Après avoir offert à la Playstation 3 parmi leurs AAA les plus imposants, Naughty Dog poursuit tout d’abord ce travail sur la 8ème génération de consoles avec la saga Uncharted sur Playstation 4. L’ambition ne se limite pas à un épisode de plus mais à un point final aux aventures de Nathan Drake après un plus long temps de développement qu’à l’accoutumée. Avec le départ définitif d’Amy Henning, créatrice de la saga, le jeu marque aussi l’évolution du studio avec la confirmation du duo de game-designer Josh Scherr et Neil Druckmann, acclamé pour The Last of Us. L’un des plus gros arguments de vente de la Playstation 4 m’a t’il si convaincu que ça ou n’est-il qu’un divertissement sympathique parmi d’autres ? C’est ce que nous allons voir maintenant, lecture pendant laquelle je vous propose une petite dose d’adrénaline musical avec The Twelve Towers.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆



Dès le prologue, Uncharted 4 frappe très fort avec ses éclairs en pleine tempête au milieu des eaux déchaînés dont la foudre pourfend la brume pour nous offrir un spectacle visuel absolument splendide. Ces promesses alléchantes seront parfaitement remplies par la suite du jeu avec son lot de séquences impressionnantes que ce soit par la mise en scène hollywoodienne en temps réel sans accroc, les effets visuels les plus aboutis de leur époque, la distance d’affichage très prononcée rendant le clipping invisible ou encore la quantité d’animations folles très décomposées. Tout est au service du grand spectacle auquel on est droit d’attendre d’un titre de cet acabit et rien ne m’a déçu sur ce point.


Le point technique qui m’aura peut-être le plus impressionné s’il ne fallait en retenir qu’un ça serait éventuellement l’animation faciale qui est d’un niveau de détails parfaitement hallucinant, les cinématiques sachant offrir des gros plans posés pour bien les apprécier à leur juste valeur. Mais en même temps tout est tellement techniquement abouti qu’il en devient difficile de relever ce qui est mieux que le reste, c’est surtout quasiment sans défaut. Le sens du détail est omniprésent avec des nouvelles méthodes de rendu pour les textures des matériaux pour s’approcher au plus du photoréalisme, plein d’animations différentes pour les déplacements et actions contextuelles du protagoniste...


Il reste des petits soucis techniques à qui veut les voir, tirez sur un cadavre et la balle passera au travers, observez les débris issus des impacts et explosions pour les voir disparaître au sol pour ne pas surcharger la mémoire inutilement, fixez du regard les animations et on finit par y voir des incohérences passagères avec des collisions bien curieuses, prêtez attention aux skins des ennemis lambdas pour constater qu’ils ne seront pas très diversifiés… mais tout ceci est très secondaire, pour ne pas dire négligeable. Le jeu s’est surtout vendu sur cet aspect et c’est bien normal, d’autant que les séquences les plus impressionnantes présentées dans la communication officielle sont telles quelles dans la version commercialisée, ce qui n’est pas si courant malheureusement.


La direction artistique ne saurait décevoir également, si le voyage international fait défiler les décors en début d’aventure, le choix de l’île de Madagascar comme principal décor au bout d’un moment est des plus judicieux à mes yeux. Sa flore si luxuriante et diversifiée permet de dégager une identité visuelle forte au jeu tout en variant les ambiances visuelles toutes plus magnifiques les unes que les autres avec des couleurs dominantes fortes très marquées. La seule chose qui manquerait ça serait peut-être un peu plus de faune sauvage dans tous ces décors, ne serait-ce que pour l’ambiance, c’est tout ce que je peux reprocher à ce niveau-là, et même temps ça ne collerait peut-être pas avec l’ambiance recherchée par les développeurs donc même pas sûr que ce soit une si bonne idée que ça.


