Lu en 2023

1. Ada, or Ardor – Vladimir Nabokov
2. Le Loup des steppes – Hermann Hesse
3. Les Buddenbrook – Thomas Mann
4. The Electric Kool-Aid Acid Test – Tom Wolfe
5. The Winter of Our Discontent – John Steinbeck
Mention honorable à : Eyeless in Gaza – Aldous Huxley ; La ...

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33 livres

créee il y a plus d’un an · modifiée il y a 4 mois

Béton
7.8

Béton

Sortie : novembre 1985 (France). Roman

livre de Thomas Bernhard

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Petit Thomas Bernhard (gros toutefois si on le pèse en rapport avec son argument, à savoir : “ma sœur est venue chez moi et cela m'a contrarié”), toujours efficace dans sa rumination acide et contradictoire, même si cela ne fait pas partie de ses meilleurs ouvrages. La première partie, dans une maison de campagne du pire pays du monde (l'Autriche, à en croire la littérature de Bernhard), est plutôt meilleure que la seconde.

Citation : « Je me suis persuadé que je n'avais besoin de personne, je m'en persuade encore aujourd'hui. Je n'avais besoin de personne, donc je n'avais personne. Mais nous avons naturellement besoin de quelqu'un, sinon nous devenons inéluctablement tel que je suis devenu : pénible, insupportable, malade au sens le plus fort du terme. (...) cette chose la plus absurde de toutes, à présent je m'en suis de nouveau rendu compte ces jours-ci : jamais, à aucun moment, nous savons si nous avons besoin de quelqu'un ou si nous n'avons besoin de personne ou si nous avons besoin en même temps de quelqu'un et de personne, nous ne savons jamais ce dont nous avons effectivement besoin, nous sommes malheureux et, dès lors, incapables de commencer un travail de l'esprit au moment où cela nous paraît indiqué. »

Libres d'obéir
7.3

Libres d'obéir (2020)

Le management, du nazisme à aujourd'hui

Sortie : 9 janvier 2020. Essai

livre de Johann Chapoutot

Venantius a mis 5/10.

Annotation :

Livre assez léger : même si l'on y découvre avec intérêt le parcours hors norme de Reinhard Höhn — intellectuel nazi, bourreau de travail et gourou des milieux économiques de RFA — on se demande exactement ce que l'auteur veut dire. Tout en avertissant que son propos n'est “ni essentialiste, ni généalogique” — et donc en s'exonérant de la rigueur démonstrative qui aurait dû présider à l'une ou l'autre de ces approches —, il conclut en faisant le lien, sur des bases d'ailleurs singulièrement fines, entre la pratique contemporaine du “management” et l'héritage intellectuel de Höhn. Mais le manque de profondeur de champ (en histoire de l'entreprise, militaire, en sociologie voire en philosophie) rend difficile de tirer des enseignements significatifs de cette petite monographie. Par ailleurs, comme dans *La Loi du sang*, J. Chapoutot ne s'interroge que peu sur l'appropriation concrète des théories qu'il décrit par les acteurs ; ce qui pouvait se comprendre dans l'étude d'ensemble d'un paysage culturel (dont on peut tout de même former l'hypothèse qu'il dit quelque chose de la société dans laquelle il a été créé) devient peu convaincant dans l'étude d'un seul auteur (pour l'essentiel) et d'une thématique réduite, qui peuvent avoir été ignorés dans la pratique.

Revenants
7.1

Revenants (1986)

Ghosts

Sortie : 1988 (France). Roman

livre de Paul Auster

Annotation :

Délicieuse nouvelle qui séduit par son économie — les personnages portent des noms de couleur qui les anonymisent, le dramatis personae est réduit au minimum —, par l'efficacité de son postulat et son dénouement percutant. Ce tome est le plus épuré et, par certains égards, le plus mystérieux de la New York Trilogy d'Auster.

La Chambre dérobée
7.5

La Chambre dérobée (1986)

The locked room

Sortie : 1988 (France). Roman

livre de Paul Auster

Annotation :

Ce tome qui conclut la New York Trilogy de Paul Auster est situé à l'autre extrémité du spectre par rapport à Ghosts (City of Glass étant placé entre les deux) : les personnages y sont plus épais, moins schématiques, l'intrigue plus complexe — mais le pur plaisir narratif des deux premières nouvelles est dilué dans un style un peu plus discursif, et l'intrigue est moins percutante, ce qui en a fait une lecture un peu moins efficace à mes yeux.

