La 26ème année

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Un ouvrage inégal... Giono nous propose une épopée tumultueuse et rythmée dans la Provence du XIXe siècle, où sévit une épidémie (de choléra dans l'ouvrage), et qu'un nationaliste italien, Angelo Pardi, tente de traverser pour retrouver ses contacts en France. Cette épidémie peut tout être, tant la métaphore de l'obscurantisme autoritaire et monarchiste que l'image de la fatalité qui s'abat aveuglément sur chacun d'entre nous. Elle est surtout l'occasion d'une formidable narration, d'un récit envoûtant au coeur de paysages splendides, que le film de Rappeneau a su à mon goût parfaitement transmettre.
Il reste ces passages un peu longuets, parfois totalement énigmatiques (l'avant-dernier chapitre reste pour moi un mystère) de réflexions sur la cause de la liberté, sur l'amour qu'on peut donner à la maladie, des descriptions bien trop longues, notamment en ouverture de l'ouvrage, et qui ralentissent considérablement la lecture. On préférera donc le film de Rappeneau, plus agréable pour aborder cette histoire singulière.

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Sous les traits d'un roman d'enquête, Modiano déroule une intéressante réflexion sur le rôle de l'auteur, la place du personnage dans l'oeuvre, mais aussi la place de l'homme dans la mémoire collective et dans sa propre mémoire : ne sommes-nous que ce que les autres savent de nous ? existons-nous dans les images que nous laissons de nous ? C'est intéressant, c'est écrit de façon fluide et ça se lit très bien.

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Pas inintéressant, et à mon goût mieux fait que 'A la croisée des mondes'. Mais tout est beaucoup trop lent à se mettre en place, le complot tout ça n'intervient qu'à la fin du premier tome... Je conçois que cela se lit en 4 tomes mais chaque volume doit pouvoir accrocher son lecteur.

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Note inchangée à 7, pour un grand écart entre un 9 mérité pour l'intrigue et la prose si agréable à lire, et un 5 catégorique sur le manque cruel de subtilité. Hugo a décidé de filer une métaphore géante, et tout n'est qu'analogie finalement dans ce qui est une fable non-déguisée... et ç'en est déplorable tant c'est rappelé toutes les 5 minutes (et l'appareil de notes agressif de l'édition Livre de Poche n'y est pas étranger). D'autant que l'auteur en profite toujours pour rappeler ses perpétuelles opinions politiques, sans grande subtilité non plus.
De plus, le style grandiloquent pour deux sous hugolien a tendance à m'exaspérer : certes, la beauté réside dans ces misérables-là, mais de là à voir de l'infini et de l'éternel dans le moindre brin d'herbe, on est vite lassés...

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En fait, ce polar aurait été bien meilleur s'il n'en avait pas été un... toute l'histoire de la famille Lindscott est passionnante mais démesurément complexe pour être pleinement compréhensible. Combien de fois ai-je eu l'impression que J. Ellroy se rendait compte de la difficulté des fils qu'il avait contribué à nouer et de l'impossibilité de les dénouer sans les récapituler un par un ! A partir des 3/4 du bouquin, son boulot consiste à rappeler des éléments placés depuis le début du livre, et à expliquer quels rapports ils entretiennent avec le meurtre de Betty Short. Certes, c'est la définition du polar : instiller des indices tout au long du texte pour donner au lecteur l'illusion qu'il sait... mais là il y en a beaucoup trop, c'est bien trop complexe, on s'y perd totalement et l'auteur est obligé de nous prendre par la main pour qu'on puisse comprendre un minimum. Et ça ne fonctionne pas vraiment, je n'ai pas été satisfait par le dénouement à plusieurs vitesses, et au final le(s) tueurs sont assez décevants, de même que les intrigues plus personnelles de Bucky Bleichert et Lee Blanchard.

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Chronique détaillée de la reconstruction post-attentat, 'Le Lambeau' m'a beaucoup fait penser à 'Réparer les vivants' de M. de Kerangal. Certes, pas la même narration, pas le même objectif littéraire, mais tout de même, des morceaux de vie quand la vie est en suspend (un terme récurrent chez Lançon, il parle régulièrement de "temps suspendu" plutôt que perdu), une perspective chronologique qui utilise bien souvent des retours en arrière ou des prolepses, et des dizaines de références artistiques (littéraires, musicales, cinéma, picturales, etc.), qui font de cet ouvrage un patchwork dans lequel on peut piocher volontiers. Emouvant, certes, mais finalement trop original pour s'apparenter à la subjectivité proustienne.

