Il ne faut pas être fragile ou paranoïaque pour lire 1984. C'est la première fois que je lis un livre me mettant si mal à l'aise, qui créé un sentiment de dérangement.
Toute la première partie du livre sert à décrire la société dans laquelle vit le héros. Dès les premières pages, on peut ressentir la pesanteur de la surveillance intégrale. On va d'absurdité en absurdité en partant de la vie publique jusqu'à la vie privée et même intime. Tout est sous contrôle, rien n'est permis. La mise en contexte est particulièrement bien réussie, on ressent parfaitement l'angoisse et la pression que peuvent avoir eux-mêmes les habitants.
Vient ensuite le tour du contrôle mental, de la liberté de pensée. On est carrément dans l'horreur d'une éradication complète de la moindre liberté. Le moindre geste, le moindre soupir peut vous envoyer à la mort. Le rendu final est très oppressant, très lourd. Il peut même arriver que l'on arrête de lire pour évacuer cette atmosphère très chargée qui se dégage du livre.
La seconde partie s'attache davantage à suivre le personnage principal dans sa vie ou plutôt dans sa volonté de sortir de ce monde. Au travers d'interrogations, de questionnement, il relativise tout ce qu'il voit, cherche une solution à cette domination du parti sans réellement en trouver tellement le contrôle du pouvoir est absolu.
La troisième partie est consacrée au voyage à l'intérieur de l'esprit du héros mais aussi finalement du représentant du parti. On y voit l'infini de l'absurdité dans sa complexité. La logique n'a plus aucune place et ne peux même pas s'en faire une. L'Homme a perdu tout sens de la raison et ne se laisse plus guider que par la soif de pouvoir et de contrôle. Un peu dommage qu'il n'y ait pas un vrai franc dialogue final sans langue de bois ou détournement des propos.
On connait tous l'histoire de la rédaction de ce livre et ce qui a motivé l'auteur. Force est de constater que son but est parfaitement atteint. L'intégralité des moyens de pressions et de contrôles sont évoqués. On a un panel d'éventualité assez large pour entrevoir tout ce qu'il faut fuir ou repousser. On fait difficilement mieux dans la prévention des gardes fous.
Seul point noir au tableau, un passage de vingt pages où le lecteur a accès « au livre » qui est, certes intéressant et important, mais très pénible à lire. On a une succession d'analyses qui est assez rébarbatif à lire même si très justes et pertinentes. Certains passages également tirent légèrement en longueur avec parfois quelques répétitions redondantes.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas pris "plaisir" à lire un livre ainsi. On suit volontiers, même si c'est dans la douleur, l'avancée des réflexions du héros dans ce monde désincarné. Un peu dommage que la traduction soit quelque peu faible à certains moments.
Ce livre fait peur, mais il est nécessaire de le lire.