Un des nombreux ouvrages du très prolifique Noam Chomsky. Celui-ci a le mérite d'être court et dense. En un peu plus d'une centaine de pages, l'universitaire américain brosse un portrait édifiant et bien peu reluisant de la politique étrangère américaine.


En épluchant les rapports gouvernementaux déclassifiés et autres documents des services secrets, il met à jour les intentions des planificateurs américains à l'issue de la Seconde guerre mondiale : maintenir la position de suprématie des États-Unis par tous les moyens. Cela implique notamment de maintenir les pays du tiers-monde dans la misère pour pouvoir mieux exploiter leurs ressources naturelles, garde l'Europe et le Japon sous tutelle, empêcher le développement de régimes démocratiques en Amérique latine ou en Asie... On découvre avec quel cynisme chaque pays se voit attribuer un rôle et une fonction sur le "grand échiquier" (terme employé par Zbigniew Brzeziński, politique américain et conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter). Noam Chomsky décrit ensuite par l'exemple la méthode appliquée par les États-Unis pour écraser les régimes naissant qui osait appliquer une politique visant à "améliorer le bien être de sa population". Soutien aux forces d'opposition conservatrices, manipulation des élections, soudoiement des militaires locaux, soutien à des coups d’État... Tout est fait pour renverser les régimes menaçant les intérêts américains (à savoir l'accès facile aux ressources, des États du tiers-monde maintenus dans la misère et contrôlés par un État autoritaire). Et globalement, force est de constater que jusqu'à aujourd’hui le pays de l'Oncle Sam est toujours parvenu à ses fins, même si cela s'est parfois fait avec des dommages collatéraux non-négligeables. Le Vietnam a été ruiné et isolé sur la scène internationale, les gouvernements socialistes et démocratiques d'Amérique latine ont été discrédités et renversés, l'Europe est maintenu sous la coupelle atlantiste...


Une autre partie de l'ouvrage s'intéresse à la politique intérieure. Chomsky y explique comment le gouvernement américain s'est toujours servi des médias afin de maintenir la population intérieure dans la peur du "communisme" (terme-valise utilisé pour décrire tout régime qui menacerait les intérêts américains) et faire accepter toute intervention extérieure. Diabolisation des ennemis déclarés des États-Unis, minimisation des exactions de l'armée américaine... les grands journaux et les chaînes de télé "préparent le terrain" avant que les politiques annoncent les déclarations de guerre, invasion et autres opérations extérieures. L'auteur pointe du doigt l'équilibre de la terreur psychologique qu'ont maintenu volontairement les élites américaines et soviétiques. Chacun diabolisant le bloc adverse pour mieux maintenir sa propre population dans un état de peur et donc la manipuler plus aisément. Avec la disparition de l'URSS, les États-Unis perdent leur "meilleur ennemi" et vont devoir se rabattre sur le trafic de drogue pour justifier leurs interventions extérieures (aujourd'hui, l'islamisme offre une alternative tout à fait efficace à cela).


Du Nicaragua à l'Irak, en passant par le Vietnam, le Panama ou l'Italie, les États-Unis n'ont jamais hésité à recourir à l'infiltration des syndicats, à la corruption, à l'armement ou à la formation de groupes insurrectionnels, aux renversements de régime, au meurtre, à la torture ou au trafic de drogue. Jusqu'à récemment, leur puissance était incontestée et ils n'ont reculé devant aucune audace pour maintenir leur hégémonie. Une amère leçon de real politik. La montée en puissance de la Chine et d'autres acteurs politiques avides de puissance ne risque malheureusement pas de moraliser le jeu de la politique internationale.

ZachJones
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le 7 avr. 2020

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