Qui eut cru que j’aurais attendu d’être quinquagénaire pour me découvrir anarchiste ? Non pas avec Bakounine ou Makhno, mais avec Jacques Ellul.


« Je suis très proche d'une des formes de l’anarchisme et je crois que le combat anarchiste est le bon. Sur quel point me séparerai-je alors d'un véritable anarchiste ? [...] Le point de rupture est le suivant : un véritable anarchiste pense qu'une société sans État, sans pouvoirs, sans organisation, sans hiérarchie, est possible, vivable, réalisable, alors que moi, je ne le pense pas. Autrement dit, j'estime que le combat anarchiste, la lutte en direction d'une société anarchiste sont essentiels, mais la réalisation de cette société est impossible. [...] En réalité, l'image ou l'espoir d'une société sans autorité ni institution repose sur la double conviction que l'homme est naturellement bon et que c'est la société qui le corrompt. [...] [Mais] les deux caractéristiques de l'homme, quelle que soit sa société ou son éducation, sont la convoitise et l'esprit de puissance. On les retrouve partout et toujours. Alors, si vous laissez l'homme entièrement libre de choisir son action, inévitablement, il cherchera à dominer quelqu'un ou quelque chose. » Que faire ? Une seule issue, l’objection de conscience, qui n’est pas seulement le refus de porter des armes, mais le rejet de « toutes les contraintes et obligations imposées par notre société », l’impôt, l’école ou la vaccination obligatoire.


Dans son court et très accessible essai, l’auteur parcourt la Bible et démontre que son message est férocement critique envers les puissants. Si Dieu consent à donner à son peuple des rois, leurs règnes seront catastrophiques. Jésus présente le pouvoir de César comme un mal inévitable : rendez-lui son or. Il ne prône par la soumission, mais une acceptation distante qui peut aller jusqu’au au martyre. Il recommande de prier pour César, non pas pour bénir ses armées, mais pour sa conversion ! Il ne pousse pas à la désocialisation ; il ne conseille pas de sortir de la société et, tels les Esséniens, d’aller au désert, mais de constituer des communautés ouvertes, mais obéissant à d’autres règles.


Jacques Ellul fustige la constante fascination des hiérarchies catholiques, protestantes ou orthodoxes, depuis l’empereur Constantin, pour le pouvoir monarchiques, impérial ou républicain. Avouons que lesdits pouvoirs ont tout fait pour domestiquer “leur“ Église nationale. Il ne nie pas la nécessité d’une Église (j’ajouterais voulue par le Christ), car il reconnaît qu’un chrétien isolé est en danger et que le pouvoir dans l’Église doit être d’une autre nature, celle du service, rappelez-vous du Lavement des pieds. Enfin, il admet que les Églises ont, de tous temps, suscité des « anarchistes chrétiens », de Tertullien à Charles de Foucault en passant par François d'Assise. Sacré Jacques !

SBoisse
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le 27 juin 2017

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Step de Boisse

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