En demandant à un ami de me prêter ce livre (ce qui arrive rarement), je savais déjà qu'il me laisserait un goût particulier. Parce que c'est un 10/18, parce que la quatrième de couverture donne une ambiance et des noms, parce que l'ami dont je parle trois lignes plus haut l'a aimé.

Un goût particulier donc. Un goût de sable triste.

Car ce roman, c'est une perle ! Déjà, rien que pour son style qui joue le laisser aller, il faut le lire. L'auteur ou John Fante ou le narrateur ou Arturo Bandini – bref – il vit dans une chambre d'hôtel à Los Angeles. Il est venu y chercher l'inspiration pour écrire la nouvelle du siècle et faire fortune. Ce narrateur joue, écrit comme il pense, comme il parle. Il n'arrête pas de se morigéner tout seul, il alterne : première personne, deuxième personne. Il s'enfonce dans sa misère, n'arrive pas à écrire quelque chose de valable... Et quand enfin il y arrive, il claque son argent comme s'il était riche et entre dans un cercle vicieux. Mais malgré tout, John Fante nous donne à lire quelque chose de très frais parce que le ton est léger. Léger mais pas simple. Car Bandini nous livre son rêve de gloire incessant qui enveloppe tout le roman, parce qu'il change délicieusement d'avis toutes les cinq pages, parce qu'il est humain, quoi ! La haine et la frustration qui émane de lui sont autant de trésors pour le lecteur.

Alors, le sable, c'est Los Angeles, la chaleur et l'espoir qu'Arturo Bandini est venu chercher en quittant le Colorado. C'est l'ivresse de la gloire proche mais si lointaine. Le triste, c'est l'univers miteux dans lequel il vit, c'est les oranges parce que c'est ce qui coûte le moins cher, c'est les humiliations à répétition. Et le sable triste, c'est Camilla. Camilla, serveuse au Colombia Buffet, mexicaine et honteuse de l'être, magnifique dans sa blouse blanche de travail, sauvage, moqueuse et colérique. Non, le sable triste, c'est la passion d'Arturo pour Camilla. Qui la cherche, qui la trouve, qui lui fait du mal, qui l'attend, qui l'envoie chier, qui la cherche, qui s'en prend plein la gueule, qui l'attend, qui la retrouve... Camilla, c'est son amour et elle traverse le roman de long et large. Mais le roman, c'est pas un roman d'amour.

J'ai haï les personnages comme je les ai aimés deux pages plus loin. Je ne saurais dire si c'est l'énergie de la plume ou la force des métaphores qui m'ont emportée. Mais je crois bien que c'est tout à la fois.

Morgouille
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 févr. 2011

Critique lue 989 fois

7 j'aime

2 commentaires

Morgouille

Écrit par

Critique lue 989 fois

7
2

D'autres avis sur Demande à la poussière

Demande à la poussière
SanFelice
9

"for dust thou art, and unto dust shalt thou return"

Demande à la poussière fait partie de cette catégorie parmi les plus passionnantes de la littérature américaine (littérature américaine déjà formidable par elle-même), celle qui est consacrée aux...

le 15 juil. 2015

45 j'aime

7

Demande à la poussière
About
8

Critique de Demande à la poussière par About

Fantasmer sur ses perspectives d'écrivain, c'est l'apanage de tous les scribouillards. Mais personne ne le fait comme Fante. « Arturo Bandini, romancier. Gagne largement sa vie en écrivant des...

le 7 juil. 2012

40 j'aime

8

Demande à la poussière
Pravda
9

Fante astique la poussière...

(Je suis vraiment désolée pour le titre, j'ai adoré ce livre, énorme respect et tout, mais justement, tout ce qui va suivre me semblait presque trop sérieux) Demande à la poussière c’est surement...

le 7 mars 2013

33 j'aime

17

Du même critique

Les Hauts de Hurle-Vent
Morgouille
10

Critique de Les Hauts de Hurle-Vent par Morgouille

C'est dans la vieille édition de 1969 de ma grand-mère que j'ai tenté l'aventure. Une lecture qui m'a emmenée très loin... Moi qui suis très casanière, je n'ai pas de mots pour vous dire mon bonheur...

le 15 févr. 2011

7 j'aime

1

Naissance d'un pont
Morgouille
4

Trop de mots...

Et pourtant... Pourtant j'aime la poésie, j'aime les mots placés où on ne les attend pas, les codes cassés, les idées originales, l'ambition téméraire, le contre-emploi. Pourtant je ne peux pas dire...

le 15 févr. 2011

4 j'aime

1

Le Tireur
Morgouille
8

Critique de Le Tireur par Morgouille

Janvier 1901. El Paso, une ville du Texas en pleine expansion, voit débarquer sur son cheval un homme souffrant le martyr, épuisé après un voyage de très longue haleine. Après s’être installé dans...

le 27 janv. 2013

2 j'aime