Je me suis beaucoup penché sur la production audio-visuelle des membres du site, mais assez peu sur la littéraire. Sans doute parce que ça coûte de l'argent d'acheter un livre alors que les courts-métrages sont souvent mis à disposition sur youtube. C'est donc, si ma mémoire ne me trahit pas, le deuxième bouquin que je lis, le premier étant le best seller de Clara Lamarca (que je pus me procurer lors d'une solde inespérée, l'objet numérique était disponible gratuitement pendant 24heures, et par chance je passais pas là) . J'avais un peu peur de réitérer l'expérience surtout que je comptais mettre la main au portefeuille cette fois. Bon, le petit extrait (la première nouvelle en fait) mis à disposition sur le site de l'éditeur (et imprimeur si j'ai bien compris) me laissait un peu plus confiant même si je n'étais pas entièrement satisfait arrivé à la fin. Mais le style, moins naïf me poussait à privilégier la forme papier plutôt que numérique. Etant radin de nature, j'ai mis du temps à valider ma commande, puis je me suis dit : allez, il y a de fortes chances que je sois repris l'année prochaine, j'ai eu beaucoup d'heures cette année, j'ai bien économisé, je peux me permettre cette audace culturelle. Et j'ai cliqué. Le bouquin a mis du temps à arriver, parce que je suis belge et qu'en plus j'ai payé par virement bancaire... mais il est bel et bien arrivé.


Au final, je suis pas totalement convaincu. j'y ai trouvé quelques chouettes nouvelles, ma préférée étant celle sur le cinéma pour un concours (du moins la première fois que l'auteur y a participé, la seconde fois, ça sentait le réchauffé et c'était moins investi). Mais j'ai aussi trouvé pas mal de nouvelles que je considère plus comme des ébauches, des récits non terminés, des idées notées vite fait.


Le reproche principal que je peux adresser, c'est un manque d'approfondissement. Les personnages sont rarement développés, souvent trop lisse (le bon africain qui morfle gentiment, le personnage qui pose les questions de manière très pratique mais qui ne dégage aucune personnalité, les personnages tous un peu désabusés on ne sait pas trop pourquoi, parce que la vie est amère sans doute, mais dont on ne retient aucune caractérisation, aucune réelle particularité pour une grande majorité des nouvelles, je veux dire au-delà de l'étiquette historique - je veux dire, au-delà du fait que ce soit un boxeur, un cycliste, un ministre, ils sont tous pareils).


Les situations sont peu développées. L'auteur semble prendre beaucoup de plaisir à mettre en place les choses (de manière assez redondante d'ailleurs), c'est souvent long, et puis quand le récit devrait commencer, il se termine : pas de conflits développés, pas de résolutions amenées. Cela fait penser à ces gens qui imaginent une histoire, passe beaucoup de temps à expliquer qui sont les personnages, ce qu'ils font dans la vie, quelle est la menace, mais peinent à développer les péripéties et à instaurer une situation finale.


C'est souvent anecdotique. De façon négative. Dans le sens où l'auteur ne parvient pas à nous faire intéresser à son sujet complètement. Il y a de bonnes idées, un bon climat, de quoi rédiger de chouettes histoires, mais on entre jamais dans le vif du sujet. C'est comme si quelqu'un vous racontait une histoire de très loin. "Tu connais X? Il a fait ça ça ça et ça." C'est factuel. On dégage malgré tout des messages, une maturité, une expérience de vie passionnante qui ne demande qu'à être transmise, d'ailleurs les récits ne sont jamais mauvais, on prend un certain plaisir à découvrir chaque nouvelle, mais le soufflet retombe presqu'à chaque fois, hélas. Pour utiliser une image plus parlante, c'est comme si vous veniez visiter la maison d'un ami mais que l'hôte ne vous laissait jamais franchir le seuil des portes et qu'ainsi vous devient vous contenter d'observer depuis le pallier : c'est forcément frustrant et décevant.


