Chigozie Obioma est issu d'une famille de 11 enfants. Son premier roman, Les pêcheurs, avant toute chose, lui rend magnifiquement hommage à travers une fiction qui a pourtant des allures de tragédie grecque (ou igbo, plutôt). Dès la première page, le style de l'écrivain nigérian (splendide traduction à souligner) s'impose par sa fluidité et son réalisme poétique. Rarement une écriture et une histoire ont convergé de cette manière pour aboutir à ce que l'on qualifierait sans hésitation de chef d'oeuvre si le terme n'était pas autant galvaudé. Tout commence dans une petite ville de Nigeria, au milieu des années 90, au sein d'une famille où le père travaille loin de la maison et de ses 6 enfants dont 4 frères inséparables qui ont pris l'habitude d'aller pêcher le long d'un fleuve maudit, sans en avertir leur mère. Une désobéissance qui est à la base du drame qui va se jouer avec l'intercession d'un fou nommé Abulu dont les imprécations et la prophétie vont instiller un poison mortel dans cette fratrie. Abulu, présent par intermittences dans le livre, est un personnage diabolique et terrifiant comme on en voit peu. Il aurait sa place comme démon méphitique dans un livre d'horreur. Mais la force du roman d'Obioma est de réaliser une fusion parfaite entre les contes traditionnels africains, avec leur spiritualité et leurs superstitions, et le thriller, avec son suspense et ses ruptures de ton, le tout enveloppé dans une prose tendre et sensible autour de la complicité (en péril) entre frères. Aucune surcharge dramatique n'apparait dans le ton du livre dont le lyrisme doux a quelque chose d'apaisant alors que des événements atroces se produisent. C'est le premier roman de Chigozie Obioma et sa maîtrise est confondante pour un livre dont n'a de cesse de tourner les pages tout en se retenant pour en apprécier chaque passage. Le premier réflexe, une fois l'ouvrage terminé, est d'ailleurs de relire son tout premier chapitre. Il est indéniable que Les pêcheurs marquera cette année littéraire avec la découverte d'un auteur dont on attend déjà le prochain livre. Un seul mot d'ordre : votez Obioma !

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le 17 déc. 2016

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