Le premier et principal mérite de l'oeuvre de Nietzsche est qu'il a mis l'Homme au centre de sa philosophie. L'Homme est la source, l'instrument et l'objectif de la philosophie. Dès les premières pages, Nietzsche exprime son parti-pris : chaque pensée, chaque considération et chaque opinion dépendent de la "santé" de la personne qui les émet. Pour être sincère, le livre est long, parfois ennuyeux, loin d'être le meilleur de l'auteur, encadré par des poèmes et chansons un peu inutiles, et qui masquent, à mon sens, peut-être un certain vide par moment. J'ai retrouvé cependant les mêmes piliers de la philosophie nietzschéenne, et pour ne pas me répéter, je les avais détaillé dans la critique de Ainsi parlait Zarathoustra ci-après https://www.senscritique.com/livre/Ainsi_parlait_Zarathoustra/critique/138431463.
Le style est toujours aussi métaphorique et abscon, plein d'emphase parfois assez lourde, et au sens plus qu'ambigu. Nietzsche s'en explique d'ailleurs dans le livre : le style est inaccessible, pour ne pas être compris par "n'importe qui", ce qui témoigne encore une fois d'un certain snobisme qu'on lui pardonne bien assez vite. Les pages écrites sur la religion, et sur la mort du christianisme et de sa civilisation, qui peine à parvenir aux hommes comme une étoile morte dont la lumière continuerait de nous parvenir, sont les plus intéressantes du livre, parce que les plus compréhensibles finalement. Nietzsche pourfend de nouveau les arrière-mondes et les conceptions moralistes de la vie, qui est ontologiquement amorale, par-delà le bien et le mal, comme une force qu'il faut épouser pour s'accomplir. Je ne détaillerai pas de nouveau les longs concepts, déjà détaillés dans de précédentes critiques.


Que nous apprend Le Gai Savoir sur la pensée de Nietzsche ? Tout d'abord, que le savoir est un triomphe sur l'esprit de lourdeur, un rire continu, un regard amusé et rieur sur la vie poursuivie à son comble. Le lecteur apprend également pour quelles raisons le philosophe a longtemps été considéré (à tort) comme l'inspiration du nazisme et du fascisme. Certaines pages sur les femmes et sur les Juifs surprennent par leur médiocrité et leur essentialisme. Le philosophe déblatère comme un beauf des clichés éculés et peu glorieux, sans néanmoins faire preuve de haine, plutôt d'une forme de mépris. A sa décharge, Friedrich Nietzsche est un homme de son temps, qui de plus déteste la conception raciale de la germanité, ce qui exclut directement une quelconque sympathie avec l'extrême droite allemande. Nietzsche, de nouveau, fait preuve d'une certaine intransigeance notamment quand il parle de la pitié et de compassion : pour lui, c'est non seulement une faiblesse, mais une technique de prise de pouvoir sur autrui. C'est le point avec lequel je suis le plus en désaccord avec le philosophe, qui critique un sentiment, certes parfois peu altruiste, mais qui permet de faire survivre des êtres que la civilisation écrase par sa violence et sa misère. Il reste ainsi un philosophe riche, et parfois éloigné des considérations sociales qui manquent dans son oeuvre.. En revanche, Nietzsche apporte des solutions et considérations intéressantes sur l'art et le poète. Il dépeint de manière hétéroclite les mœurs des hommes de son temps et la décadence d'un monde sur laquelle s'en bâtira un nouveau : le sien. On attend toujours.

PaulStaes
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le 25 févr. 2018

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