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Un conte champêtre, qui flaire les narrations philosophiques du XVIIIe siècle tout en s'en détachant assez souvent. Le récit de la vie de Cosimo di Rondo, nobliaux génois de la fin du XVIIIe siècle, qui décide de vivre sa vie dans les arbres après une dispute avec son père... Cela démarre comme un album de Claude Ponti et cela se poursuit comme un film de Zemeckis : rencontres impromptues, retour d'une personne aimée, arcs de vie qui s'ouvrent et se referment aussi vite, entrelacs de la petite et de la grande histoire... L'ouvrage de Calvino est très complet, agréable, nous expose avant toute morale une belle image en tête, et nous rappelle que certes, l'albatros ne vit pas au milieu des hommes, mais qu'il les inspire en tous points.

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ça se lit vraiment comme du Gary : la prose est fluide, et surtout l'auteur nous fait entrer dans un univers totalement singulier, voyant la vie à travers les yeux de ce jeune Algérien, le Paris des bas-fonds et les multiples trouvailles littéraires dont il est le créateur, telles ces expressions qu'il a entendues une fois et qu'il restitue toujours au mauvais moment...

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Un essai utile à plus d'un titre : nécessaire pour quiconque aimerait s'immerger dans la lutte féministe (et pour les hommes, devenir un "allié"), pratique pour ceux qui, comme moi, y ont déjà un pied mais n'ont jamais trouvé de somme systématique sur la question. En cela, cet ouvrage, bien écrit, bien rythmé (entre paragraphes rigoureux et documentés et témoignages issus des podcasts) propose une variante de thèmes abordant toutes les questions brûlantes des masculinités : la violence, les représentations, l'éducation, la sexualité, etc. Cela se lit, cela se relit.

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Certes, il y a la somme de vulgarisation économique. Mais la réelle prouesse de Piketty est de nous donner l'impression que, tout néophyte que l'on puisse être, on comprend les fondements d'économie qu'il nous présente. Rien de bien exceptionnel, hormis l'idée que la base de son raisonnement est le rapport entre certains indicateurs et le rapport capital/revenu. Mais une fois que l'on a ingurgité ce rapport (que l'auteur fait très bien de nous rappeler souvent), on comprend tout (ou plus ou moins tout) ce qui nous est envoyé. Et finalement, des patterns apparaissent souvent : les courbes en U, les destructions de capital successivement aux guerres mondiales, les transformations du capital à partir de 1945, le rattrapage du stock de capital au début du XXIe siècle et l'explosion des inégalités qui en est liée... L'ouvrage est clair, et les 900 pages se lisent très rapidement.

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L'ouvrage est celui de l'historien français le plus rigoureux sur la question. Il se présente donc comme un livre dense, complexe, nous montrant le quotidien d'un homme politique phare de la Révolution, mais que J.-C. Martin prend soin de remettre continuellement en contexte : un acteur pénétré de toutes les rivalités politiques et toutes les contingences de l'actualité révolutionnaire, les bouleversements qui se jouent parfois d'une heure à l'autre, et les carrières qui se font et se défont d'un mois à l'autre. Cela en sort un livre compliqué, dont on perd souvent le fil, et qui finalement relève beaucoup trop de l'histoire chronologique que de l'histoire thématique. L'historien n'a pas privilégié de grands axes d'interprétation, et a davantage fait un manuel utile pour tout chercheur sur le personnage et notamment sur la Terreur. Mais pour l'amateur de la Révolution, pas de réel plaisir de lecture...

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Le verbe dont est pourvu Charles de Gaulle a certes de la prestance lorsqu'il est récité... mais qu'il peut paraître artificiel lorsqu'il est écrit. Alternant des longues listes d'appareils militaires avec des courtes odes à la bravoure française, le général dresse un récit certes émouvant mais au combien laborieux des premières années de la guerre. Au-delà du trait partisan qui lui fait tout de même dire des énormités indignes d'un analyste politique de sa trempe (des communistes ralliés mais qu'il faut surveiller car ils n'ont qu'une envie : conquérir le monde... et des Américains à qui on peut aveuglément se fier ?), c'est surtout un déroulement très partiel des opérations de la France libre qu'on lit. Donc laborieux et, hormis quelques passages de diplomatie très rythmés, peu convaincant.

