De Edmond Haraucourt je ne connaissais rien si ce n'est sa célèbre phrase ("partir, c'est mourir un peu"). Or, l'écoute du podcast Temporium consacré au cimetière du Père Lachaise m'a intrigué lorsque le guide historique du lieu a évoqué ce poète qui a maints fois demandé d'entrer à l'Académie française et a été à chaque reprise révoqué en raison de ce recueil de poèmes sulfureux. Je n'aime pas l'Académie, l'institution mais encore moins l'ambition de ceux qui veulent y mourir, mais que l'un d'entre eux soit systématiquement refusé m'amuse énormément et donc j'ai eu la curiosité d'en lire les raisons.
Je ne suis pas féru de poésie et c'est là un de mes pires torts. La crainte de n'y rien comprendre, de n'y pas trouver un sens évident, puis le souvenir abîmé de ces poèmes qu'il fallait manger tout cru, ingurgiter sans comprendre pour les réciter bêtement à la classe sont sans doute les raisons les plus évidentes, celles qui me viennent de suite à l'esprit pour expliquer cette absence. Quoiqu'il en soit, il m'arrive de m'y re-essayer quand il tonne, et de tomber sur un poème et de le siroter. Que j'aimerais être hypermnésique et pouvoir avaler certains poèmes pour les faire vivre, les déclamer à l'envi, au débotté, en jouir quand bon me semble ! Cela doit être particulièrement plaisant !
Ce rapport conflictuel avec la mémoire ne m'empêche pas de goûter à la beauté de phrases bien cadencées. Et donc j'ai lu et pu apprécier certains poèmes hystériques de monsieur Haraucourt appelé ici Le Sire de Chambley.
Certains sont osés, joliment culottés, souvent drôles et attestent indéniablement d'une joie d'écrire ces cochonneries. Celui sur le sperme inusité en est l'illustration. Il me plait énormément. Il est savoureux et je comprends mieux que cette audace de carabin ait pu heurter la sensibilité des vierges effarouchées de l'Académie.
D'autres sont écrits en vieux françois, l'auteur n'étant manifestement pas insensible aux charmes de la vieille langue de Villon à qui il dédie l'un de ces poèmes. Ce n'est pas ma tasse de thé. Ceux-là, je les aurais donc lu rapidement.
Reste que le style ampoulé propre au XIXe siècle français me plait bien plus que l'aridité sms de nos jours. Certes, il abuse de l'adverbe et de l'épithète, mais sur ces points fondamentaux, je serais bien malvenu de lui en faire le reproche, on est d'accord ? Ce n'est pas toujours une grande poésie de la subtilité, les métaphores sont parfois un peu faciles, m'enfin, l'exercice est amusant et par moments on se prend à trouver ses arrangements avec les mots fort joliment écrits. Il a belle plume et esprit caustique : ça me ravit!