Un homme désemparé, usé par sa vie aussi insignifiante que chaotique ne peut se décider à rentrer chez lui, car une fois arrivé à son domicile, il sait qu'il se résignera à se pendre. Cependant, tout change lorsqu'il rencontre une jeune femme qui semble être passée par ses moments d'errance et de désarroi, toutefois, elle les a abandonné pour s'adonner à la simplicité de la vie, arpentant ainsi une voie teintée d'allégresse.

Si ce roman traîne un peu sur la fin avec les portes d'illusion, le destin d'Harry Haller n'en demeure pas moins fascinant. La rencontre avec Hermine (Hermann es-tu là ?) va bouleverser la conception de l'existence du protagoniste.

Car Hermine incite Harry à prendre la vie avec légèreté, cesser de se complaire dans la morosité la plus complète. Hermine :

« Peut-être, ami, pourrais-je même te dire ce qui t'attend chez toi et dont tu as si peur. Mais tu le sais toi-même ; pas la peine d'en parler, hein ? Fariboles que tout ça ! Ou bien on se pend, et alors tant pis, quand on se pend, on se pend, c'est qu'on a ses raisons. Ou bien on vit, et alors on n'a qu'à se soucier de la vie. Rien de plus simple.

« —Oh ! m'écriai-je, si c'était aussi simple que cela ! Dieu sait si je m'en suis soucié, de la vie, et pourtant, ça ne m'a guère profité. Il est peut-être difficile de se pendre, je n'en sais rien, moi ! Mais vivre est tellement plus difficile ! Dieu sait si ça l'est, difficile ! » (p. 64)



On ne passera pas à coté de la narration qui se voit chamboulée, ce qui suscite un des intérêts fondamentaux de l'ouvrage. Mention spéciale au « Traité du loup des steppes » que l'on se délectera à lire et relire, certains passages étant si justes, savoureux. On pourrait recopier ici tous les passages bouleversants, mais ce serait un véritable labeur de retranscription que le lecteur trouverait forcément bourratif.



Morceaux choisis :

« Il était entouré maintenant de l'air du solitaire, de cette atmosphère silencieuse, de ce dépouillement du monde environnant, de cette inaptitude aux relations humaines, contre lesquelles ne pouvaient lutter aucune volonté ni aucune nostalgie. C'était un des signes caractéristiques de sa vie.

Un autre était d'appartenir aux suicidés. Précisons cette expression : il est faux de n'appeler suicidés que ceux qui se suppriment réellement. Parmi ceux-là, il s'en trouve beaucoup qui, en quelque sorte, ne deviennent des suicidés que par hasard et n'ont pas nécessairement le suicide dans le sang. (...) De ceux-là, beaucoup sont absolument incapables d'accomplir le geste du suicide réel, dans lequel ils ont profondément reconnu le péché. Cependant, ils nous apparaissent quand même comme des suicidés, puisque la libératrice, pour eux, est la mort et non pas la vie ; qu'ils sont prêts à la rejeter, à l'abandonner, à l'éteindre et à retourner au commencement. » (. VII-IX)



« Tous ces hommes, quels que soient les noms que portent leurs actes et leurs œuvres, n'ont pas, au fond, de vie proprement dite ; leur vie n'est pas une existence : elle n'a pas de forme, ils ne sont pas héros, artistes ou penseurs, de la même façon dont d'autres sont juges, médecins, professeurs ou cordonniers ; leur vie est un mouvement, un flux éternel et poignant, elle est misérablement, douloureusement déchirée et apparaît insensée et sinistre, si l'on ne consent pas à trouver son sens dans les rares émotions, actions, pensées et œuvres qui resplendissent au-dessus de ce chaos. C'est parmi les hommes de cette espèce qu'est née l'idée horrible et dangereuse que la vie humaine tout entière n'est peut-être qu'une méchante erreur, qu'une fausse-couche violente et malheureuse de la Mère des générations, qu'une tentative sauvage et lugubrement avortée de la Nature. Mais c'est aussi parmi eux qu'est née cette autre idée, que l'homme n'est peut-être pas uniquement une être à moitié raisonnable, mais un enfant des dieux destiné à l'immortalité. » (p. V)
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le 6 sept. 2011

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Anthony Boyer

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