Voilà un préjugé presque aussi vieux que le cinématographe : les effets spéciaux, c'est de l'esbroufe.


Inutile d'y aller par quatre chemins : l'ouvrage de Pascal Pinteau est devenu un mur porteur de ma bibliothèque ciné. Son auteur fait tout pour exploser les limites de son sujet, l'abordant en premier lieu par un historique de la magie à travers les cultures et les continents ; il cite, entre autres, le célèbre tour réalisé par De Vinci à la cour d'un François 1er qui crût voir un vrai lion surgir de l'obscurité versaillaise. Une longue entrée en matière qui aurait déjà pu suffire à combler les plus curieux. C'était une simple note d'intention : le projet est visiblement de réunir tous les amoureux de l'image en mouvement, d'une génération à l'autre.


Jamais à court d'idées, l'ouvrage n'excuse pas son appétit dévorant. Il fait néanmoins preuve d'une clarté et d'une richesse constantes, le tout renforcé par son sens du rythme. Du coup, le profane et l'amateur éclairé s'y retrouvent sans problème, chacun pouvant achever l'ouvrage avec le même désir de voir ou revoir une tonne de films, aimés ou méprisés, avec un oeil neuf. Conclu par un panorama d'éditions DVD dont les bonus sont dédiés aux effets spéciaux, le bouquin se paye le luxe d'une maquette proprement sublime, si fluide et agréable que l'on se surprend à simplement parcourir plusieurs fois les chapitres avant de reprendre la lecture. Pas en reste, les superbes et très nombreuses photos qui accompagnent le texte font preuve d'une même exigence, au point de se poser comme un nouveau standard de qualité pour l'auteur de ces lignes.


Effets spéciaux, un siècle d'histoires, pavé colossal, provoque un plaisir certainement aussi monstrueux que celui pris par l'auteur pour le mettre sur pied. Si comme moi, vous faites parties des grands gosses capables d'être bouleversés par une créature virtuelle, terrifiés par un maquillage prosthétique ou émerveillé par un système animatronique, vous comprendrez en quelques pages pourquoi ce bouquin est un chef-d'oeuvre essentiel. Les autres auront besoin d'à peine plus de temps pour réaliser la richesse du travail accompli et se découvriront, pourquoi pas, une nouvelle sensibilité artistique. Pris de passion pour un sujet qui prend racine dans les piliers fondateurs du 7ème Art, Pascal Pinteau affirme 600 pages durant qu'un trucage est effectivement capable d'émouvoir, de fasciner, d'ouvrir les portes de l'imaginaire... De fait, il aborde l'histoire du cinéma par un versant qui en couvre mille autres.


Le suivre dans son exploration, encore et encore, rappelle pourquoi il est nécessaire de comprendre que l'illusion, le rêve, les chimères et les mythes peuvent prendre vie le temps d'une séance grâce au travail d'artisans géniaux et autres fous visionnaires. Le plus beau étant que la leçon est dispensée avec un ton tout sauf professoral, incitant le lecteur à venir défricher un terrain qu'il n'avait, peut-être, jamais arpenté sous cet angle. Un genou à terre face aux artistes avec qui il s'entretient, Pascal Pinteau évite néanmoins de s'enfermer dans un hommage béat mais invite constamment à nourrir la flamme d'une notion que chaque cinéphile porte en lui : la curiosité. Un besoin d'émerveillement dont cet ouvrage n'est rien moins que le prolongement naturel. Sincèrement, conseiller ce livre est loin de lui rendre justice, et le peu de notes qu'il recueille ici montre à quel point il reste méconnu. Le laisser dans l'ombre serait pourtant aussi criminel que d'aller mettre le feu aux archives du regretté Henri Langlois.


Et si après lecture de cette merveille pantagruélique, vous n'êtes pas encore rassasiés, il reste une solution : aller faire un tour dans la ville des frères Lumière pour visiter, au détour du vieux Lyon, le génial Musée du cinéma et de la miniature. En 2013, sur les quatre étages dédiés au 7e Art, on pouvait admirer la locomotive utilisée pour la séquence onirique d'Hugo Cabret, un gremlin au ventre ouvert laissant apparaître câbles et armature métallique, la Mach 5 de Speed Racer ou encore le fusil d'Ellen Ripley dans le second opus de la saga Alien...


Une poignée de trésors parmi tant d'autres, au milieu desquels Effets spéciaux, un siècle d'histoires pourrait prétendre à un piédestal.

Fritz_the_Cat
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le 12 mai 2015

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