Cela se ressent dans les quelques scènes de bistrot, je les ai trouvés assez peu vivants. Après, j'aime beaucoup Bukowski qui écrit de manière très différente : cet auteur est entre dans les viscères mêmes de ses personnages, et ses bistrots ont tous une image nauséabonde, on a l'impression de sentir le fumet de la levure à chaque coin de page. Il manque les petits détails qui font que l'on se sent vraiment dans le lieu.


Le fait que les nouvelles mettent souvent en scène des Africains ou des terres africaines est une bonne idée. Cela permet de découvrir d'autres coutumes. Je regrette que cela tienne souvent du mythe du 'bon nègre', que le portrait soit si lisse, si peu approfondi, n'empêche qu'il y a un côté exotique assez plaisant qui donne envie de visiter les régions citées. Les rares confrontations avec notre propre culture sont également une source de plaisir.


L'écriture simple et sobre fonctionne assez bien. Je craignais de longues descriptions ennuyeuses avec la première nouvelle, heureusement, l'auteur sait être économe en matière de mots. Les tournures de phrase sont également simples mais efficaces, pas d'effet de style inutile ; il est arrivé une ou deux fois que la rédaction d'un paragraphe me laisse confus sur les événements, que je doive relire pour être sûr d'avoir bien compris ce qu'il venait d'arriver mais pour le reste, c'est très fluide et facile à appréhender. Le vocabulaire employé est assez varié, jamais élitiste et au pire le contexte permet de deviner le sens du mot. Les titres sont tous bien choisis. Les notes en-dessous du titre sont parfois dispensables ou bien un peu floues, mais ça n'est pas déplaisant pour autant, ça permet d'entrer dans l'intimité de l'auteur en tant qu'écrivain.


La couverture est assez plaisante visuellement mais je me rends compte après lecture que ça reflète assez peu ce que je viens de lire. La mise en page à l'intérieur est faite de mauvais choix de l'éditeur-imprimeur. Les pages blanches numérotées, ça fait un peu con-con ; la mise en page des titres collés aux textes tue un peu la page, c'est-à-dire que ça manque de respiration, et je suppose que c'est pour permettre de diminuer le nombre de pages. Cela n'a l'air de rien, mais je trouve que l'emballage est important, que cela participe de la lecture, que cela participe même du sens des mots, du message ; la forme est au service du fond. Quand un auteur décide de ne pas mettre de paragraphe pendant 10 pages, ça doit avoir un sens, ça doit participer au fond. Ici, je ne vois pas d'autre intérêt à ce choix à part l'économie des feuilles (ce qui est bien pour les arbres, me direz-vous).


Bref, ce recueil de nouvelle n'est pas déplaisant à lire, mais rares sont les récits réellement approfondis, la plupart du temps on est face à quelque chose qui paraît inabouti, qui mériterait d'être retravaillé, poussé plus loin ; c'est souvent anecdotique, hélas, mais on sent que l'auteur a des choses intéressantes à dire et sait les dires.


PS : si j'ai bien compris, ce sont toutes des nouvelles écrites il y a 18 ans. J'aimerais bien lire un texte plus récent. J'espère qu'un prochain roman est en préparation.

Fatpooper
5
Écrit par

Créée

le 2 août 2018

Critique lue 184 fois

1 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 184 fois

1

D'autres avis sur Le gouverneur Capitale

Le gouverneur Capitale
EricDebarnot
7

Out of Africa

L'Afrique marque au coeur quiconque y vit : aucun de mes amis qui y ont fait "leur coopération" (je vous parle d'un autre temps...), et encore moins de ceux qui y sont nés de parents installés à...

le 15 juil. 2018

4 j'aime

5

Le gouverneur Capitale
Fatpooper
5

Les petites tragédies

Je me suis beaucoup penché sur la production audio-visuelle des membres du site, mais assez peu sur la littéraire. Sans doute parce que ça coûte de l'argent d'acheter un livre alors que les...

le 2 août 2018

1 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

101 j'aime

55