Trilogie New-Yorkaise
7.5

Trilogie New-Yorkaise (1986)

The New York Trilogy

Sortie : 1987 (France). Roman

livre de Paul Auster

Venantius a mis 7/10.

L'Exploit
7.1

L'Exploit (1932)

Glory

Sortie : 1981 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

V. Nabokov surprend toujours. Avec *L'Exploit*, livre assez précoce de sa période russe, on le découvre frais, sensible et léger, moins joueur et retors que dans beaucoup de ses grandes œuvres. Cela ne l'empêche pas de s'emparer avec intelligence du genre du Bildungsroman - mais c'est alors un roman d'apprentissage dont le personnage n'apprend pas grand-chose, pas davantage, d'ailleurs, qu'il ne s'abîme. Un garçon sain et plutôt bien loti par la vie y passe à travers sa jeunesse et ses impressions, avant de courir sans raison à un incompréhensible "exploit" qui n'est pas sans rappeler l'acte gratuit de Lafcadio. Au passage, on y aura croisé une galerie de personnages croqués avec talent, quelques aventures légères, et un nouveau pays nordique imaginaire, le Zoorland, à ranger aux côtés de ceux d'Ada, Bend Sinister ou Pale Fire.

Du trésor au musée

Du trésor au musée (2020)

Le musée, une histoire mondiale, tome I

Sortie : 1 octobre 2020. Essai

livre de Krzysztof Pomian

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Brillante étude, parfois un peu riche en détail pour le lecteur moyen, mais qui éclaire avec beaucoup de clarté et d'érudition l'apparition de cet objet curieux qu'est le musée. Les propos introductifs, qui cherchent à en dégager une définition et remettent en perspective, notamment, son apparition aux alentours de 1500, celle un peu plus tardive du mot “museo” pour désigner une autre réalité ; on y découvre la “traversée des Alpes” des musées — traversée dans laquelle, curieusement, le musée d'histoire naturelle a précédé le musée d'art — et leur ouverture progressive au public, au-delà des quelques privilégiés ou invités des premiers temps, au XVIIIe siècle. De manière peut-être un peu curieuse, mais ce n'est pas un reproche, on trouve chez Pomian très peu d'interrogations ou même d'éléments permettant d'élucider les causes de ce phénomène, en dehors peut-être de quelques considérations sur le milieu humaniste.

Les Pléiades
7.7

Les Pléiades (1874)

Sortie : 1874 (France). Roman

livre de Arthur de Gobineau

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Livre amusant, bien qu'un peu insubstantiel, d'un auteur resté dans les mémoires pour d'autres écrits moins heureux. On y suit un petit ensemble de jeunes adultes un brin poseurs, avec leurs ridicules et leurs grandeurs, à la recherche de l'amour et d'une forme de sens dans une Europe d'opérette. Le ton du roman est inclassable : s'il commence sur un ton plutôt sérieux et n'est pas sans évoquer par endroits le roman d'idées — discussions politiques autour de la principauté imaginaire de Burbach, credo élitiste et conservateur échangé entre les protagonistes dans les premières pages —, il prend ensuite un ton plus léger, d'opérette, à mesure que chacun des personnages chemine vers l'amour — ou, pour Laudon, sa vocation — véritables. Rien d'inoubliable, mais une lecture plaisante, originale et enlevée.

Citation : « Sur le seuil, la comtesse s'arrêta ; l'indignation enflamma ses yeux, gonfla ses narines, et voyant le prince impassible et ne lui disant mot, elle éleva les deux bras comme pour le maudire, et s'écria d'une voix stridente :
— Vous êtes un misérable !
Puis elle sortit. Il est fâcheux pour les sentiments tragiques que les formes de la vie moderne ne s'y prêtent pas. Quand madame Tonska arriva dans la salle d'attente. Une lampe fumeuse éclairait fort mal, et elle eut quelque peine à trouver l'issue par laquelle elle devait sortir. Elle arriva comme à tâtons dans l'antichambre déserte. C'est qu'il était trois heures du matin. Elle dut aller de droite à gauche, ouvrant les portes dans les ténèbres. Il lui fallut appeler. On peut imaginer que ce furent ces diverses opérations pour une personne dans sa disposition d'esprit et qui eût voulu se hâter. »

The grass is singing
7.3

The grass is singing (1950)

Sortie : 1950. Roman

livre de Doris Lessing

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Loin de l'esprit joueur de *The Golden Notebook*, le premier roman de Doris Lessing est aride, souvent cruel, “unforgiving” dans sa lente description de la destruction mutuelle de Mary Turner, jeune femme de Rhodésie enfermée dans un mariage insensé, et de son entourage. Le chapitre introductif, qui se déroule au terme de l'histoire, est magistral dans son exposition économe mais perçante de la chape de plomb coloniale. La suite est assez réussie dans son économie générale mais, m'a-t-il semblé, longue et parfois répétitive, au point de nuire progressivement à l'intérêt du lecteur ; on aurait pu l'amputer de 50 pages sans nuire beaucoup à la description de la descente des personnages dans l'abîme.