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Livre-analogie par excellence, 'La Peste' de Camus marque surtout par sa précocité : comment, en 1947, un écrivain pouvait-il avoir un recul aussi net sur la période qui venait de s'écouler ? Choisissant d'incarner les années de montée du fascisme et de la guerre à travers l'histoire d'une épidémie de peste bubonique à Oran, Camus entremêle l'Histoire avec son histoire, et réussit de main de maître une métaphore parfaitement filée. Le moindre épiphénomène, le moindre personnage semble relié à un élément précis de la guerre, qu'il s'agisse d'un grand mouvement de la guerre (l'ascension du fascisme, "peste brune", la libération des camps, etc.) ou d'aspects plus sociologiques (les profiteurs de guerre, les désoeuvrés en mal de violence comme Cottard). En fait, la réussite de cet ouvrage réside plus dans la clairvoyance dont son auteur fait preuve, dans l'inventivité et la beauté de sa langue, que dans son originalité : une peste pour décrire le mal, certes. Mais la subtilité aurait été de rigueur pour un sujet aussi complexe et un auteur de ce talent.

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A côté d'un verbiage parfois très technique et volontairement grandiloquent, Rosanvallon présente là une histoire de la souveraineté du peuple en France exhaustive, depuis la Révolution jusqu'aux années 1930 (pas merci pour les 15 pages sur l'après-guerre mondiale et la demi-phrase consacrée au temps gaullien ?!). Assurément, l'ouvrage aborde de multiples domaines, mais s'essouffle dès lors qu'il les décompose dans la IIIe République. La première partie, consacrée à la Révolution, la Restauration, la IIe République et le Second Empire, brille par sa clarté, sa concision, et la cohérence de ses théories. Mais la IIIe République semble être plus délicate à appréhender, et les positionnements politiques de Rosanvallon l'empêchent de pleinement réfléchir aux implications du socialisme dans la démocratie : tout ce qui a trait à un socialisme un peu revendicatif est tout de suite rangé dans la case des "enragés" tandis que les efforts démocratiques d'un gouvernement autoritaire sont hautement salués pour leur complexité...
La plume reste agréable et les approches thématiques sont sans conteste très solides pour cet ouvrage qui a fait date en 2000, dernier livre d'une trilogie plaçant enfin l'histoire des idées politiques dans le port de l'historiographie apaisée.

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La force de ces mémoires sont évidemment la franchise et le réalisme qui sont à l'origine même du témoignage de Ginette Kolinka. Comme elle le dit aux élèves qu'elle accompagne à Birkenau et à Auschwitz, "surtout, fermez les yeux !" Comme si la réalité de cet endroit n'était pas perceptible à l'oeil nu, mais seulement à l'imagination. Ou comme si la meilleure façon de s'en souvenir, était de refuser d'y croire. L'ouvrage est informatif à plus d'un titre, mais surtout efficace par sa concision et sa brièveté.

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Roman d'apprentissage par excellence, ouvrage "de capes et d'épées" dans une veine moins épique que ne le seront plus tard les oeuvres de Dumas-père, 'La Chartreuse de Parme' étonne par ses multiples narrations, ses intrigues entremêlées, ses digressions pas si éloignées de l'intrigue principale, et bien sûr la multitude des portraits d'époque, que ce soit des courtisans des petits royaumes italiens de la Restauration ou bien les simples personnages secondaires qu'on a plaisir à revoir de temps à autre (Ludovic, le fidèle second, Ferrante Palla, le poète ermite, etc.)
Au-delà de cela, l'évolution de Fabrice Del Dongo est un mythe à lui-seul, tant le personnage passe par tous les états possibles. Ce monument de la littérature doit être analysé en profondeur et certainement qu'on n'aura jamais terminé de le faire.

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Fable orientaliste réussie, 'SIddhartha' est une réflexion intense sur la vie avec les autres et l'érémitisme, une philosophie spiritualiste prônant l'individualité comme synonyme de l'Un et du Tout. Hermann Hesse reprend avec brio les univers de l'Inde et se les approprient pour présenter des épisodes clairs et complexes à la fois, où Siddhartha rencontre et expérimente, vit et voit, et évolue à chaque fois. En cela, 'SIddhartha' est bien un roman d'apprentissage, mais c'est surtout pour mieux déguiser de multiples épiphanies spirituelles amenant finalement à l'amour du présent, de la vie, à l'échec des réincarnations et donc de tout futur.

