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6.9
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livre de Michel Houellebecq (2001)

Une brillante et jouissive impression de se faire arnaquer

J'aime Houellebecq. J'aime son style, j'aime son cynisme, j'aime sa manière décalée et quelque peu déprimante d'analyser froidement les moindres aspects de notre vie occidentale et des codes qui la structurent pour tendre en définitive vers le néant et le non-sens absolu de nos existences misérables. J'avoue ne pas être intéressé de savoir si cela relève d'une philosophie revendiquée de l'auteur, si son racisme/sa misogynie relève moins d'un effet de style que de valeurs profondes, Houellebecq c'est un style, une marque déposée qui provoque davantage chez moi le plaisir de la lecture que la réflexion sociale. Le reste appartient à sa promo et/ou ses polémiques, autant dire pas grand chose.


J'aime Houellebecq pour toutes ces raisons et c'est donc naturellement pour cela que j'ai bien aimé ce livre, mais ce n'est pas le genre d'oeuvre qui fera changer l'avis d'un sceptique. Car tout l'univers de Houellebecq s'étale ici sans retenue et sans limite. Son oeuvre, de manière générale, repose invariablement sur les mêmes bases: un quadragénaire/quinquagénaire seul et sans enfants, cadre moyen dans un travail où il n'est pas mauvais mais qui ne le passionne guère, navigue dans une vie sans éclats et dans une indifférence profonde aux normes sociales et politiques qui définissent les individus d'une société occidentale, sans avoir une grande opinion de lui-même et des autres mais préoccupé par une sexualité gourmande qu'il assouvira sans limites et sans tabous. Voilà pour la base, l'enrobage variera en fonction des thèmes de fond qui sont le seul véritable gage de diversité dans son travail. Ici ce sera donc le tourisme sexuel, analysé sous toutes ses coutures. Le récit prendra donc naturellement une orientation très porn, naturelle dans l'oeuvre de Houellebecq (on s'y fait!) mais fatigante quand elle s'impose avec excès.


Au-delà des considérations de kékettes dont la question de l'utilité au récit n'engagera que ceux qui veulent bien se la poser (en gros cela me parait presque complètement secondaire), le reste est d'une très bonne facture. J'ai adoré la première partie et le voyage en Thaïlande pour ses descriptions très drôles des rapports humains dans les microsociétés de car et de tablées, pour son narrateur si peu sympathique et intéressant qu'il le deviendrait presque. La suite baisse un peu en matière de rythme à mon sens, légèrement plombée par le peu de saveur qu'offre le monde de l'entreprise et l'industrie du tourisme mais sans que cela en devienne cependant pénible. Car c'est l'art de Houellebecq, accrocher le lecteur avec du vide et, là encore, il le fait avec brio. Cela marche chez moi et je suis sorti de ce livre comme de tous les autres (ou presque), avec cette brillante et jouissive impression de m'être fait arnaquer.

BenoitBarbibul
7
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le 4 avr. 2019

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Benoit Barbibul

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