Citation : « When old settlers say, “One has to understand the country,” what they mean is, “You have to get used to our ideas about the native.” They are saying, in effect, “Learn our ideas, or otherwise get out: we don't want you.” Most of these young men where brought up with vague ideas about equality. They were shocked, for the first week or so, by the way natives were treated. They were revolted a hundred times a day by the casual way they were spoken of, as if they were so many cattle; or by a blow, or a look. But they could not stand out against the society they were joining. It did not take them long to change. It was hard, of course, becoming as bad oneself. But it was not very long that they thought of it as “bad”. And anyway, what had one's ideas amounted to? Abstract ideas about decency and goodwill, that was all: merely abstract ideas. (...) A few months, and these sensitive, decent young men had coarsened to suit the hard, arid, sun-drenched country they had come to; they had grown a new manner to match their thickened sunburnt limbs and toughened bodies. »

Un conte de deux villes
7.6

Un conte de deux villes (1859)

A Tale of Two Cities

Sortie : 1 novembre 1859. Roman

livre de Charles Dickens

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Il faut revenir de temps à autres au XIXe siècle pour se ressourcer dans la marmite créative de l'explosion cambrienne du genre romanesque. Charles Dickens, le Victor Hugo anglais, chargé de tout son génie excessif, est un très bon compagnon pour cela. Malgré les faiblesses que l'on peut trouver à ce roman-feuilleton — un certain sentimentalisme, des scènes de Révolution française téléphonées et qui ont parfois un petit air de carton-pâte, des invraisemblances assez nombreuses —, la force de quelques passages (on pense en particulière à l'extraordinaire chute d'un tonneau de vin sur les pavés de Paris) emporte tout.

Citation (fameuse, mais non sans raison) : « A wonderful fact to reflect upon, that every human creature is constituted to be that profound secret and mystery to every other. A solemn consideration, when I enter a great city by night, that every one of those darkly clustered houses encloses its own secret; that every room in every one of them encloses its own secret; that every beating heart in the hundreds of thousands of breasts there, is, in some of its imaginings, a secret to the heart nearest it! Something of the awfulness, even of Death itself, is referable to this. No more can I turn the leaves of this dear book that I loved, and vainly hope in time to read it all. No more can I look into the depths of this unfathomable water, wherein, as momentary lights glanced into it, I have had glimpses of buried treasure and other things submerged. It was appointed that the book should shut with a a spring, for ever and for ever, when I had read but a page. It was appointed that the water should be locked in an eternal frost, when the light was playing on its surface, and I stood in ignorance on the shore. My friend is dead, my neighbour is dead, my love, the darling of my soul, is dead; it is the inexorable consolidation and perpetuation of the secret that was always in that individuality, and which I shall carry in mine to my life's end. In any of the burial-places of this city through which I pass, is there a sleeper more inscrutable than its busy inhabitants are, in their innermost personality, to me, or than I am to them? »

Le Nommé Jeudi
6.9

Le Nommé Jeudi (1908)

Un cauchemar

The Man Who Was Thursday: A Nightmare

Sortie : 1908. Roman

livre de G. K. Chesterton

Venantius a mis 6/10.

Annotation :

Étrange conte de Chesterton, dans lequel un protagoniste candide et sympathique, Syme, qui croit en la décence commune et dans la poésie de l'ordre et des lampadaires, se trouve immergé dans un jeu de dupes de plus en plus obscur. Les personnages ont l'allure de prétextes, les allégories sont empilées les unes sur les autres et tout, dans cette histoire qui, devenant de plus en plus invraisemblable à mesure que les pages défilent, semble racontée en deux dimensions. Si l'on ne se formalise pas de ce manque de profondeur, on pourra se laisser agréablement perdre dans cette mascarade métaphysique.