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Archétype du roman d'amour du Moyen Âge mais aussi de la chevalerie courtoise, 'Tristan et Iseult' est avant tout une succession d'aventures, mêlant dragons, géants et philtres magiques. Il fait intervenir d'innombrables thèmes : le travestissement, la folie, le courage, la fidélité, la ruse, etc. C'est aussi un formidable témoignage des comportements et des rituels du Moyen Âge central : fidélités vassaliques, éthique du chevalier, etc., en même temps que de ses transgressions : comment mieux contourner le stéréotype du chevalier fidèle qu'en peignant un héros qui se caractérise par le fait qu'il fait cocu son propre seigneur !
Le roman joue ainsi sur plusieurs registres: tragique bien entendu, magnifié par l'oeuvre de Wagner bien plus tard, mais aussi comique avec ces situations toujours plus inattendues, où les amants rusent chaque fois un peu plus pour se jouer de la naïveté du roi Marc.
Le vieux français étant un peu hors de mon atteinte, j'ai préféré la version français récent...

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Je pense qu'il y a eu un rdv manqué entre ce livre et moi... Tout était disposé à me plaire, et jusqu'à la dernière page, j'ai senti que cela devait fonctionner. Mais il faut croire que je n'étais pas dans les conditions parfaites pour recevoir toutes ces prouesses d'imagination, ces excentricités et ce monde littéraire si original. Ce sera donc pour la prochaine fois.

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Une série de quelques nouvelles portant sur la vie lors de la libération de Paris entre avril 1945 et 1950. Plusieurs thèmes sont abordés, qu'ils soient replacés dans une perspective autobiographique ou non : l'attente du retour de son mari Robert Antelme donne à la première nouvelle "La douleur" une saveur particulièrement émouvante et tragique, et l'écriture ciselée et incisive de Duras permet de transcender le romantisme du retour en un épisode cru (plus d'une page sur la couleur des excréments d'un rescapé des camps tout de même). Les nouvelles suivantes sont plus courtes et pour certaines fictives : Duras passe à tabac un collabo, et on ne sait si elle y éprouve du plaisir ou de la compassion tant son style est direct et aseptisé. Duras se prend d'affection pour un jeune collabo qui a surtout l'air d'avoir été attiré par l'excitation de porter un flingue, tandis que des républicains espagnols jouent leur pré-révolution à Paris. Et enfin, Duras se met dans la peau d'une jeune enfant juive, omnisciente, beaucoup trop âgée pour son âge, et qui voit défiler le monde de la guerre. C'est fort, c'est facile à lire, c'est utile.

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Comme le dit Joffo lui-même, ce livre/son histoire est véritablement une "immense farce"... Une farce dans laquelle l'Occupation est le grand terrain de jeu de Joseph et son frère Maurice, qui traversent la France entre 1941 et 1944 (enfin essentiellement la zone libre), mêlant leur insouciance et leur débrouillardise aux tragédies quotidiennes de cette époque. 'Un sac de billes' est un livre simple, qui se contente de retranscrire à travers des yeux d'enfants un monde d'adultes dans lequel les adultes semblent bien moins fins et rusés que ce jeune juif sûr de lui. Se sortant de toutes situations, survivant voire même prospérant au coeur du marasme, Jo' est un véritable Tom Sawyer de la Seconde Guerre mondiale, et la lecture de ses intrépidités m'a réjoui au plus haut point.

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Kaléidoscope de l'Europe du XVIe siècle, ce roman intellectuel et très bien renseigné nous immerge dans la vie tortueuse et (pas si) mouvementée de Zénon, médecin-alchimiste originaire de Bruges et invité à rencontrer toute la société européenne et flamande de son temps, des rois et reines aux simples paysans. Si on doit reconnaitre à Yourcenar une maîtrise de la prose sans pareil, sa qualité de narration reste cependant trop lourde... Voulant faire du Hugo par moments en étirant des fils somme toute peu utiles et alourdissant une intrigue déjà très compliquée, elle perd son lecteur qui a parfois grand-peine à se retrouver dans l'armada de personnages et leurs liens parfois seulement évoqués. L'appendice final doit permettre de remettre un peu d'ordre dans toute cette histoire, en résumant point par point les éléments historiques qui ont inspiré l'oeuvre. Mais ce qui ressort de cette oeuvre de khâgneux est un peu trop de name-dropping et pas assez d'alchimie...

