Nana
7.4
Nana

livre de Émile Zola (1880)

Jeune rousse voluptueuse recherche riche pigeon à déplumer

Aaaah, Zola. Très sincèrement, si je devais citer un auteur "classique" qui m'a fait vibrer, il serait en première place, et de très loin. Avant Nana, j'avais lu deux ouvrages de lui : Germinal, qui bien qu'il m'ait fallu un peu de temps pour vraiment rentrer dedans, avait fini par être une gigantesque claque littéraire, et la Bête Humaine, que j'ai juste dévoré, tellement il était haletant.


Ce que j'aime chez Zola, c'est le côté crade, la noirceur de l'âme humaine et de ce qu'elle est capable d'engendrer de pire, le tout porté par des descriptions certes touffues, mais qui permettent grâce à une plume aiguisée de vraiment s'immerger dans les univers abordés. Les réflexions sociologiques qui peuvent en découler aussi, toujours passionnantes. Bref, c'est stimulant, beau, ça prend aux tripes. Plein de choses que j'adore quand je lis un livre.


Et là, on va maintenant parler de Nana.


Nana, c'est une femme qui en a bien bavé dans la vie, et qui à force de gagner de quoi vivre avec son corps, s'est rendu compte qu'elle pouvait l'utiliser pour passer à la vitesse supérieure, et se faire une réelle place dans la société mondaine, notamment en séduisant de riches bonshommes en manque de stimulation dans leur petite vie de nantis. Voilà comment je résumerais très prosaïquement l'histoire.


Et en vrai, tout ce qui se rapporte à cette description précise est juste géniale, et coche toutes les cases citées précédemment qui font que j'aime Zola. L'évolution du personnage est fascinante à observer, et donne lieu à des situations où on a tantôt l'envie de la prendre dans nos bras et lui dire que tout va bien se passer, tantôt de s'indigner et se questionner sérieusement sur le fait qu'elle puisse un jour avoir possédée une quelconque forme d'humanité. J'ai adoré suivre la déchéance de toutes les personnes qui lui ont tourné autour, tombant comme des mouches, à mesure que les chapitres défilaient. J'ai adoré le final, pinacle de la folie et de la luxure. Vraiment, je pense que certains passages vont me rester en tête pendant encore un bon moment, tellement Zola est parvenu à donner une saveur aussi unique à toutes les horreurs présentes dans son oeuvre.


Pourtant, je n'ai mis que 6. Parce que Nana, c'est un ouvrage très dense et les points positifs ne sont incarnées que par quelques passages bien précis. Après, il y a le reste. C'est à dire des moments longs, très longs, horriblement longs où il s'agira de suivre et de surtout tenter de comprendre toutes les manigances, les coups bas, les liaisons qui se font et se défont entre la chiée de personnages qu'on va essayer de suivre (oui, essayer, c'est vraiment le mot), aussi bien lors des représentations théâtrales que lors des nombreux dîners mondains. Alors oui, j'imagine bien que ces passages sont certainement cruciaux dans le développement de tel ou tel aspect narratif qui m'a échappé, mais j'y peux rien. Moi, quand ça enchaîne pendant plusieurs dizaines de pages platitudes sur platitudes, au bout d'un moment, j'ai envie de commencer un autre livre. Et c'est tellement dommage, parce que je suis sûr qu'il y a une tonne de lycéens qui se sont tapés Nana (ah oui, ça c'est fin) durant leur scolarité, et qui ont pris ça pour une torture. Parce que pour arriver aux passages vraiment croustillants, c'est de mémoire largement plus d'une centaine de pages extrêmement denses et peu palpitantes qu'il faut parvenir à endurer. In fine, ils sont passés à côté de ce que j'ai pu ressentir, et moi ça m'embête, parce que j'ai terriblement envie que les ouvrages considérés comme "classiques" soient décrottés des qualificatifs qu'on leur colle malheureusement trop souvent dans l'imaginaire collectif, c'est à dire des trucs chiants, longs, pas palpitants pour un sou. Tout ce que Zola n'avait pour moi pas incarné dans Germinal et La Bête Humaine. Tout ce que Zola fait beaucoup trop dans Nana.


Donc voilà. Je pense que je relirai Nana à l'occasion, une fois que je connaîtrai un peu mieux l'oeuvre de Zola, de sorte à mieux cerner la tendance globale qui se dessine dans les Rougon-Macquart. Mais clairement, pour les curieux et curieuses de passage, je ne peux que vous conseiller, si l'expérience de Nana vous tente, de bien vous accrocher, de prendre de quoi noter à côté de votre lecture, et de serrer les fesses jusqu'à ce que l'intrigue démarre véritablement, soit un bon quart du bouquin. Après ça, il y a vraiment des passages qui méritent le détour et qui, tout comme moi je l'espère, vous hanteront pour quelques temps.

Gyaran
6
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Pierres angulaires de la littérature dans lesquelles il me reste à taper et Un peu de lecture en 2022

Créée

le 15 janv. 2022

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Gyaran

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