Citation : « The sun on the grass was dry and hot. So in plunging into the wood they had a cool shock of shadow, as of divers who plunge into a dim pool. The inside of the wood was full of shattered sunlight and shaken shadows. They made a sort of shuddering veil, almost recalling the dizziness of a cinematograph. Even the solid figures walking with him Syme could hardly see for the patterns of sun and shade that danced upon them. Now a man’s head was lit as with a light of Rembrandt, leaving all else obliterated; now again he had strong and staring white hands with the face of a negro. (...) The fancy tinted Syme’s overwhelming sense of wonder. Was he wearing a mask? Was anyone wearing a mask? Was anyone anything? This wood of witchery, in which men’s faces turned black and white by turns, in which their figures first swelled into sunlight and then faded into formless night, this mere chaos of chiaroscuro after the clear daylight outside, seemed to Syme a perfect symbol of the world in which he had been moving for three days, this world where men took off their beards and their spectacles and their noses, and turned into other people. That tragic self-confidence which he had felt when he believed that the Marquis was a devil had strangely disappeared now that he knew that the Marquis was a friend. He felt almost inclined to ask after all these bewilderments what was a friend and what an enemy. Was there anything that was apart from what it seemed? The Marquis had taken off his nose and turned out to be a detective. Might he not just as well take off his head and turn out to be a hobgoblin? Was not everything, after all, like this bewildering woodland, this dance of dark and light? »

Venises
7.2

Venises (1971)

Sortie : 1971 (France). Récit

livre de Paul Morand

Les Fonctionnaires

Les Fonctionnaires (1959)

Sortie : 1959 (France). Roman

livre de Maurice Toesca

Annotation :

Roman amusant, sans prétention déjà lors de sa publication et devenu par surcroît suranné. On y découvre une administration qui nous paraît assez vieillotte (la preuve : l'É.N.A. y était une grande nouveauté). Les personnages ne sont pas d'une grande profondeur mais ils sont croqués assez habilement pour qu'on se laisse les suivre quelques centaines de pages. L'intrigue, de manière involontaire (mais involontairement non dénuée d'adresse dans sa manière de le faire), montre le complet renversement des valeurs dans le monde professionnel et social depuis les années 1950 : l'incident de bureau – le propos déplacé – qui ouvre le roman et va conduire à une catastrophe à peu près généralisée serait aujourd'hui traitée à l'inverse par toute organisation sensée...

Le Dossier Rebatet
8.5

Le Dossier Rebatet (2015)

Les Décombres - L'inédit de Clairvaux

Sortie : 2015 (France). Roman

livre de Lucien Rebatet

Annotation :

Motivé par la découverte des *Deux Étendards*, livre imparfait mais non dénué d'une étincelle de génie, je me suis colleté à cette édition bien pensée, entourée d'un précieux appareil critique, du volumineux pamphlet de Lucien Rebatet, *Les Décombres*, qui fut l'un des grands succès de librairie de la France occupée. Je le laisse inachevé. Rebatet empile à longueur de pages des vitupérations répétitives dont la violence antisémite est sidérante par son intensité et délirante par son contenu. Impossible — et je ne pense pas être le lecteur le moins large d'esprit qui soit — de stimuler longuement mon intérêt pour cette longue jérémiade, malgré une certaine adresse de plume et des passages ponctuellement plus intéressants (par exemple le portrait de Maurras). Reste seulement le petit sentiment de fascination devant ce vivant rappel du fossé qui peut séparer deux facettes d'un homme…

Ada ou l'Ardeur
8.3

Ada ou l'Ardeur (1969)

Ada or Ardor: A Family Chronicle

Sortie : 1975 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Venantius a mis 10/10.

Annotation :

Il n'est pas courant d'ouvrir un livre en ayant le sentiment, les 10 premières pages à peine feuilletées, qu'on a entre les mains un chef-d'œuvre universel ; et de ressentir dès ce moment comme un début de nostalgie à l'idée de ne jamais plus pouvoir lire pour la première fois un de ces très rares romans de génie... Nabokov est au sommet de son art dans *Ada or Ardor*. Son intelligence et son sens inégalé du style – qui réussit, en plus de 500 pages, à ne jamais se permettre un cliché – y sont à leur meilleur. Sa puissance d'imagination nous conduit, pleins feux, dans les illusions du Vineland et d'Antiterra, Amérique et Terre fictives qui, plus que d'autres contrées nabokoviennes (intrigantes mais décoratives), se mêlent intimement à la contexture du roman. Une œuvre généreuse et riche, indispensable (à lire, si possible, en Anglais, car son inventivité linguistique, quelle que soit l'habileté du traducteur, ne peut être appréciée que dans la langue d'origine...)