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Une courte histoire, écrite comme une pièce de théâtre, qui se lit rapidement et s'apprécie assez bien. La figure de l'ancien combattant des guerres napoléoniennes désavoué pendant la Restauration, un vaudeville avant l'heure dans lequel la veuve refuse de reconnaître son mari ressuscité pour mieux lui soutirer sa fortune... Ce n'est pas drôle à s'en taper les genoux mais on ne passe pas un mauvais moment.

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Roman-fleuve faisant un peu peur, mais finalement relatant des épisodes avec profondeur, intensité et verve, 'la Condition humaine' retrace une révolte complexe, peut-être plus importante pour le coup de force qu'elle a engendré : en 1927, le leader républicain chinois Tchang-Kaï Chek profite de l'agitation des communistes de Shanghaï pour engager une répression féroce de son aile gauche. L'histoire suit ainsi autant d'acteurs de la révolte que de profiteurs chinois et occidentaux, d'industriels français perdus dans un Shanghaï à feu et à sang à des terroristes fanatisés prêts à mourir pour la simple sensation de dépassement de soi... Malraux a une verve, et une plume puissante pour retranscrire la noirceur des sentiments humains face à l'absolu, et cela est un point fort de son ouvrage. Si quelques pages sont difficiles à suivre, la prose reste agréable, se lit très bien et malgré l'abondance de personnages, on s'y retrouve très bien, les registres de narration permettant de reconnaître rapidement tel ou tel personnage.

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En voilà un roman total. Réécrivant le roman de Defoe, Michel Tournier entend y appliquer tous les thèmes philosophiques et anthropologiques que la vie d'un Anglais sur une île déserte au XVIIIe siècle lui évoquent. Et c'est une énorme claque tant tout y paraît maîtrisé : toute la première partie, suivant fidèlement le récit de Defoe, rend compte de cette maîtrise industrielle de l'île que Robinson tente d'appliquer. Le livre de Defoe m'est très lointain, mais je me souviens davantage de 'L'île mystérieuse' de Jules Verne, ô combien laborieuse dans ses 800p de description des techniques pour cultiver une île déserte... Là où Tournier innove véritablement, c'est dans la deuxième partie, consécutive à l'explosion de la grotte : à un Robinson-terrestre succède un Robinson-solaire, en fait un Robinson-Vendredi, se déchargeant de ses origines pour accepter la vie sur l'île, se fondant en une personne avec Vendredi.
La postface de Deleuze reste compliquée mais permet de comprendre les détails anthropologiques du roman : rapport à la sexualité, aux épisodes mystiques, aux éléments, aux métaphores, etc. Bref, un livre vers lequel j'aurai plaisir à revenir.

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C'est évident, Ken Follett est un monstre littéraire : ses romans sont monumentaux, la cohérence et la vraisemblance y sont indiscutables, les personnages présentés sont tous impeccablement écrits, et il sait nous immerger au coeur de périodes historiques nuancées et complexes. Pour cela, un bravo !
Mais, surtout, d'un point de vue d'historien, cet ouvrage de 1000 pages sur l'Occident de la Première Guerre mondiale (conflit limité aux belligérants européens et états-unien... on ne peut pas tout avoir) est parfaitement documenté : il propose toutes les nuances qu'un enseignant doit pouvoir apporter sur la période, et trace surtout le principal enseignement à retenir de ce conflit : il restructure considérablement les hiérarchies sociales des sociétés européennes. Toute la première partie de l'ouvrage sert à introduire les personnages dans leur milieu social : Billy et Ethel Williams dans leur cité galloise minière, au service des aristocrates et bourgeois ; Grigori et Lev Pechkov ouvriers de Petrograd; Maud et Fitz, petits nobles anglais ; Walter von Ulrich, diplomate jünker, etc. Tout ce monde s'écroule à l'occasion du conflit, et la troisième partie est l'occasion de s'en apercevoir. Certes, on ne devrait pas se féliciter de retranscrire fidèlement l'Histoire. Mais pour un roman grand-public, proposer une lecture complexe et documentée de la Grande Guerre est une très bonne chose.

