant notre descente cinq lieux sous terre ont toujours des solutions simples, souvent parfaitement logiques – il faut un déclic ou une grande attention. Quelques anecdotes égayent l'aventure, notamment les recharges dans des orifices (nous aurons droit à un love fist 'Naked Lunch' au début de la fin – terminus d'Alpha) ou les retrouvailles avec le petit robot 'serrurier' (notre seul ami non-suspect ou purulent). Le jeu n'est pas passionnant avant qu'on se découvre sous l'eau et certains embranchements peuvent trop durer, mais dans l'ensemble l'investissement vaut le coup.


L'environnement et les dialogues soutiennent un propos fort, bien charpenté ; pour la profondeur, le travail est indirect et abandonné au spectateur. C'est dans ses méditations en direct qu'il aura son seul espace d'authentique liberté. Car le jeu a cette qualité d'inciter à la réflexion et nous laisser flotter, sans anesthésier ou même différer l'action, l'ascension vers de nouvelles étapes concrètes. C'est probablement car il est si inspirant que SOMA est tellement loué, ce qui n'en fait pas un jeu sur-coté, mais dont l'apport en propre sur ses thématiques est certainement surestimé.


→ Technique : Décors détaillés (et riches en garnitures), mise en scène exigeante, favorisant une immersion au moins cérébrale. Le travail sur le son est remarquable (pas toujours agréable). Un défaut néanmoins, l'optimisation modeste. (8)


→ Jouabilité : À cause de cette optimisation pas mirobolante, SOMA sera injouable sur un modèle ancien voire de quelques années et demandera probablement à la majorité des reconfigurations (sinon la vue trouble récurrente deviendra constante). L'interaction est possible avec presque tous les objets et s'avère presque toujours inutile. Pour ceux qui souhaitent s'imprégner à fond, il y aura satisfaction. Et la prise en main est facile : pas d'inventaire, pas de complication. (7)


→ Univers : De loin le meilleur atout du jeu, même si je ne raffole pas de sa façon d'alimenter un propos passionnant (le transhumanisme, la machinerie derrière l'intersubjectivité). Les dialogues restent prévisibles et certains sont même presque niais. Le scénario est de bonne tenue, carré et soutenu par des agréments précis, sans tricherie (la fin devait donc avoir d'autres qualités que la surprise, elle y parvient). La réflexion est induite et les considérations morales laissées au joueur (il ne peut les éviter lorsqu'il a le pouvoir de vie ou de mort). (8)


→ Ludique : Moins plaisant à jouer que la plupart des précédents que j'ai pratiqués (Condemned, South Park), en tout cas moins addictif (que Quake, les Wolfenstein 3D), mais nettement moins lourdaud que Resident Evil et les extensions de Half Life. (7)


https://zogarok.wordpress.com/2018/08/13/soma/

Créée

le 12 août 2018

Critique lue 512 fois

Zogarok

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