Et si l'amour durait par Qüentito

A.Finkielkraut rassemble plusieurs analyses de fictions d'amour. Il est intéressant de noter que chaque analyse met en lumière plusieurs problématiques du couple amoureux, et que ces problématiques se font écho d'un texte à l'autre.

1. La princesse de Clève : M. et de Mme de Clèves n'éprouvent pas les mêmes incliantions dans leur union : le premier est amoureux de la seconde, qui ne l'est pas, mais se conduit néanmoins avec bienveillence et admiration pour lui. Elle tombe amouseuse de M. de Nemours, mais ne peut épouser ses charmes par respect pour son mari. Elle décide alors d'avouer à ce dernier son amour interdit "pour apporter la paix et la lumière" dans leur couple, mais cela aura l'effet inverse : le secret, trop fort pour ne pas être partgé, finit par se répandre et ruine la réputation du couple. Cette décision était d'ailleurs perçue comme invraisemblable à l'époque car fragilisant l'institution du mariage. Si adultère il y a, il faut rester suffisamment fort pour ne pas le révéler, à l'encontre du risque d'être déchu par la société qui protège son institution fondatrice. Deuxième épisode controversé dans le roman : malgré la mort de son mari, la Princesse refuse de s'offrir à M. de Nemours, à nouveau sous pretexte du respect de son mari (qui à sa mort lui avait pourtant permis leur union !). Certains analystes y voient une forme de "sado-masochisme exquis" : la jouissance plus forte par le refus de la jouissance.

2. Les Meilleures Intentions (I.Bergman) : Ici l'auteur analyse l'aspect perfomatif des mots à travers l'histoire d'Henrik et Anna. En effet, dire "Je t'aime", c'est à la fois déclarer son amour présent, mais aussi s'engager dans un amour durable, qui devrait être éternel. Cela rend l'expression paradoxalement plus difficile à prononcer à la personne aimée qu'à un membre de la famille (pour qui cette sentence devrait être toujours vraie ?). D'autre part, les mots cristallisent la dés-insouciance de l'amour initial : lors des disputes, il arrive qu'on s'envoie nos quatre vérités, qui ne peuvent plus être raturées une fois écriées. Le retour en arrière est impossible une fois les mots prononcés. Cela peut créer une blessure incurable dans le couple. Pourtant, ces disputes n'empêchent pas toujours au couple de se réconcilier, même étant conscient des obstacles ? Peut-être est-ce par ce que ces mots révèlent des écarts d'idéaux (imprononçables) entre les deux amoureux : Henrik rêve d'un mariage romantique et intime tandis qu'Anna désire un mariage grandiose fêté, partagé et reconnu ! Ce sont des symboles exprimant des visions divergentes de la vie amoureuse. Le pardon permet de réconforter les deux être, et de dépasser leurs différends. D'autre part, la vérité est une fois encore un enjeu fondamental dans le couple : mais l'auteur défend une position à l'inverse de l'opinion classique : dans certain cas, il peut être préférable de "mentir par humanité" pour épargner des souffrance à l'autre, de même qu'un excès de recherche de vérité peut être considéré comme une forme de voyeurisme ou de vandalisme.