L’OST composée par Henry Jackman, nouveau dans la franchise et plus habitué au milieu du divertissement grand public au cinéma, fait bien le travail pour soutenir l’action et offrir ces quelques pointes de mélancolie, ce n’est pas la plus grande réussite du jeu, je regrette même un peu le lyrique en retrait par rapport aux autres épisodes, mais c’est personnel et le résultat musical reste très satisfaisant. Le sound-design est quant à lui aussi efficace que d’habitude pour la saga et ce type de production à gros budget, avec des feed-back particulièrement bien sentis en mode survie pour souligner le scoring, allant jusqu’à exploiter le haut-parleur de la Dualshock 4, toujours bienvenu pour une exclusivité de la console. De plus, le casting de la saga est efficacement renforcé en VO par Troy Baker suite à sa prestation saluée pour Joël dans The Last of us et celle de Laura Bailey.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆



Après plusieurs épisodes ne faisant que peu évolué le game-design de la franchise, le passage à une nouvelle génération de consoles exigeait à mon sens une réelle évolution de la formule, ce sur quoi j’avais peur d’être déçu, et pourtant le défi est bien relevé par les développeurs. Tout d’abord, une mécanique de jeu inédite rapidement présentée avec le titre est la corde permettant de se déplacer dans les airs avec beaucoup plus d’aisance sur une bonne distance, dynamisant autant les phases de parkours que les fusillades. C’est pour moi une très bonne idée qui peut ne pas avoir l’air si importante sur le papier mais qui permet d’offrir une toute nouvelle intensité et technicité aux deux types de phases composant le cœur du gameplay.


Pour les fusillades, un autre point d’amélioration sur lequel je n’osais plus espérer de progrès c’est l’IA qui se défend étonnamment assez bien en se dispersant sur la map et en nous forçant à rester mobile combiné à l’impossibilité de renvoyer les grenades, en changeant de position assez vite après que l’on s’est dégoté une bonne ligne de mire, en changeant leur routine de déplacement habilement quand l’alerte est donnée… Il y avait sans doute encore moyen d’aller au-delà, notamment en pouvant donner des consignes à notre allié, mais comme celui-ci est dirigé par une IA qui fait très correctement le travail, ni surpuissante, ni impuissante, je n’en tiendrais pas plus rigueur que ça.


Le level-design saura être exceptionnellement ouvert pour la saga sur certains chapitres et la possibilité du grappin et de l’IA plus évoluée prendront alors tout leur sens. Le challenge n’aura jamais été aussi présent et maîtrisé en mode difficile que dans cet épisode. Les quelques légères fausses notes se trouveront pour moi dans les checkpoints parfois étrangement à notre avantage, les ennemis repositionnés avantageusement en phase d’infiltration, ou à notre désavantage, un ennemi idéalement placé dans notre dos dès notre réapparition en phase d’action. Et bien sûr, comme la tradition l’exige, le boss final du jeu est foiré, cette fois-ci avec un système de QTE assez peu lisible, dommage mais pas bien grave.


Ces quelques défauts passagers et peu importants mis à part, la qualité du gameplay d’Uncharted 4 m’a agréablement surpris, marquant l’évolution suffisant pour son passage à une nouvelle génération, apprenant des erreurs du passé pour ne garder que le meilleur, y ajoutant quelques nouveautés bien trouvées… Et cette qualité supérieure se retrouve en plus sur un contenu supérieur, justifiant totalement le temps de développement assez long alors que Sony aurait pu être tenté de presser Naugty pour avoir une exclue de leur part plus rapidement. La campagne deux fois plus longue que la moyenne des autres Uncharted parvient même à conserver un rythme ultra maîtrisé en alternant intelligemment entre ses différents types de séquence et leur intensité, ce qui est un joli tour de force.


Certains regretteront peut-être un rythme avec un peu plus de contemplation et d’exploration imposées par le jeu plutôt qu’un déluge d’action non-stop, mais personnellement je pense préféré ce rythme qu’il est pourtant difficile de réussir dans un jeu aussi long pour son genre. On peut même y ajouter un mode survie bien sympathique dans lequel je me suis un peu investi tant le gameplay m’avait plus et que j’en redemandais une fois l’aventure finie. Et si j’ai eu l’occasion de parler de ce que j’ai préféré dans ce jeu, il me reste tout de même quelques compliments à faire.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



On aurait pu croire qu’entre Neil Druckman aux commandes du scénario et la jaquette ultra-sombre présentant un Nathan Drake abattu et résigné Uncharted 4 opère un tournant majeur dans le ton de la saga, il n’en est rien. En dehors de l’abandon du surnaturel, pour un récit un peu plus premier degré, le scénario d’Uncharted 4 reste un scénario d’Uncharted. Nous sommes en présence d’abord et avant tout d’une aventure spectaculaire avec beaucoup de prétexte à l’action, de dialogues humoristiques, de gags burlesques…. avec juste quelques pointes de mélancolie, assez efficaces d’ailleurs.