Océaniens

Océaniens

Histoire du Pacifique à l'âge des empires

Islanders. The Pacific in the Age of Empire

Sortie : 6 février 2020 (France). Histoire, Essai

livre de Nicholas Thomas (II)

La Source sacrée
7.5

La Source sacrée (1901)

The Sacred Fount

Sortie : 1901 (France). Roman

livre de Henry James

Annotation :

The Sacred Fount est un roman mal aimé de James, et à vrai dire assez mal-aimable. Son argument est pourtant intrigant : un narrateur que l'on soupçonne peu à peu de n'être pas aussi fiable qu'on l'aimerait découvre des changements inattendus – rajeunissement, vieillissement, intelligence nouvelle – chez des hommes et des femmes lors d'une soirée mondaine ; il s'attelle à découvrir quels transferts cachés de force vitale (sexuelle ? C'est en tout cas ce qu'on peut imaginer, surtout à la lumière du titre) peuvent les expliquer. Mais cette histoire fine comme un cheveu est coupée en trente-deux par James, au point que même le lecteur qui s'est enthousiasmé devant les Ambassadeurs finit par sentir son intérêt à son tour "vampirisé" par ce livre assez ingrat.

Les Deux Beune
7.5

Les Deux Beune (2023)

Sortie : 23 mars 2023. Roman

livre de Pierre Michon

Venantius a mis 5/10.

Annotation :

La découverte d'un inédit de Pierre Michon faisant suite à la Grande Beune a donné lieu à une réédition des deux ouvrages. La suite, dans laquelle l'instituteur-protagoniste se rapproche de la conquête de sa dulcinée, a moins d'intérêt que le début, que ce soit sur le plan du récit ou du style : Michon n'avait pas eu tort en publiant sa première Beune et non sa seconde.

Et quelquefois j'ai comme une grande idée
8.6

Et quelquefois j'ai comme une grande idée (1964)

Sometimes a Great Notion

Sortie : septembre 2013 (France). Roman

livre de Ken Kesey

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

*Sometimes a great notion* est un roman notable et même grand par endroits, mais qui ne m'a pas semblé mériter tous les éloges qui peuvent en être faits. On y trouve un récit à l'Américaine de grands horizons ; une rivalité primale entre frères ; un beau thème existentiel (l'aliénation au monde et l'incapacité d'en profiter). Mais je ne suis pas entièrement convaincu de l'apport de la narration disjointe — alors déjà bien explorée par d'autres romanciers américains — à la force de l'ouvrage ; certains "trucs", par exemple les passages qui saisissent les pensées et les actions de multiples personnages périphériques, m'ont même semblé assez inutiles ou répétitifs (je ne dirais pas la même chose de l'usage des parenthèses pour alterner les points de vue, plutôt habile et prenant). Ce qui reste après lecture, de mon point de vue, est bien plutôt le noyau dur du récit – le face à face des deux frères, cette intrigante histoire de vengeance du faible au fort – que ses atours modernistes, même si certains ne manquent pas de charme ou d'adresse.

Les Trois Mousquetaires
7.8

Les Trois Mousquetaires (1844)

Sortie : 1844 (France). Roman, Aventures, Histoire

livre de Alexandre Dumas

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

*Les Trois Mousquetaires* n'est peut-être pas un livre profond mais c'est, au moins dans sa première moitié, un chef-d'œuvre d'efficacité mono-dimensionnelle, du genre qui donne les meilleurs films de super-héros d'aujourd'hui. La découverte de D'Artagnan, son arrivée à Paris, les croquis dressés d'Athos, Porthos et Aramis, les premières aventures autour des ferrets de la reine : tout cela se dévore grâce à la subtile alchimie d'une plume enlevée, souvent drôle, de péripéties bien construites et de personnages simples sinon archétypaux, mais attachants. Cette belle machine se grippe par la suite, où l'on enchaîne plusieurs épisodes anecdotiques où Dumas semble tirer à la ligne, une description assez besogneuse du siège de la Rochelle et une intrigue un peu abracabrantesque autour de Milady — jusqu'à une fin inspirée et touchante. Reste le délice des trois cents premières pages et le plaisir d'avoir découvert, un peu tardivement, un classique intemporel et rassembleur.

