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Il est question de leucémie en phase terminale, de meurtres en pagaille, de fusillade laissant un partenaire paraplégique, de yakusas insistants qui reviennent comme des running gags. Et pourtant, "Hana-Bi" n'est jamais lourd. Kitano joue beaucoup avec ces clichés, comme il joue de son personnage mutique. Il trouve un point d'équilibre un peu bizarre dans ce tumulte, un peu comme des séquences d'une grande tendresse s'insèrent au milieu de soudaines décharges de violence. On pourrait être dans un film noir comme on pourrait être dans une comédie, entre loufoque et contemplation, et la confusion est entretenue dès l'introduction, au cours d'une première partie volontairement laborieuse. Les temporalités d'éclipsent comme s'entrechoquent les réminiscences de Nishi, et ce chaos intérieur prépare sans qu'on le sache la venue d'un long poème.

Sous le vernis de la profusion, on peut finir par ressentir une forme de pudeur absolue. "Hana-Bi", c'est littéralement la fleur et le feu, la douceur et l'abrasion sans cesse liées dans un même mouvement avec pour ligne de fuite le feu d'artifice final. C'est cette association a priori inconfortable qui permet de parcourir la tragédie sans en ressentir le poids écrasant, comme si on suivait Nishi et sa femme, deux condamnés à mort acceptant leur condition avec une légèreté déconcertante. Comme s'ils étaient parvenus à adopter une distance parfaite au monde.

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Le summum de ce côté tendancieux est atteint lors de la scène du rembobinage, aussi surprenante que teintée de mauvais goût, dans un premier temps, avant de distiller sa dose d'humour (mais qu'est-ce qu'il fout là ?) et son surplus de férocité dans l'acharnement contre cette famille. Tous les moyens sont bons pour la martyriser, même les méchants semblent tout puissants et se plaisent à torturer l'empathie que l'on peut développer pour ces trois personnages : le calvaire est en quelque sorte partagé des deux côtés de l'écran. Le film est sans pitié, et passera sans problème d'une agressivité et d'une brutalité éreintantes à une forme de jeu, dans le tout dernier temps amorçant un nouveau cycle de violence.

Il y a une dynamique de l'horreur soigneusement élaborée, avec différents temps et différents tons, des débuts très (trop) paisibles, du malaise qui apparaît très subtilement via une menace impalpable avant d'enfler inexorablement en alimentant une montée en puissance de la violence dont on ne saura jamais à quel point elle culminera.

Certains y ont vu une analyse des mécanismes du fascisme. Je ne sais pas trop, l'analogie ne me paraît pas très pertinente, et ça me paraît un peu trop facile pour se dédouaner de toute responsabilité dans ce que Haneke nous contraint à subir. Il démolit avec fureur les illusions qu'on a pu entretenir au début du conflit pour rendre l'expérience (c'est bien ce dont il s'agit, à mon avis : une expérience) insoutenable et le jeu odieux. Difficile d'éprouver la moindre complaisance dans la violence présentée ici, les rapports qu'on pouvait entretenir avec étant annihilés par la cruauté protéiforme, aussi maline dans sa structuration que désagréable dans ses effets.

La toute dernière image fait un peu penser à du Lars Von Trier (notamment son utilisation de Rammstein dans "Nymphomaniac"), avec cette musique très lourde plaquée sur le visage figé de Paul (un des rares survivants du casting) arborant un sourire en coin. Un plan éminemment dérangeant de par son insistance, comme si le film ne voulait plus nous lâcher. Au terme de cette séquence, le soulagement est immense.

+ tape juste, moins gratuit, malgré une posture de moraliste agaçant
+ lien avec La Source, miroir inversé
+ joue un jeu dangereux, à la limite du mauvais goût, je trouve. Mais toujours à la limite, il y a eu plusieurs fois où je m’apprêtais à le ranger dans la case "r

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La confrontation de ces deux subjectivités forme le cœur du récit, à mesure que la brume des multiples confusions se dissipe : c'est l'objet du très beau plan fixe final, et c'est cela qui donne au film son titre original, certes beaucoup moins beau en français, "pain et fleur".

Cet instant capté (ou plutôt retranscrit) par Makhmalbaf n'a rien de très innocent, à commencer par l'interdiction dont fait l'objet du film en Iran depuis sa sortie. Il y a quelques passages plutôt drôles, notamment lorsque le policier et le réalisateur cherchent un acteur pour jouer leurs propres rôles : ils semblent à la recherche de leur jeunesse perdue, à la recherche d'un double correspondant à leurs aspirations respectives. Le policier cherche avant tout quelqu'un de beau, tandis que le réalisateur cherche un adolescent en phase avec son idéalisme passé, à l'époque où il voulait sauver l'humanité, planter des fleurs en Afrique, et donner du pain aux pauvres. Et il y a cette réminiscence très proustienne des souvenirs, qui se modifient et s'enrichissent, qui se nourrissent du temps qui passe, et qui peuvent ainsi finir par être idéalisés ou même travesti.

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Le film est assez mesuré dans ses évocations historiques (au contraire de "Sans Soleil" par exemple, qui s'éparpillait beaucoup), avec la séquence terrible dans laquelle une femme saute dans le vite après avoir hésité et après avoir aperçu la caméra d'un Américain la filmant. "Est-ce qu'on est sûr qu'elle aurait sauté si elle n'avait pas compris qu'elle était vue ?", dit Laura, questionnant la morale du regard et le pouvoir de l'image. On nous montre des films de propagande (japonais et américains) franchement racistes et, on nous raconte des histoires de suicides (forcés) de masse et celle de Simon Bolivar Buckner qui fut le seul général américain à mourir durant cette guerre. Même si la forme est regrettable, il y a de nombreuses miettes de contenu qui sont toujours bonnes à prendre.