La gifle, premier roman traduit en français de l'australien Christos Tsiolkas, justifiait cent fois son titre par rapport à la virulence de son constat social. Le succès aidant (énorme en son pays), l'écrivain allait-il adoucir le ton pour son livre suivant ? Barracuda apporte la réponse : c'est non, bien au contraire. Le roman va encore plus loin dans son propos lucide et acide et ce qu'il perd sans doute en subtilité, il le regagne en efficacité avec une crudité et une violence dans les mots qui s'arrêtent juste avant les limites (certains penseront qu'elles sont peut-être dépassées). Barracuda suit le parcours d'un jeune australien, de son adolescence à l'âge d'homme, sur plus d'une décennie, autour de la natation, sport d'une importance capitale en Australie allant des espoirs à l'échec et à la possible résilience de son héros, Danny, Tsiolkas bâtit une histoire où la honte et la rage sont les sentiments dominants. Danny, d'origine grecque par sa mère, fils d'un routier est non seulement un prolétaire mais aussi un "métèque" aux yeux d'une société qui, sous des allures cool et hédonistes, n'a de cesse d'ériger en modèle absolu la "blancheur" et les origines anglo-saxonnes, avec toute l'intolérance et le mépris que cela implique. Il y a quelque chose de viscéral dans tout ce qu'entreprend Danny, notamment dans ses années d'apprentissage, pas seulement pour s'intégrer mais avant tout pour montrer qu'il peut dépasser les "golden boys" qui font la fierté de la nation, qu'il a la volonté et le talent pour être le meilleur, dans son domaine : la natation. A contre-courant des préjugés et des conventions. Le lecteur de Barracuda est à l'image du papillonneur dans la piscine, il doit se battre avec les phrases qui refluent comme des vagues et les expressions qui se répètent sans cesse, comme un mantra. Ce roman impressionnant et agressif est de ceux qui vous immergent totalement et vous laissent presque soulagé d'en avoir terminé tellement la tension de son écriture et la souffrance de ses personnages y sont palpables.

Cinephile-doux
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le 4 janv. 2017

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