A la lecture de ce recueil de nouvelles majoritairement rédigées à la première personne, l’ambition de l’autrice semble s’afficher clairement : peindre la violence sexiste qui s’exerce au Mexique, pays dans lequel ont lieu 7 féminicides chaque jour. Les héroïnes des nouvelles, dont les chemins s'entrecroisent malgré l’indépendance apparente de chaque récit, nous permettent d’accéder à différents angles de vue sur le réel, tantôt à travers les yeux d’une héritière de cartel, d’une travailleuse du sexe transgenre, d’une garde du corps hautement entraînée à la violence… Tous ces textes ont en commun de narrer la violence infligée aux femmes par les hommes, et ce peu importe leur statut social, ce qui atteste que la violence se situe à l’intérieur comme à l’extérieur du foyer, et dans toutes les classes sociales. On reconnaîtra le schéma de la feminine revenge dans plusieurs textes, qui tendent à construire des personnages féminins agissants, et s’emparant de la violence pour la retourner contre l’agresseur masculin.
Trois nouvelles sont à mon sens particulièrement touchantes : la première “Persil et Coca-Cola”, qui narre un avortement solitaire dans des conditions précaires, ainsi que “Paillettes”, qui nous confronte au vécu difficile d’une femmes transgenre, et “La Huesera”, qui clôt le recueil en explorant la douleur infligée aux femmes proches de celles qui disparaissent, englouties par la violence systémique des hommes.
Cependant, la lecture de cet ensemble de textes fait émettre quelques réserves : le contexte de la violence lié au narcotrafic est représenté mais à mon sens pas assez investigué, il en est de même pour l’importance de la chirurgie esthétique dans la construction de plusieurs personnages. Le fait de représenter des femmes violentes, comme La China dont la violence est le métier, peut tendre à une interprétation féministe libérale de la violence, qu’il suffirait de retourner contre les hommes pour rétablir l’égalité, alors qu’il convient également de faire s’effondrer les normes de genre sur lesquelles repose la domination masculine.
A mon sens, il aurait fallu un roman pour développer un propos plus construit sur ces thématiques, qui sous-tendent les intrigues des différentes nouvelles. Le livre de Dahlia de la Cerda présente donc un intérêt évident, mais manque de profondeur et gagnerait à développer ses protagonistes, dont plusieurs sont attachantes malgré le peu de mots qui leur sont accordés.
6.5/10