Digressions d’une pertinence très relative à l’usage de l’amateur de zombies cherchant un compagnon

Ca y est, vous êtes décidé. Au fond, vous avez toujours été un original et ce choix n’en est qu’un parmi tant d’autre pour illustrer votre résolution de vous démarquer. Vous avez déjà évalué les risques et les inconvénients, vous savez que vous allez vous retrouver chez vous avec un cadavre plus ou moins décomposé qui dégagera encore une odeur douteuse après avoir été aspergé de plusieurs flacons de N°5. Vous vous en foutez, vous avez toujours trouvé que le Chanel, ça pue. Ou alors vous n’avez pas de trous de pif.

Vous êtes conscient des risques et avez pris les devants en vous informant sur le moyen le plus classique de dézinguer votre futur compagnon en cas d’urgence : viser la tête. Balle, hache, tournevis - évitez les objets mous ça marche moins bien – feront l’affaire, le but étant de détruire le cerveau qui, bien qu’incapable de produire une réflexion cohérente, semble diriger le corps. Pas besoin de le sortir pour sa crotte ou de changer sa litière, n’oubliez cependant pas le principal inconvénient de ce nouvel être de compagnie (NEC) : le zombie mord. C’est un peu son loisir, comme la baballe pour le chien. Vous avez couvert le B-A-Ba du mort-vivant, vous êtes à présent prêt à choisir celui qui vous conviendra le mieux.

Chez les zombies classiques - à garder en cage sous peine de risques élevés de morsures, griffures et autres plaies béantes qui, en plus d’être passablement désagréables, risquent de vous rapprocher plus que vous ne le souhaitiez de la nature mort-vivante de votre compagnon - on peut répertorier plusieurs catégories. Non contents d’agrémenter joyeusement votre domicile d’un pot-pourri au premier sens du terme, ils pourront vous servir à animer vos soirées d’Halloween de manière originale.

- le zombie lent : souvent boiteux – à croire que l’on ne peut devenir zombie que si l’on s’est au préalable foulé la cheville - il a le pas traînant un peu comme quand on se lève la nuit pour aller faire pipi en ouvrant à peine les yeux. On a presque pitié de ce pauvre petit corps puant qui vous suit à son rythme en se laissant distancer malgré son inlassable progression. Il animera avantageusement vos soirées tout en offrant un risque minimal afin de vous permettre de conserver la majeure partie de vos amis. Si vous voulez augmenter un peu le risque, n’hésitez pas à en prendre plusieurs, demandez à vos amis de venir chacun avec son NEC. N’oubliez cependant pas de le remettre en cage en fin de soirée car le zombie n’a pas besoin, contrairement à vous, de dormir. Il peut vous suivre inlassablement jusqu’à vous mordre parce que, bon, c’est son truc.

- le zombie rapide : Spécialiste de l’attaque éclair à un coin de rue ou de la course-poursuite effrayante agrémentée de votre propre chute ou de votre pied coincé entre deux rails de train ou de tout autre obstacle, ce zombie est idéal pour les soirées énergiques avec tous vos amis engagés dans les forces spéciales. De même si vous manquez de motivation, il vous aidera dans la pratique quotidienne de vos exercices de cardio-training. Attendez-vous néanmoins à plus de victimes parmi vos amis – sauf s’ils sont militaires auquel cas n'espérez pas retrouver votre zombie à la fin de la soirée. L’avantage principal est qu’un seul peut suffire à animer toutes vos réceptions pourvu que vous choisissiez correctement vos invités.

- Le zombie noctambule : ce zombie a sans doute été créé par des régimes totalitaires s’opposant formellement aux réunions de plus d’une personne dans des lieux publics à la tombée de la nuit de peur qu’on cherche à comploter contre le pouvoir en place. Le zombie noctambule vous laissera donc tranquille de jour, ce qui peut se révéler utile en appartement pour vous épargner ses grognements intempestifs. Il redoublera d’efforts la nuit pour faire peur aux gens et sera donc un très bon animateur de soirées croustillantes.

- Le zombie moins con que les autres : ce zombie-là vous donnera plus de fil à retordre car pour vous en débarrasser il ne vous suffira pas de fermer une porte ou de vous mettre en hauteur. Réservez-le pour les amis expérimentés. Gardant sans doute de manière instinctive certains de ses acquis passés, il sera capable de manipuler une clenche ou éventuellement de grimper sur une échelle pour vous atteindre. De quoi augmenter sérieusement votre paranoïa mais rassurez-vous, aucun d’entre eux ne sait crocheter une serrure : la cage suffira amplement quand vous aurez besoin de le ranger.

Le volume "Comment j’ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l’amour", nous présente à travers les aventures d'Andy le zombie, une toute nouvelle espèce qui ravira sans aucun doute les amateurs : le zombie pensant.  

Ce qui change radicalement chez ce zombie, c’est qu’il conserve pleinement ses souvenirs et sa conscience. De ce fait, il est un individu social et c'est un gros avantage car il s’intégrera plus facilement dans votre vie. En mal de reconnaissance et souvent dépressif, il s’inscrira éventuellement à des groupes de soutien ou ira chez le psychologue pour tenter de résoudre les nouveaux problèmes liés à sa mort-vie : faire peur à sa famille, accepter d’être revenu alors que d’autres proches sont bien morts, subir les attaques des « respirants » qui, par peur des clichés décrits ci-dessus et par mépris envers la différence, se feront une joie de leur lancer œufs et tomates pour les plus soft, de leur arracher un membre et de le conserver en guise de trophée pour les plus acharnés. Si vous avez un immense besoin de vous sentir utile, adopter un zombie dépressif fera sans doute votre joie. En l’éduquant correctement, il pourra même vivre en totale liberté dans votre maison.

La plupart de ces zombies se résigne à une mort-vie assez morne, attendant la lente décomposition de leur corps ou tentant de la prévenir à grands renforts d’ingurgitation intempestive de formol sous toutes ses formes. Attendez-vous à une grosse facture de produits cosmétiques, qui en contiennent.

Et il y a ceux qui n’acceptent pas. Les zombies contestataires. Ceux qui tentent comme ils le peuvent de faire comprendre que « nous sommes des personnes ». Dangereux par essence, bien sûr, puisqu’ils remettent en cause l’ordre « normal » des choses. L’exemple d’Andy montré dans ce livre illustre bien leur ténacité. Malgré ses échecs successifs, il n’aura de cesse d’essayer de manifester pour ses droits civiques et ceux de ses semblables. Vous pourriez vous dire que du coup, ce zombie-là est relativement inoffensif. Que ça y est, vous avez trouvé celui que vous vouliez adopter, beaucoup moins dangereux que ses autres congénères et puis, vous n’avez pas tellement envie d’un machin qui pleure tout le temps sur sa mort-vie, vous en préférez un qui essaie de changer les choses, vous pourriez même l’y aider. Détrompez-vous. Car si le zombie contestataire est doué de raisonnement, il aura sans doute envie de faire ses propres expérimentations. Et vous ferez peut-être partie de ces expérimentations. Dès lors, vous ne pourrez plus vous fier à la bêtise supposée de votre NEC et risquez de vous retrouver beaucoup plus en danger qu’avec des morts-vivants classiques.

Alors faites votre choix entre zombie-classique et zombie-nouveau. Pour le premier il vous faudra une cage. Pour le second, l’inconscient collectif qu'il a conservé et les normes de la société moderne devraient suffire à ce qu'il reste docile. Toutefois méfiez-vous, vous n'êtes pas à l'abri de tomber sur un zombie contestataire qui se fait passer pour un zombie dépressif.
Nomenale
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le 29 mars 2014

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