C’est toujours un peu impressionnant de se lancer dans un roman aussi culte que L’Etranger. Comme mes profs de Français l’ont visiblement toujours boudé, il a fallu attendre que le lycée soit loin pour moi, pour me lancer dedans. Et la première chose qui m’a sauté aux yeux à la lecture de cette courte histoire, est son style à la fois très percutant et très simpliste. Les pages défilaient, et j’avais vraiment l’impression de lire une prose à la fois froide et basique, qui ne me semblait clairement pas correspondre aux exigences demandées à un prix Nobel de littérature.
Par dessus cela, se rajoute l’étrange personnage principal. On se rend assez vite compte que quelque chose cloche chez lui. Sa mère meurt, il ne réagit pas. Sa copine le demande en mariage, il lui répond “OK vu”. Son voisin ultra-violent tabasse une pauvre fille, pas de problèmes pour lui. Sa vie quotidienne particulièrement ennuyante (aussi bien pour lui que pour le lecteur), lui glisse dessus et n’apporte que peu de rebondissements. Les chapitres s’enchainent donc, et le lecteur doit donc composer avec ce style relativement pauvre, et ce héros tout sauf vivant ou attachant.
Arrive alors l’évènement qui fait tout basculer et surtout la deuxième partie de l’histoire qui vient expliciter toute la première. On comprend alors que cette première moitié ennuyante faite d’évènements et de rencontres anodines en apparence, n’était là que pour servir de tremplin pour une suite bien plus dynamique. Au début de cette deuxième partie, Meursault avoue ainsi lui-même que ses besoins physiques prennent le pas sur ses sentiments, permettant ainsi au lecteur de mieux comprendre ses réactions. Mais c’est là un des gros griefs de L’Etranger selon moi.
On ne croit jamais à ce personnage de Meursault. Malgré l’explication de son absence de sentiments, il paraît de fait assez invraisemblable, et semble plus représenter une sorte de marionnette pour faire passer des idées philosophiques plutôt qu'un personnage bien réel. L’explication de la chaleur suffocante et du soleil écrasant, pour expliquer son geste paraît beaucoup trop grosse et ubuesque pour en faire une base solide pour la suite de l’histoire.
L’autre grand souci de L’Etranger selon moi est le flou de son message. On sent bien qu’Albert Camus essaie de critiquer une société conformiste, une justice aveugle et quelque peu injuste, et in fine de faire sortir une certaine forme d’humanisme, en nous faisant prendre en pitié le personnage de Meursault. Or, les véritables victimes de l’histoire, à savoir l’Arabe tué et sa sœur tabassée par l’ami de Meursault, sont complètement éludés de l’histoire. Ceux-ci n’auront jamais le luxe d’être désigné par un nom, voire ne serait-ce que par leur nationalité. Ils ne sont que de vagues prétextes pour l’histoire et n’auront jamais voix au chapitre. Difficile dès lors, de s’émouvoir de la situation de Meursault, et ne pas voir une certaine forme de racisme pour l’époque ? Ou à l’inverse, Camus tente t-il de dénoncer un certain racisme ambiant quand tous les magistrats s’attachent au manque d’émotion de Meursault au décès de sa mère plutôt qu’au meurtre d’un Arabe en lui-même. J’avoue rester dans le flou à ce sujet.
Pourtant, L’étranger n’est pas complètement dénué d’intérêt. Les derniers chapitres laissent éclater un discours sur l’absurdité de l’existence assez intéressant. Dans un discours à la fois nihiliste et fataliste, d’une tristesse sans nom, Meursault confesse que sa date de mort lui importe peu, puisque la mort arrivera dans tous les cas à un moment donné. Si le discours général de L’Etranger n’est pas simple à appréhender, on sent qu’il cache tout de même une certaine profondeur.
Au final, je crois que je retiendrai un livre certes astucieux par sa construction, mais d’une froideur sans nom, trop mécanique et clinique pour vraiment faire ressentir quelque chose malgré une profondeur philosophique indéniable.