SensCritique a changé. On vous dit tout ici.

"Le handicap habituel des écrivains tchèques est de se prendre trop au sérieux." Manifestement, ce n'est pas le cas de Patrik Ourednik, qui publie toujours dans sa langue d'origine alors qu'il vit depuis longtemps en France. "J'écris sur la bêtise tchèque parce qu'elle m'est plus compréhensible que d'autres', se justifie t-il. La bêtise, la grandiloquence des abrutis, Ourednik l'attrape au vol dans les dialogues virtuoses et hilarants de Classé sans suite, un polar biaisé qui ne mène nulle part, parce que son auteur en a décidé ainsi. Ecrire sur rien, c'est l'une de ses ambitions mais, osons le contredire, il y a beaucoup plus dans ce rien que dans bien des romans remplis jusqu'à la gueule de péripéties en tous genres. L'écrivain se moque de tout avec une belle santé, du peuple tchèque, de l'Europe qui méprise son petit pays et enfin, et surtout, aux romans traditionnels, qui font croire au gogo lecteur que la vérité se trouve dans leurs pages plus que dans le monde réel. Le lecteur, justement, est l'une des cibles d'Ourednik, quand il l'apostrophe au coeur de Classé sans suite. Il lui dit en substance que s'il ne comprend rien à son livre c'est parce que 1, l'auteur (c'est à dire lui) est un idiot ; 2, le lecteur est un imbécile. C'est du 50/50. Voilà, c'est cela, Classé sans suite, un jeu littéraire, un petit monument d'insolence tapi sous plusieurs couches d'intrigues, avec des personnages on ne peut plus incarnés, bien qu'énigmatiques, dans une Prague à moitié imaginaire. Céder aux maléfices de ce livre manipulateur est pur délice. On en redemande et la postface, signée d'un certain Jean Montenot, en donnant quelques clés avec malice, sans pour autant en dire trop, ajoute encore au bonheur de lecture. Au passage, un grand coup de chapeau à la traductrice, qui fait des merveilles, et à l'éditeur, qui vend l'ouvrage moins de dix euros. Ce n'est pas cher pour un bijou pareil.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Créée

le 9 févr. 2017

Critique lue 152 fois

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 152 fois

1

D'autres avis sur Classé sans suite

Classé sans suite

Classé sans suite

le 11 sept. 2013

Imbécile

Flaubert, le vrai, tenait à ce que « le lecteur ne sache jamais si on se fout de lui ou non » (correspondance, citée de mémoire). Ourednik, genre de Flaubert tchèque à l'ère du web, prend ouvertement...

Classé sans suite

Classé sans suite

le 20 juil. 2015

Les vieux

Ayant vraiment beaucoup apprécié « Europeana », opuscule drôle méchant et assez brillant de Patrick Ourednik, je me suis lancé dans la lecture de sa production disponible en français, ma maitrise du...

Classé sans suite

Classé sans suite

le 27 juin 2013

Critique de Classé sans suite par rhumbs

Sur la première page, le diagramme d'une partie d'échec. Suivent quelques chapitres qui semblent mettre en place un roman policier sympathique, avec deux principaux protagonistes : un vieux...

Du même critique

Anatomie d'une chute

Anatomie d'une chute

le 28 mai 2023

Procès d'intentions

Depuis quelques années, le cinéma français, et plus particulièrement ses réalisatrices, trustent les lauriers dans les plus grands festivals. Au tour de Justine Triet d'être palmée à Cannes avec...

France

France

le 25 août 2021

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

The Power of the Dog

The Power of the Dog

le 25 sept. 2021

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...