« Cent ans de solitude » est considéré comme l’un des plus grands romans en langue espagnole jamais publiés, et l’un des livres les plus importants du XXe siècle. L’ouvrage de Gabriel Garcia Marquez bénéficie en outre d’une excellente presse – en particulier sur SensCritique –, autant de facteurs alléchants promettant une lecture passionnante.


« Cent ans de solitude » conte l’histoire d’une famille colombienne, les Buendia, sur sept générations entre le XIXe et la moitié du XXe siècle. Tout commence avec un couple de pionniers, José Arcadio Buendia et son épouse Ursula, qui fondent le petit village de Macondo. Hameau minable et isolé, le village se développe peu à peu, recevant les avancées technologiques du reste du monde grâce aux visites occasionnels des gitans de Melquiades.


L’intérêt principal du roman réside à mes yeux dans la façon qu’a Gabriel Garcia Marquez de retranscrire les mémoires des Buendia. Suivant une trame généralement chronologique, mais annonçant parfois certains évènements avant de décrire leur déroulement, l’auteur s’ingénie à conter la vie des personnages par le biais d’épisodes marquants de leur vie. Aucun repère temporel n’est donné, le passage des années se devine à l’aide de l’avancement technologique de Macondo et le changement de priorités des protagonistes.


Le style est assez viscéral, très détaché. Les Buendia vivent, baisent et meurent sous la plume de Gabriel Garcia Marquez avec la même indifférence. Toutefois, le texte possède une force incontestable, qui tient le lecteur en haleine et l’intéresse au destin de cette étrange lignée. Le réalisme du roman se teinte d’une pensée d’onirisme et de bribes de fantastique qui confèrent finalement à l’ensemble une sorte de poésie mélancolique. Ne maîtrisant pas l’espagnol, j’ai dû me contenter de la traduction française, mais, compte tenu de la puissance de celle-ci, je n’ai aucun doute que l’original atteint un niveau de qualité exceptionnel.


J’ai malgré tout, quelques reproches à formuler au roman. Si l’idée de base est intéressante et originale, le manque de personnages tout à fait attachants rend parfois le livre difficile à suivre ou à réellement apprécier. Bien sûr, quelques figures récurrentes bénéficient de plus d’attention de la part de l’auteur (Ursula, le colonel Aureliano Buendia, Fernanda) et forment des piliers de la famille que l’on retrouve avec plaisir. La plupart des autres membres de la dynastie se résument à quelques traits de caractère principaux et ne suscitent souvent qu’une indifférence polie. La récurrence des prénoms (José Arcadio, Aureliano), en outre, n’aide vraiment pas à l’identification…
Enfin, le roman me paraît souffrir d’une longueur excessive. Les deux dernières générations ne sont pas franchement passionnantes, et il aurait mieux valu en finir avec Macondo et les Buendia avec la disparition de celle qui fut à la fois l’ossature et le cerveau de la famille : Ursula. Tout ce qui vient après n’est que remplissage.


Si je ne suis pas convaincu par les avis dithyrambiques et les éloges lyriques que reçoit le roman, « Cent ans de solitude » s’impose néanmoins comme un texte fondé sur une idée de départ passionnante, menée de bout en bout avec beaucoup de sérieux et de maîtrise. Et, en ce sens, si je ne suis personnellement pas forcément client, je comprends tout à fait qu’on le soit.

Aramis
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le 12 févr. 2017

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