Simon & Grimurkel - The sound of silence

Quand les éditions Points publient "9 romans qui ont marqué le genre pour les 35 ans du polar", parmi lesquels "La femme en vert", je me laisse séduire. Objectif : faire une pause avec les polars US et opter pour un changement radical, direction Reyjk... Rekjy... bref direction l'Islande !


Au sortir de cette lecture, aucun regret, et une forte envie d'en découvrir plus sur cet auteur qui, apparemment, utilise souvent le même schéma pour construire ses histoires. Celle-ci porte donc sur la découverte d'ossements, datant de plusieurs dizaines d'années. La police s'empare de l'affaire, emmenée par le commissaire Erlendur.
Parallèlement à l'enquête qui se met lentement en place (le déterrement du squelette prenant du temps), une autre histoire nous est contée, évoquant une femme victime de violences conjugales. Le lien entre les deux récits est suggéré sans être avéré, l'enquête d'Erlendur l'amenant à remonter à la période de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle la femme battue a vécu.


Signe que l'auteur maîtrise parfaitement sa construction narrative, on ne connaîtra que tardivement l'identité du possesseur de ces ossements, ce qui permet un développement du récit et une parfaite imbrication des histoires les unes dans les autres. Tout suspense est ainsi préservé, pour notre plus grand plaisir.


Pour faire simple, tout est génial dans ce roman : le développement de l'enquête d'Erlendur est perturbé par la gravité de sa situation familiale personnelle, le récit de la femme battue des décennies auparavant est bouleversant, et tout est mis en oeuvre pour nous proposer un final en apothéose.


La famille est au coeur de l'intrigue, et Indridason nous en montre ses aspects les plus repoussants : les différentes formes de lâcheté dont un homme peut faire preuve au sein d'un couple, les différentes formes de violence également, la force des mots comme celle du silence... Erlendur est en cela un élément intéressant : défaillant dans son rôle de mari comme de père, il découvre pire espèce au fil de l'histoire (selon lui), mais est également utilisé comme garde-fou par la compagne d'un de ses collègues, lequel, en dépit de son inaction sur le plan familial, souhaite plus que tout ne pas "finir" comme lui :


"Je ne ressemble pas du tout à Erlendur, déclara Sigurdur Oli. Tu n'as pas le droit de me dire des choses aussi méchantes."
"Tu ne peux pas t'imaginer à quel point la vie d'Erlendur est pénible."


En effet, elle est pénible : on le découvre page après page, abandonnant par instants l'enquête servant de fil rouge pour plonger dans les méandres de son quotidien. La relation père-fille est ici mise en avant pour aborder la vie familiale du commissaire et, en restant au second plan, cette partie de l'histoire demeure très intéressante pour en apprendre plus sur ce Personnage qu'est Erlendur, errant dans une Islande aussi morne que lui l'est devenu.


Mais ce qui m'a secoué, c'est la partie sur la femme battue. C'est saisissant, ça suinte de détresse humaine et c'est triste à en pleurer. L'auteur pose là les fondations qui permettront ensuite de suivre l'enquête avec énormément de curiosité. On découvre l'histoire de cette femme et de ses enfants, en établissant progressivement un lien avec la découverte des ossements, et on se pose une multitude de questions, jusqu'à vouloir savoir à quel point ce récit est lié à la macabre découverte.


C'est, selon moi, ce qui donne vie au récit : en tant que lecteur, on sait que les situations familiales évoquées sont intenables et on a envie de connaître le fin mot de l'Histoire (et des histoires sous-jacentes), et ce qui est arrivé à leurs différents protagonistes. Les personnages sont en cela très bien amenés et développés, l'instabilité des situations qu'ils vivent les amenant à changer du tout au tout au fil du récit. Là encore, de nombreuses questions se posent sur les causes et surtout les conséquences d'une situation familiale... disons bancale.


C'est le premier Indridason que je lis, ce ne sera sûrement pas le dernier. Rarement un récit m'aura autant secoué (et pourtant j'ai dégusté en lisant "Le Grand Nulle Part" d'Ellroy). Sans doute ai-je été sensible à cette histoire de violences conjugales, et que cela biaise mon jugement. Il est normal de ne pas aimer la violence, mais là, quand même, je suis bien content de m'être pris une telle claque.

Nahpets1990
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le 10 sept. 2015

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