Un (amoureux) extrait : « — Oh ! oui, madame, oui, Votre Majesté, s’écria le duc, je sais que j’ai été un fou, un insensé de croire que la neige s’animerait, que le marbre s’échaufferait ; mais que voulez-vous, quand on aime, on croit facilement à l’amour ; d’ailleurs, je n’ai pas tout perdu à ce voyage, puisque je vous vois.
— Oui, répondit Anne, mais vous savez pourquoi et comment je vous vois, milord. Je vous vois par pitié pour vous-même ; je vous vois parce qu’insensible à toutes mes peines, vous vous êtes obstiné à rester dans une ville où, en restant, vous courez risque de la vie, et me faites courir risque de mon honneur ; je vous vois pour vous dire que tout nous sépare, les profondeurs de la mer, l’inimitié des royaumes, la sainteté des serments. Il est sacrilége de lutter contre tant de choses, milord. Je vous vois enfin pour vous dire qu’il ne faut plus nous voir. »

La Paix des profondeurs
8.3

La Paix des profondeurs (1936)

Eyeless in Gaza

Sortie : 1936. Roman

livre de Aldous Huxley

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

En moins dix ans, Aldous Huxley a écrit trois très bons romans, ce qui n'est un mince succès : *Point Counter Point* (sur lequel j'ai déjà commis une critique enthousiaste), *Brave New World* (qu'on ne présente plus) et enfin *Eyeless in Gaza* (bizarrement traduit par “La Paix des profondeurs”). Il y a dans ce dernier beaucoup de la veine satirique de *Point Counter Point* et des premiers romans de Huxley ; mais elle est tempérée à la fois par un discours profondément humaniste, plus explicite que dans *Point Counter Point*, et par une plus grande tendresse dans la présentation de ses personnages, qui les humanise. La structure narrative non-linéaire du roman peut déstabiliser pendant les premières pages, mais on y trouve rapidement quelques repères temporels ; et ce qui est perdu du côté de l'immersion immédiate est gagné par la possibilité d'amener à une conclusion simultanée les deux principaux arcs de la narration.

Un extrait (envieux) : “For, thanks to their money and their position, they were able actually to live in such freedom as Anthony had only imagined or read about. For them, the greater number of the restrictions which had always hedged him in did not even exist. They permitted themselves as a matter of course licences which he took only in theory, and which he felt constrained even then to justify with all the resources of a carefully perverted metaphysic, an ingeniously adulterated mystical theology. By the mere force of social and economic circumstances, these ignorant barbarians found themselves quite naturally behaving as he did not dare to behave even after reading all Nietzsche had said about the Superman, or Casanova about women. Nor did they have to study Patanjali or Jacob Boehme in order to find excuses for the intoxications of wine and sensuality: they just got drunk and had their girls, like that, as though they were in the Garden of Eden. They faced life, not diffidently and apologetically, as Anthony faced it, not wistfully, from behind invisible bars, but with the serenely insolent assurance of those who know that God intended them to enjoy themselves and had decreed the unfailing acquiescence of their fellows in all their desires.”

Avec vue sur l'Arno
7.4

Avec vue sur l'Arno (1908)

A Room with a View

Sortie : 1947 (France). Roman

livre de E.M. Forster

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Livre subtil et plaisant, même si peut-être un peu oubliable, qui traite un thème cher au roman anglo-saxon moderne : la difficulté de trouver une expression vraie de soi, au-delà des conventions. La charmante protagoniste est ainsi divisée entre ses fiançailles avec Cecil, un snob mondain qui rappelle le Gilbert Osmund de The Portrait of a Lady, et son amour bourgeonnant pour George, jeune homme sensible issu d'un milieu industrieux en pleine ascension. La plume de Forster est très habile, souvent drôle : le roman est un petit bijou de narration, qui n'est pas sans évoquer par là Jane Austen. Dommage que la romance entre les deux protagonistes soit aussi dépourvue de crédibilité psychologique ou même d'alchimie.

