Un ouvrage juvénile... écrit à 88 ans
Giscard voudrait qu'on se souvienne de lui pour ses réformes sociales (dépénalisation de l'avortement, majorité légale à 18 ans,...), mais on se souviendra certainement davantage de lui pour sa contribution à la construction européenne. Son rôle dans la maturation, notamment institutionnelle, de l'UE et la création de sa monnaie, l'euro (une monnaie, rappelons le, sans précédent dans toute l'histoire humaine), est significatif. Rares sont les hommes politiques de sa trempe à avoir eu une vision de ce que serait l'avenir de notre continent, malgré tous les défauts qu'on veut bien lui prêter. Et de fait, ce livre est exemplatif : l'état de notre démocratie et le manque de compétence de nos politiques sont tels qu'il faut qu'un homme de 88 ans sorte de sa réserve pour donner des pistes afin de relancer l'aventure européenne ! 88 ans ! Et pourtant on dirait qu'il en avait 40 lorsqu'il a écrit ce livre. Quoi, les institutions européennes sont obsolètes ? Les traités bancals, incomplets ? Il n'y a qu'à changer notre perspective et créer quelque chose de neuf et de plus efficace. Oui : créer, oser, risquer. Des verbes qui n'appartiennent plus au vocabulaire européen, et encore moins français. Mais Giscard ne jette pas le bébé avec l'eau du bain. Dans une longue première partie qui introduit ses propositions, il retrace toute l'histoire de la construction européenne, rendant hommage aux grands hommes qui furent à son origine (Monnet, Schuman, Adenauer,...), et n'hésitant pas à fustiger ceux qui ont gelé sa croissance (Mitterrand ou Chirac). Il dévoile ensuite ses propositions : rester dans une Europe à 28, mais élargir l'intégration de la zone euro, en concentrant les efforts sur une douzaine d'états membres volontaires, pour lesquels serait lancée une harmonisation fiscale, première étape d'un mouvement de fédéralisation politique et culturelle qu'il espère de tout cœur, mais qu'il laisse à d'autres (plus jeunes) le soin de bâtir. Son projet a pour nom Europa, un mécanisme qui prendrait place au sein de l'Union Européenne et qui se verrait doté d'institutions propres, notamment un Directoire (sorte de Conseil des gouvernements), qui déciderait de l'avenir d'Europa. Le tout serait créé et officialisé sans de lourds traités, mais grâce à une sorte de consentement mutuel entre états membres. En somme rien de bien compliqué, mais un coup de fouet qui pourrait bien relancer l'Europe. L'intégration fiscale, notamment, en homogénéisant le coût du travail dans Europa, créerait une vaste zone d'entrepreneuriat où chacun pourrait tenter sa chance sans subir de concurrence déloyale. Un prélude à l'harmonisation politique de l'Europe, véritable enjeu du XXIème siècle, que VGE est l'un de seuls à avoir en tête, semble-t-il. Bien au-delà des querelles partisanes et d'un retour à un nationalisme malsain... et vain. Un livre juvénile, donc, qui redonne confiance en nos capacités de bâtisseurs de notre avenir. « Nous vous demandons de réussir », nous intiment seulement VGE et son ami Helmut Schmidt à la fin de l'ouvrage : effectivement, nous n'avons pas d'autre choix.