Le narrateur, un américain venant de visiter la France et l’Italie et passant quelques jours en Angleterre avant de retraverser l’Atlantique, vit deux hommes pénétrer dans l’auberge dans laquelle il était installé. Les clients ne se bousculaient pas et c’est tout naturellement qu’il détailla les nouveaux venus, américains eux aussi. L’un d’eux était fort mal en point, visiblement malade.
Leur discussion l’intrigua : le valétudinaire était aussi désespéré. Son compagnon – avocat de son état – venait de lui faire traverser l’océan en pure perte par des promesses pour le moins légères : l’homme, affirmait-il, avait des droits légitimes sur une fabuleuse propriété à la campagne. Mais sans le sou, Clément Searle, n’avait rien à espérer d’un procès hasardeux et long. Il n’avait plus qu’à mourir, affirmait-il, en ajoutant que ce ne serait plus long.
Ayant fait sa connaissance, le narrateur lui propose de se rendre à Lockley Park, la fameuse propriété appartenant à un lointain parent : Richard Searle. La propriété est magnifique : un parc immense, des forêts, monts et vaux ; et une vaste demeure que la bourgeoisie britannique nomme modestement « manoir » ou « maison », mais qu’un français qualifierait sans une hésitation de « château ». Après avoir clairement fait référence à « miss Austen » (et de façon intentionnelle, soyons en sûre), Henry James décrit Lockley Park de telle manière que le lecteur s’imagine immédiatement pénétrant à Pemberley. Ambiance aristocratique, à la fois riche et austère, d’une grande sobriété malgré la fortune manifeste de son heureux propriétaire.
Clément Searle se fait connaître de ses hôtes et les réactions des deux habitants (Miss et Mr Searle, un veuf et sa célibataire de sœur) diffèrent du tout au tout : Mademoiselle tombe amoureuse et voit enfin arriver un heureux parti qui promet de la délivrer de son isolement et de son destin de vieille fille auquel elle s’était résignée, tandis que Monsieur reçoit l’homme qui intente contre lui une action en justice visant à lui ravir tout ou partie de son bien…
Une ambiance extraordinaire dans la première moitié de cette très belle nouvelle. J’ai l’impression d’à nouveau me plonger dans Orgueils et Préjugés et m’attend à chaque instant à croiser miss Bennet et Darcy au coin d’un massif de rhododendrons. La seconde partie est par contre moins convaincante et vient tempérer mon enthousiasme initial. L’ensemble n’en demeure pas moins fort intéressant : une nouvelle lecture agréable en compagnie de mon très cher Henry James.
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le 3 oct. 2013

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