Deux auteurs occupent une large place dans ma bibliothèque, John Fante et Michel Houellebecq. Je les admire et je les apprécie pour une qualité (qui est probablement aussi un défaut) qu'ils ont en commun; la capacité de broder avec une justesse géniale dans une prose incroyablement maitrisée autour de presque rien, de la banalité médiocre de la vie quotidienne, bref de produire du vide avec un sens littéraire accru et de recommencer à l'ouvrage suivant avec un manque de diversité et de variation tel que l'on n'est jamais loin de l'enfumage littéraire. Et pourtant c'est génial.


Sérotonine est presque excellent car la plume y est encore et toujours magnifiquement cynique, toujours provocatrice, mêlant le beau et l'abject, la pertinence chirurgicale des mots et la précision des descriptions que l'on pourraient presque qualifier de "néo-naturalistes" avec une intensité similaire pour un appart-hôtel de ZAC de province et pour un château XVIIIe d'une aristocratie sur le déclin.


Sérotonine est presque décevant car, malgré la puissance du roman psychologique tendant parfois vers l'essai, rien ne ressemble plus à un Houellebecq qu'un autre Houellebecq: même trame, même contexte, même désillusion de l'homme célibataire et désabusé en milieu de vie, même échec des sentiments humains face à la froideur d'une société impitoyable et la tentation bestiale du cul, même étalage de la médiocrité crasse. Le passage relatif à la crise des agriculteurs marque probablement le temps fort du roman et se veut aussi finement pensé que bienvenu, mais au-delà de ça le récit ne décolle jamais réellement et - soyons honnête - on ne s'y attend plus vraiment.


Comme d'habitude, Sérotonine devrait enthousiasmer les convaincus, agacer les détracteurs et choquer tous les autres, notamment ceux dont la grille d'analyse dépasse rarement le premier degré. En bref, Sérotonine est bel et bien un Houellebecq pur jus, une marque estampillée et donc (pour ma part mais je fais partie des enthousiastes) une valeur sûre.

BenoitBarbibul
7
Écrit par

Créée

le 13 janv. 2019

Critique lue 249 fois

1 j'aime

Benoit Barbibul

Écrit par

Critique lue 249 fois

1

D'autres avis sur Sérotonine

Sérotonine
BrunePlatine
4

Pervers pépère

Je referme écoeurée ce roman à la page 222. Non seulement il est ennuyeux, déprimant, inintéressant dans son propos mais, comble de l'indécence, d'une ambiguïté malsaine, au fond vraiment...

le 13 mars 2019

27 j'aime

36

Sérotonine
MonsieurBain
9

Voyage au bout de la nuit...

À peu près personne aujourd'hui n'a besoin d'être informé de la superficialité globale du discours médiatique contemporain, d'ailleurs cela est d'autant plus exact pour ce qui est des lecteurs de...

le 5 janv. 2019

27 j'aime

21

Sérotonine
Motherfuck
7

Oui

C'est bien Houellebecq, sur l'échelle de Richter c'est toujours un petit séisme, et chacun de ses livres fait toujours le même effet, c'est navrant et délicieux, je dirai 3/10 sur l'échelle de...

le 11 févr. 2020

23 j'aime

5

Du même critique

Tu ne tueras point
BenoitBarbibul
3

Jésus part (encore) en guerre

Sachant que j'allais voir une oeuvre de Mel Gibson, je ne m'attendais pas franchement à de la prose marxiste. Franchement pas! Mais à la sortie du cinéma, je me suis rendu compte que j'étais encore...

le 4 déc. 2016

5 j'aime

3

Le Lambeau
BenoitBarbibul
9

Au-delà de la littérature...

Il y aurait tant à dire sur Le Lambeau, son sujet, sa construction, sa prose, son rapport à la réalité... Car Le Lambeau est un livre complet, incroyablement précis et dense, particulièrement...

le 24 mars 2019

4 j'aime

Les Oubliés
BenoitBarbibul
7

Un bijou esthétique assez touchant

Venu le moment du générique de fin de Under sandet, deux choses surprennent et frappent. La première est qu'il est tout de même étonnant que l'on puisse, encore aujourd'hui, découvrir de telles...

le 19 janv. 2016

4 j'aime