Dans ce drame en quatre actes qu'on désespérait de retrouver, tous les personnages sont pervertis, les unes par le pouvoir et l'envie, les autres par une marginalité condamnée par la morale. Pourtant, les personnages échouent, du moins en partie et parfois complétement, dans leurs desseins, sauf peut-être Aéginus qui incarne jusqu'au bout sa volonté et sa conception du sublime et de la vie.
[...] moi, Varius Héliogabale, qui t'ai choisi pour m'aider à détruire le monde, j'attends de toi l'amitié dans l'abjection.
Puisqu'on apprend par l'augure la mort d'Héliogabale dès le début, c'est à chaque instant qu'on s'attend à ce que le crime se réalise, et le drame en devient presque une comédie puisque la pièce reste très drôle par moments. Toutefois, l'humour côtoie également le tragique, le bas le haut, et surtout l'abjection le sublime, et tout cela dans une pièce à la structure relativement classique malgré des éléments modernes qu'ils soient scéniques (Acte IV) ou langagiers.
Héliogabale lutte pour se délivrer de l'emprise familiale et du système social à la fois mensongers, intéressés et violents. Au fond, sous son air de corruption morale et de son ton parfois caustique, l'empereur malgré lui veut juste être humain et souhaite de même pour chacun et chacune. Ce dernier aspect aurait gagné à être beaucoup plus fouillé puisqu'on s'attend à beaucoup plus d'illustrations de cette déchéance bien connue de cet empereur (enfin lorsqu'on connaît son existence).
Qu'est-ce-qui te gêne ? Enfin, Aéginus, ne recule pas. Il faut que nous franchissons l'abject afin de nous retrouver seuls dans notre désespoir. Nous serons plus forts que le monde puisque nous habiterons l'immonde.
J'ai beaucoup aimé cette pièce mais elle aurait gagné à aller plus loin la déchéance dans le comportement de l'empereur. J'imagine que c'est toutefois une bonne porte d'entrée dans le théâtre de Genet où on retrouve des éléments clefs de sa poétique.