Axël
7.8
Axël

livre de Villiers de L'Isle-Adam (1890)

Axël est le deuxième livre de Villiers de l'Isle Adam après Contes Cruels que j'avais par ailleurs beaucoup apprécié. Ce qui m'avait attiré était la mémoire ancienne d'une citation du livre qui m'avait donné beaucoup à réfléchir et qui avait été le point de départ que j'avais écrite pour le plaisir :


"L'homme n'emporte dans la mort que ce qu'il renonça de posséder dans la vie. En vérité, nous ne laissons ici qu'une écorce vide. Ce qui fait la valeur de ce trésor est en nous-même"


Cette citation est d'ailleurs l'idée vers laquelle le récit converge et s'érige en parfaite conclusion de ce que le lecteur a pu "voir" jusqu'alors - et je dis bien "voir" car Axël demeure une pièce de théâtre et l'on ne peut s'empêcher de visualiser la scène dont la mise en scène est assez "moderne", rappelant un peu les récits d'aventure.
Cependant, bien que la mode aime voir des oeuvres engagées dans tous les classiques, à mon avis Axël joue sur une vague de curiosité pour les philosophies orientales et par son aspect un peu "caricatural" essaie d'offrir au regard une autre réalité tout en y mêlant la beauté d'une tragédie aux allures exotiques et pourtant familières.


C'est peut-être là d'ailleurs un des charmes d'Axël, ce contraste entre la désuètude du langage, des attitudes et du mode de vie du héros, et la modernité du style qu'essaie d'ailleurs d'apporter le commandeur à Axël. On y retrouve la saveur et le lustre de la tragédie médiévale sous des atours plus fantaisistes. A ce propos, le style littéraire d'Axël demeure d'un bon niveau avec un vocabulaire soigné et une imagerie symboliste plutôt élégante sans être lourde (comme le peuvent l'être les récits bondés d'appels à la mythologie grecque ou exagérément ampoulés).


Sur le plan stylistique donc, Axël est à mon sens une oeuvre de qualité. Cependant, j'ai trouvé que les Contes Cruels avaient davantage de caractère car on sentait son auteur plus sincèrement impliqué dans les messages qu'il essayait de faire passer avec son style caustique ravageur, son goût pour le clair obscur et sa maîtrise de la progression narrative.
Je ne suis d'ailleurs pas étonné que Villiers de l'Isle Adam voit Axël comme son chef d'oeuvre - on se trompe souvent sur ce point - puisque l'on ressent l’œuvre trop intellectualisée et donc plus lisse.


De fait, le livre est assez inégal, un peu coincé dans une installation de l'intrigue qui n'apporte pas grand chose pour enfin finir par se lâcher un peu à partir de l'arrivée du commandeur pour enfin finir par flamboyer au duel.
Pour autant, on discerne vaguement les rôles possibles de ces premières parties. Un parallèle est dressé entre Sara et Axël, deux "renonciateurs" qui avaient abandonné les richesses terrestres pour se consacrer respectivement au Monde Religieux et au Monde Occulte, ce dernier semblant être inspirée vaguement de Taoïsme (en témoigne la sitation de Lao Tseu) pour se retrouver au cours de "L'épreuve par l'Or et par l'Amour" qui se soldera par une prise de conscience sur le fait que le simple fait de réaliser un rêve conduit à la perdition, la réalité étant bien en deça de ce trésor intérieur qui est celui du monde supérieur.


Cette "dernière" partie (du moins la dernière qui a été écrite avant la mort de l'auteur), d'abord un peu superficielle avec des élans d'amour surannés et sortis de nulle part, se solde par un discours inspirant et très bien écrit d'Axël qui démontre encore une fois le peu d'intérêt du personnage de Sara qui aurait gagné à être mieux travaillé pour ajouter à ce jeu de miroirs inversé (car c'est là la divergence temporaire finale : Sara ne veut pas renoncer à la vie contrairement à Axël).


Ainsi, malgré un fond que l'on sent quand même réfléchi et organisé de façon presque géniale, il semble que Villiers de l'Isle Adam se soit laissé emporter par sa fougue et ait privilégié la forme grandiose et novatrice. A mon avis, cela aurait donné un théâtre musical (mélange de théâtre et de comédie musicale) magnifique mais en tant que livre du coup on a l'impression que le sujet n'est pas traité comme il le devrait.


Je retiens néanmoins d'Axël sa construction en jeu de miroirs inversés et ses moments brillants. L'idée qu'il essaie de faire passer - cristallisée par le citation au début de ma critique - aussi bien par le discours direct que par la figuration (ce vieux Royaume d'Axël, si riche d'Histoire, d'esprit ancestral mais pourtant "pauvre") est transmise de façon claire avec juste assez subtilité pour enrichir l'auditoire de pensées fecondes. Ainsi, malgré un travail peut-être trop intellectualisé (et donc moins fort artistiquement), de larges pans du récit sans grand intérêt et les marottes de Villiers de l'Isle Adam (la fameuse intelligence rejetée par la société), Axël demeure une oeuvre figurative assez originale et solide d'un point de vue littéraire.

Foulcher
7
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le 26 avr. 2016

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Foulcher

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