A la recherche du temps perdu

Aucune science n'est plus difficile que celle de la vie.

Ce texte de Sénèque sous forme de lettre à Paulinus aborde ce que généralement l’être humain déplore : la vie serait-elle trop courte ? Il va tenter de démontrer que non : si la vie parait trop courte c'est que notre temps est mal employé.

En fin de vie, et même avant, nous demandons généralement au Temps quelques prolongations et finissons par mourir pleins d'effrois, pas moyen d'y couper - "ils (vous, moi) ne sortent pas de la vie ils en sont arrachés, ils s’écrient qu'ils ont été insensés de n'avoir point vécu". Bien vu.

Mais la vie n’est pas trop courte, détrompez vous. Si elle nous le semble, c’est que nous sommes mal ou trop occupés - « un homme trop occupé ne peut rien faire de bien : il ne peut cultiver ni l’éloquence ni les arts libéraux ; un esprit tiraillé, distrait n'approfondit rien ; l'homme occupé ne songe à rien moins qu’à vivre : cependant aucune science n'est plus difficile que celle de la vie."

Vous voilà prévenus : vivre vrai n'est pas faire la fête, partir en vacance, picoler, faire du sport, lire des ouvrages truffés de "mensonges, de fictions et de légendes". Ce n'est pas non plus apprendre à chanter, ce n’est pas travailler, gagner de l'argent ou aller le dépenser chez son coiffeur; ce n'est surtout pas chercher à sans cesse substituer de nouvelles occupations aux anciennes.

Et ce n’est pas non plus prendre soin d’autrui, puisqu’autrui est source d’emmerdes infinies. Pas de pitié.

Vivre c'est avoir l'esprit paisible et calme, c'est être le moins affairé possible, c'est savoir limiter son travail, ses études, ses ambitions, ses passions, ses amours (et un sourire béat apparaît sur le visage des procrastinateurs). Vivre c'est se consacrer à l'étude de la sagesse, avec Socrate, Carneade, Epicure, les stoïciens.. pour l'ultime jouissance. Nous y voilà (là, on rigole moins).

C'est dont logiquement que Sénèque conseille à son Paulinus d'abandonner toutes charges publiques (et à nous lecteur d'aujourd'hui d'arrêter de travailler, d'étudier..) s’il veut jouir pleinement d’une vie qui n’est en rien trop courte.

On l’aura compris, si vous ne disposez pas d'un patrimoine confortable, du revenu universel, ou, comme Paulinus, d’une ribambelle d’esclaves, les conseils de Sénèque risquent de s’avérer compliqués à mettre en oeuvre.

A lire et relire néanmoins, on pourrait y trouver un chemin de vie, outre une lecture vraiment très agréable.

"Combien est courte et agitée la vie de ceux qui oublient le passé, négligent le présent, craignent pour l'avenir."