Acid test
7.2

Acid test

The Electric Kool-Aid Acid Test

Sortie : 1968 (France). Récit

livre de Tom Wolfe

Venantius a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Nous sommes à la fin des années 1960, en Californie. Alors que les États-Unis entrent dans une ère de prospérité sans équivalent dans l'histoire humaine, la rencontre de la contre-culture émergente de la beat generation et de la chimie moderne, qui synthétise le LSD, suscite une aventure inclassable : celle de Ken Kesey et des Merry Pranksters. Il y a quelque chose d'"exhilataring" au récit de leurs coups de folie psychédéliques : l'épopée du bus Furthur, leur rencontre avec Timothy Leary et les Hell's Angels, leurs virées au concert des Beatles et leur happening à un événement pour la paix au Viêtnam... quelque chose de fascinant, aussi, à ce mouvement à la fois religieux et dadaïste, dont Tom Wolfe saisit bien l'ambiguïté. Son livre est parfois un peu long et quelques ellipses ne lui auraient pas fait de mal — mais on ne peut qu'en sortir en étant résolument "on the bus".

Une saison amère
7.6

Une saison amère (1961)

The Winter of Our Discontent

Sortie : 1961 (France). Roman

livre de John Steinbeck

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Très bon roman de Steinbeck autour d'un thème fascinant : quelle est la pente qui conduit un père de famille excentrique et moral à abandonner son intégrité morale pour des compromissions modérées qui lui permettront de reconquérir le rang social perdu par son père ? Il y a quelque chose du film de gangster dans cette trajectoire individuelle saisie avec beaucoup de talent. Les personnages sont saisis avec beaucoup de talent, de même que l'atmosphère de leur petite ville du Nord-Est américain. Un classique qui gagne à être découvert au côté des autres grands romans, mieux connus, de son auteur.

L’ancrage européen, 1789-1850

L’ancrage européen, 1789-1850 (2021)

Le musée, une histoire mondiale, tome II

Sortie : 11 mars 2021. Essai

livre de Krzysztof Pomian

Vienne au crépuscule
8.2

Vienne au crépuscule (1908)

Der Weg ins Freie

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de Arthur Schnitzler

Venantius a mis 7/10.

Annotation :

Il y a un charme assez unique aux romans viennois du début du XXe siècle, qui nous font deviner une société – du moins, dans une toute petite intelligentsia – subtile, cultivée, raffinée, avant-gardiste dans ses mœurs, le tout dans un climat dont nous savons, même quand les romans ne le rappellent pas, qu'il a produit Freud et Klimt. *Vienne au crépuscule* (traduction curieusement peu littérale et publicitaire de l'allemand) en est un exemple abouti, avec son défilé de personnages, sa morale douce-amère et la grande modernité de ses sentiments.

Les Buddenbrook
8.1

Les Buddenbrook (1901)

Buddenbrooks : Verfall einer Familie

Sortie : 1901.

livre de Thomas Mann

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Grand roman de Thomas Mann, dont on sait qu'il lui a largement valu le Nobel de littérature. Le sujet est connu et d'ailleurs défloré dans le sous-titre allemand : celui du déclin d'une famille, en l'occurrence celle de grands commerçants de la Hanse. Ce déclin n'est pas seulement celui d'un commerce maritime pénalisé par le Zollverein, bien que cela soit en arrière-plan de l'œuvre. Le cœur du propos est le déclin personnel des Buddenbrook, dont chaque génération aggrave des atavismes, selon une trajectoire qui n'est ps sans évoquer Zola. Parmi les nombreuses réussites de ce modèle d'art romanesque classique, l'une des plus frappantes m'a paru être l'évolution du point de vue, d'abord très extérieur aux personnages robustes et énergiques des premières générations, puis de plus en plus intime, nous donnant accès à leurs pensées et à leurs états d'âme. Cette évolution dans la technique narrative est le miroir de la trajectoire qui conduit du succès industrieux des aïeux à l'enthousiasme du père pour Schopenhauer et, pire encore, au goût pour la musique du fils, Hanno. Cette petite histoire morale et psychologique de la modernité, plus d'un siècle après, résonne profondément avec l'évolution de nos sociétés post-industrielles.

Extrait (lucide) : – (...) Fortune et succès sont à nous. A nous de les retenir solidement, par leur racine. Dès qu'en nous quelque chose commence à céder, à se détendre, à trahir la fatigue, aussitôt tout s'affranchit autour de nous, tout résiste, se rebelle, se dérobe à notre influence... Puis une chose en appelle une autre, les défaillances se succèdent, et vous voilà fini. J'ai souvent pensé, ces derniers temps, à un proverbe turc qu'il me souvient d'avoir lu : "Une fois la maison finie, la mort s'approche." Oh ! pour l'instant, la mort, c'est beaucoup dire. Mais le recul, la descente... (...) Je sais que, souvent, au moment même où éclatent les signes extérieurs, visibles et symptômes du bonheur et de l'essor, tout déjà s'achemine en réalité vers son déclin. L'apparition de ces signes extérieurs demande du temps, comme la clarté d'une de ces étoiles dont nous ne savons pas si elle n'est pas déja sur le point de s'éteindre, si elle n'est pas déjà éteinte, alors qu'elle rayonne avec le plus de splendeur...
(...) Alors Mme Permaneder eut un soupir si pénible qu'il ressemblait à un sanglot.
– Que c'est triste, ce que tu dis là, Tom ! Jamais tu n'as rien dit d'aussi triste. Mais il est bon que tu t'en sois ouvert."

