Au moment où s'ouvre aux Etats-Unis un « Alcatraz des Alligators », un centre de détention pour migrants implanté au coeur des hostiles marécages des Everglades en Floride, le dernier roman de R.J. Ellory fait d’autant plus frémir le lecteur. Lui aussi construit dans cette zone comme une île cernée par les prédateurs naturels, son pénitencier fictif, quant à lui réservé aux pires criminels, lui fait peser la question de la peine de mort dans une ambiance oppressante et explosive.
Contraint par les séquelles d’une grave blessure par balle à quitter ses fonctions de shérif adjoint du comté de DeSotto, Garett Nelson accepte comme un pis-aller un poste de gardien à la prison de Southern State. A mesure qu’il découvre l’univers carcéral, son organisation mais aussi ses règles tacites, ses réalités sordides et son atmosphère enragée, il lui semble bien vite se retrouver lui aussi enfermé dans ce qui ressemble à une cocotte-minute. Pourtant, le pire reste à venir quand il est nommé au bloc de haute sécurité, là où depuis que la peine de mort a été rétablie l’année précédente, en 1976, la chaise électrique et ses longues antichambres ont repris du service.
Pendant que la confrontation aux plus redoutables détenus et à leurs effroyables crimes commence à saper sa confiance en l’être humain et à lui faire voir le monde en noir, Nelson se prend à douter aussi bien de lui-même que des méthodes et du système pénitentiaires. Surtout quand il faut pactiser avec les fauves pour maintenir tant bien que mal la prison en-dessous du point d’ébullition, que, malgré tout, un suicide douteux y succède à une insurrection et à une évasion improbable venant renforcer les pressions politiques, qu’il faut mener à bien sans faiblir les spectaculaires et horrifiques exécutions par électrocution et que l’ancien enquêteur qu’il est se met à suspecter une erreur judiciaire.
Avec son sens du suspense, ses personnages et situations campés au millimètre et ses dialogues plus vrais que nature, ce thriller noir embarque le lecteur dans un cheminement narratif addictif, mais surtout, impressionnant de vérité, chaque détail du niveau d’un reportage précis et documenté, le tout pour une réflexion argumentée et sensible sur la peine de mort au travers d’un homme qui, placé du côté de la loi, mais tiraillé entre morales sociale et personnelle, se prend à reconsidérer dubitativement ce qu’il est censé appliquer.
Beaucoup d’humanité donc, dans cet excellent polar social dont la franche noirceur se retrouve éclairée par les scrupules de personnages, pourtant ordinaires, mais capables, à leur échelle et malgré leurs incertitudes, de refuser les iniquités de la société.
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