Je pense bien qu'il n'y ait pas une seule philosophie qui soit infaillible. Chaque philosophe va imaginer son concept et se retrouver face à des contradictions qu'il peinera à cacher. Mais ce n'est pas grave. Pour moi, l'intérêt de cette quête de vérité, ce n'est pas de trouver LA solution mais de s'interroger. Car il faut bien le dire, en soi, la philosophie ne sert à rien. Au même titre que produire de l'art ne sert à rien. Enfin si, il y a un intérêt mais j'appelle ça le divertissement : le but recherché est de s'occuper, se divertir. Réfléchir à la vie, à la mort, ça ne sert à rien si ce n'est occuper le temps, si possible en prenant du plaisir. Ce qui est énorme, c'est vrai, mais je veux dire par là qu ece n'est pas une condition sine qua non à la vie, que ce n'est pas utile.


Je ne comprends pas quand on oppose réflexion et divertissement : la réflexion ne sert à rien si ce n'est apporter du plaisir à celui qui se plaît à la pratiquer, et donc à divertir son esprit. Divertir de quoi ? De la morosité de la vie, de la tristesse, de la paresse, d'un travail pesant, d'une apathie, d'une inquiétude... de n'importe quoi. Le divertissement n'empêche pas la production de pensée dite intelligente. Donc la réflexion est un divertissement.


Soit. La philosophie, c'est une manière de s'interroger sur les choses de la vie, de la mort. Moi, je m'intéresse à la philosophie parce que justement, dans ces questions soulevées et auxquelles les philosophes répondent (parfois), j'ai trouvé quelques échos en moi. Pas tout car je trouve toujours qu'au-delà d'une certaine limite, une théorie philosophique devient ridicule même si elle peut inspirer une pratique artistique agréable. Mais chez Descartes, ce que j'ai aimé, c'est le doute, la remise en question : j'essaie d'en faire un mode de vie. Et puis aussi l'être : je pense, je suis. Dans le développement, dans l'exploitation de cette formule à un sens plus large, je trouve qu'il y a des défauts, surtout quand le bougre tente de prouver l'existence de Dieu, mais pour moi qui suis du genre à penser qu'il vaut mieux se remettre en question le plus souvent possible (ce qui est compliqué), j'ai apprécié cette base.


J'ai dit que je faisais de la remise en question un mode de vie : évidemment, j'exagère. Il est impossible de se remettre en question systématiquement. Un exemple évident, c'est que, lorsqu'on étudie un sujet, on se soumet à un grand nombre de questions pour le comprendre. Une fois le savoir acquis, on garde les questions en tête dans un premier temps. Mais il faut bien admettre qu'avec le temps, on finit par 'oublier' ces questions, de se contenter des réponses, et de les resservir bien des années plus tard en ayant oublié tout le cheminement. Et ainsi, une réflexion poussé devient un préjugé sans qu'on s'en aperçoive.


Après, je ne prétends pas avoir tout compris, parce que je n'ai pas beaucoup lu d'ouvrages philosophiques, je m'en suis toujours tenu à ce qu'on a bien voulu m'enseigner à l'école. C'est-à-dire les classiques : les grecs surtout et puis d'autres comme Saint Augustin, Pascal, Descartes ou Tardes. Et leur étude n'a sans doute été que très approximative à raison de 2h de cours par semaine seulement pendant 4 ans.


Et puis je ne pense pas être quelqu'un de très intelligent : je ne me le cache pas, je suis quelqu'un de très superficiel. Mais je ne dis ça en ayant un mauvaise estime de soi. Je pense que la superficie des choses est à creuser, et je la creuse autant que possible, mais je me rends compte que je reste toujours à la surface qu'il est impossible de creuser profondément ; alors pourquoi prétendre le contraire ? La surface est notre première manière de voir le monde, de le comprendre. Alors pourquoi s'en priver ?


J'aime les conversations futiles ; celles où les gens tentent de changer le monde m'ennuient parce que ça va au-delà du divertissement : soudain, ces gens prennent leurs convictions très au sérieux, s'énervent, débattent avec virulence, oublient la cordialité. Et puis il y a ce sérieux exaspérant : ils croient changer le monde et si l'on fait la moindre blague à ce moment là, c'est la fin des haricots. Mais pourquoi ? Pensent-ils vraiment que leur pensée autour d'une bière est plus importante que tout le reste ? Je n'ai même pas envie de soulever le fait qu'un être seul ne peut détenir LA vérité, simplement parce qu'il existe une infinité de points de vue sur une même question et que beaucoup se valent. Non, j'en viendrai simplement à ça : c'est comme voir deux enfants jouer avec des petites voitures et soudain perdre sens de la réalité, croire que l'accident qu'ils ont simulé est vrai. Ils en oublient alors tout le plaisir de jouer, s'accusent l'un l'autre de tout gâcher, s'énervent... c'est ce genre de comportement qui m'énerve dans les débats du soir. Mais je digresse. Mais je digresse parce que la digression est un moyen de me divertir.


Pour en revenir au texte de Descartes, ça m'a plu : ce que j'en ai compris, je l'ai apprécié. Les choses auxquelles j'adhère moins, j'ai essayé de les comprendre mais je ne suis pas d'accord, donc je les rejette : elles n'entreront pas dans ma manière d'appréhender le monde. Peut- être plus tard, lorsque je relirai le bouquin, car le rejet n'est jamais définitif, ou en tous cas je m'offre la possibilité de changer le point de vue aussi souvent que possible (ce qui veut dire de temps en temps). Une chose qui me plaît aussi, dans la lecture de philosophie, mais aussi dans la lecture en général, c'est qu'on peut tirer quelque chose de différent à chaque lecture. C'est un renouvellement appréciable.


La prose de Descartes m'a beaucoup moins convaincu que son discours. Je trouve que l'auteur s'exprime très mal, qu'il emploie beaucoup trop de mot. Mais peut-être est-ce un subterfuge, une stratégie pour mieux cacher les faiblesses de son discours ? Parce qu'avec tous ces mots-parasites, il devient parfois compliqué de voir où l'auteur veut en venir. Et ce n'est pas juste lié à la manière dont on parlait à l'époque, car lorsque j'ai lu les objections faites épistolairement, j'ai trouvé la lecture de ses opposants bien plus agréable que ses réponses, toujours hachées. Il se perd un peu aussi dans tous ses textes, se répètent trop sur des choses évidentes et oublient d'insister sur des points plus obscurs. Je pense qu'il a perdu le fil de sa propre pensée à certains moments. Et puis il y a une certaine mauvaise foi ou facilité par moment, un manque flagrant de construction dans son argumentation.


J'ai beaucoup apprécié la fin, les objections, car cela m'a fait penser aux commentaires que l'on peut retrouver dans des forums divers comme sur Senscritique : il y a une certaine violence dans la manière de pointer un défaut ou dans la manière de s'en défendre. Et puis une exagération ou une répétition sans nouveaux arguments. Je me suis alors plu à imaginer ce qu'aurait été SC si Descartes, Voltaire et bien d'autres philosophes de cette époque en avaient été membres.


Bref, sur le fond, je ne suis pas d'accord sur tout mais ça reste intéressant ; sur la forme, je trouve que Descartes est un mauvais écrivain, qu'il ne rend absolument pas justice à sa propre pensée.

Fatpooper
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le 6 mai 2016

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