La Curée
7.4

La Curée (1871)

Sortie : 1871 (France). Roman

livre de Émile Zola

Venantius a mis 8/10.

Annotation :

Très bon cru de la série des Rougon-Macquart, exceptionnellement bien écrit même pour Zola – restent notamment à l'esprit la luxuriance de la serre comme miroir du luxe parisien, ainsi qu'une fin magistrale qui nous fait passer en un instant d'une scène de désordre sensuel et mondain aux ruines fumantes d'un chantier, avant de s'élever, en un moment vibrant de nostalgie, au-dessus de la Seine et du vieux Paris... Le personnage de Renée est, de même, l'un de ses meilleurs, dans sa modernité et son ambivalence. Il sauve le roman de n'être qu'un livre à thèse. On découvre par ailleurs, dans *La Curée*, un Zola moraliste, pour qui l'abandon charnel et la soif capitaliste ne font qu'un... discours qui, notamment quand elle s'attarde sur la décadence que révèle le caractère "efféminé" du fils Saccard, peut faire parfois hausser un sourcil à la sensibilité moderne.

Barbarossa
8.9

Barbarossa (2019)

1941, la guerre absolue

Sortie : 28 août 2019. Histoire, Document

livre de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri

Annotation :

Formidable livre d'histoire militaire qui peut plaire même à ceux qui n'en sont pas des lecteurs assidus. Sur un petit millier de pages, Lopez et Ortkhemezuri dépeignent la longue maturation de l'idée de la subjugation de l'URSS par l'Allemagne nazie ; idée qu'Hitler exposait sans complexe depuis le début de sa carrière, et de laquelle il n'a pas beaucoup dévié. On suit après la genèse diplomatique de l'été 1941, vu cette fois depuis l'est de l'Europe. Ce renversement de perspective par rapport à l'histoire française, qui fait découvrir le pas de deux mal inspiré des Polonais avec l'Allemagne ou la politique d'appeasement stalinienne, est assez fascinant. Mais ce qui marque le plus, au fond, c'est la radiographie des états-majors et la manière dont leurs errements réciproques ont fabriqué un désastre à grande ampleur, saisies à travers une multitude d'anecdotes toutes plus marquantes les unes que les autres, notamment sur le déni soviétique de la réalité tactique et opérationnelle, d'une part, et sur l'incroyable biais optimiste des Allemands, d'autre part. Enfin, *Barbarossa* apporte la confirmation de ce que l'Europe de l'Est a été la martyre de la Seconde Guerre mondiale : on y redécouvre, hélas, de nouvelles horreurs méconnues, comme le massacre et la déportation des minorités religieuses et ethniques en Crimée (par les Soviétiques puis les Allemands) ou l'effroyable siège de Leningrad.

Journal 1931-1934
7.3

Journal 1931-1934 (1966)

The Diary of Anaïs Nin - Volume 1

Sortie : 1966. Journal & carnet

livre de Anaïs Nin

Annotation :

Découverte fascinante de la jeunesse d'Anaïs Nin, personnage hors norme et assez insaisissable, dont cette version très expurgée de son journal – à la fois par retranchement de ses parties les plus scandaleuses et par l'effacement volontaire de certains personnages, comme le mari de Nin – ne livre qu'un aperçu très partiel. On ne peut toutefois le refermer qu'avec une vive curiosité, peut-être encore avivée par ce qu'on devine des silences et des incomplétudes de cette présentation.

Un extrait : "Il (Antonin Artaud) m'accusa de mener une vie littéraire. Cela m'a toujours amusée. Les hommes peuvent s'éprendre de personnages littéraires, de personnages mythologiques ou poétiques, mais qu'ils rencontrent Artémis, Vénus, ou quelque autre déesse de l'amour, et ils se mettent à débiter des jugements moraux."

Venantius

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