Autant le dire tout de suite, ce parti pris est à la fois toute la force et toute la limite d’un scénario aussi agréable à suivre et bien élaboré que sans l’ambition ou l’audace suffisantes pour prétendre à l’excellence. D’une part, la complicité entre les personnages suivis est ainsi très bien rendue par les dialogues ne cessant d’illustrer leur gentilles chamailleries, les petits twists relancent suffisamment l’intrigue pour lui éviter d’ennuyer… D’autre part, aucune scène ne cherche à émouvoir au plus haut point, aucun retournement de situation prétend à choquer véritablement, aucun élément du récit ne devient complexe à suivre...


Faire vibrer la corde de la nostalgie peut être très appuyée par moment avec toute une série de références aux précédentes aventures de Nathan Drake et même d’un autre héros de Naughty Dogs pour du pur fan-service, mais je trouve qu’ils ne sont jamais allé trop loin sur la question. Réussissant à rendre hommage aux précédentes aventures de Nathan Drake, voire à les mystifier quelques peu, évitant de faire revenir des personnages emblématiques sans raison comme avait pu le faire Uncharted 3, je qualifierai ce fan-service de parfaitement dosé et très appréciable. Ce n’est pas à négliger pour un épisode qui se veut a minima conclusif.


La thématique centrale d’être tiraillé entre vivre sa vie simplement et calmement ou se laisser dévorer par une passion trépignante est directement reprise d’Uncharted 3, qui était fort maladroit sur la question à mon sens, et cette fois-ci l’exercice le paraît beaucoup plus maîtrisé. Les nouveaux personnages permettent d’ailleurs de traiter le propos avec beaucoup de cohérence en plus de proposer des personnages secondaires très honnêtes dont on a envie d’en savoir plus. Je suis même assez d’accord avec l’analyse faisant du personnage de Sam une incarnation du joueur en mal d’aventures face à un Nate incarnation des développeurs qui essaient de passer à autre chose mais sans vraiment y arriver, la mise en abîme est assez intéressante.


Concernant la fin, bien qu’un peu facile j’ai su l’apprécier :


On ne pouvait imaginer plus bel happy end pour Nathan Drake, trouvant le juste compromis entre une belle vie familiale épanouissante et un travail aventureux lui procurant les sensations dont il a tant besoin, entourés par ses proches épanouis autant que lui dans des registres qui leur vont bien. Évidemment, c’est un petit peu niais et qui espérait une histoire avec plus d’impact dramatique ne peut être que déçu, mais c’est un choix que je trouve parfaitement cohérent et l’exécution est très réussie. Je ne peux qu’esquisser un sourire en voyant tous ces personnages attachants aussi heureux qu’on peut les imaginer alors qu’on imagine ne plus jamais les revoir.


Pour en finir par la narration en elle-même, si l’intégration des flash-back est souvent pertinente, les dialogues facultatifs bien écrits et à leur juste place, les réactions des PNJ à tes actions de façon dynamique renforçant bien l’immersion… la présence de choix de dialogue est quant à elle parfaitement anodine, le changement de perspectives sur l’histoire est très peu exploitée… Scénario et narration sont donc dans le même registre qualitatif à mon sens : maîtrisé et satisfaisant sans jamais être, même essayer, d’être excellent.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Remplissant haut la main ses promesses techniques exceptionnelles, se dotant d’une direction artistique exotique des plus somptueuses, développant un récit agréable à suivre pour une conclusion bien sympathique aux aventures de Nathan Drake… c’est surtout par son gameplay dynamique, abouti et technique dans ses phases de parkours comme de fusillades qu’Uncharted 4 m’aura le plus surpris. Il devient ainsi mon Uncharted préféré et l’un de mes jeux Playstation 4 favoris, tout simplement. Je suis bien content qu’il soit devenu l’épisode le plus vendu de sa franchise en dépassant les 15 millions de ventes, une formidable performance.

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le 29 mars 2021

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damon8671

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