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Houellebecq a le don d'être énervant... notamment dans sa capacité à rendre l'assertion "on critique tout ce qu'on n'a pas lu" vraie. Peu Houellebecq-compatible au plan des convictions politiques (mais en a-t-il seulement ? quelle est la part de l'auteur dans ses romans ?), je me découvre finalement assez intrigué par le roman que j'ai sous les yeux. C'est violent, c'est soudain, c'est Virginie Despentes qui aurait fait son testament plutôt qu'un manifeste pour la vie. Au-delà des critiques de l'individualisme de l'homme occidental, ce qui me frappe dans l'oeuvre de Houellebecq est bien sa plume : c'est gras, brut, aigre, et pourtant, on en redemande. Les longues scènes sexuelles, comme immergées dans le paysage (Christiane en train de branler Bruno dans un club échangiste tout en regardant alentours, comme s'il s'agissait de jouer avec la paille de son cocktail...), sont autant d'occasions de voyeurisme proposé au lecteur. Et celui-ci croque à pleines dents ce fruit défendu, conscient que cette insistance s'intègre à un récit plus global sur l'assouvissement des vexations du personnage et le remplissage de sa vie morne. Pourquoi la quête de sens ne passerait-elle pas par une consommation effrénée de sexe ? Consommation qui aboutit bien sûr à une désindividuation : aux débuts solitaires se substituent des fins en communauté, que ce soit avec un autre coupe au cap d'Agde ou aux limites du communisme libertaire dans les boites échangistes parisiennes. Car ce roman, comme de nombreux avant moi l'ont dit, c'est la quête de la communauté, de la place dans le groupe, quête avortée pour les deux personnages, qui auront pu, un temps, goûter au plaisir de l'autre, que cet autre soit une simple amie d'enfance (Annabelle pour Michel), une quadragénaire libertine venue exorciser le souvenir de la mère libertine (Christiane pour Bruno) ou une communauté d'égaux (les clubs échangistes, les groupes de travail de biochimie).
Loin d'être réduit à sa part polémique, Houellebecq sait sans nul doute dérouler son histoire, entre brutalité et émotion.

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Courte mise en abyme de la situation du Rwanda postcolonial, ‘Notre-Dame du Nil’ entend rendre compte d’une société tiraillée à travers l’œil de ses filles les plus riches et privilégiées : scolarisées dans un lycée chrétien entièrement tenu par des Belges et des Français, ces filles sont confrontées aux contradictions d’un pays en décolonisation, davantage contre une fraction de leur population -les Tutsi – que contre le colon lui-même. En effet, la dernière partie reste la plus intéressante : lorsque une Hutu, Gloriosa, tente de mettre à l’épreuve ses convictions politiques et, alors que l’opération tourne mal, elle lance la rumeur que des Inyenzi, des « cafards » Tutsi, l’ont attaquée et projettent d’attaquer le lycée. La mécanique infernale est enclenchée, et tout le lycée et la région se retourne contre les Tutsi, notamment les étudiantes, qui sont traquées, violées et tuées. Point d’orgue : le coup d’Etat militaire du 5 juillet 1973 qui voit l’armée prendre le pouvoir sur le régime démocratique et donc rétablir l’ordre – un ordre majoritairement hutu.
L’ouvrage n’est pas inintéressant mais souffre d’épisodes qui se veulent symboliques (le colon français qui admire les jeunes filles tutsi dans une espèce de cabbale mystique, les sorciers et sorcières rwandais qui semblent plus censés que les colons aveugles aux rivalités ethniques, etc.) et restent finalement sans réelle originalité. Scholastique Mukasonga propose néanmoins une lecture intéressante d’un pays meurtri, sans tomber dans le sentimentalisme ou la reductio ad Shoah, mais la narration manque d’une originalité et l’écriture, bien qu’à fleur de peau, peine à divertir.

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ça se lit très bien, c'est plutôt drôle, et Pennac développe une prose cynique et humoristique, sorte de Houellebecque moins déprimé et moins pervers (ouais donc pas du Houellebecque...). Malaussène est formidablement bien écrit : grand frère bouc émissaire de profession, entraîné dans une intrigue policière à la Frères Coen dont il ne pige rien et qui manque de se retourner contre lui et sa famille... Dommage que le dénouement soit finalement assez pauvre et hors sujet.