Attention, spoilers implicites (je ne dis pas la fin mais je pense que vous l'aurez tous devinée)
The Awakening est un roman ostensiblement féministe. Je ne m'étendrai pas des heures sur cette critique, pour vous démontrer en quoi - mais c'est très simple à remarquer, car l'oeuvre abonde de citations phares illustrant le mal-être d'Edna Pontellier, l'héroïne, dans sa vie d'épouse et de mère - vie qui ne lui convient pas, et de laquelle elle fuit peu à peu, pour trouver finalement sa liberté et son épanouissement personnel dans l'amour pour l'homme qui l'a séduite, Robert Lebrun. Il y a donc des éléments extrêmement modernes et intéressants - le livre ne fut pas censuré pour immoralité sans raison ; cependant, il m'a semblé que l'on tournait assez rapidement un peu en rond dans ce roman, qui devient assez vite lassant pour son évident manque d'action - au sens où, si le processus de prise de conscience d'Edna et de ses conséquences concrètes est bien décrit, il ne se passe pas grand-chose, car Edna adopte une attitude passive, au sens où elle n'est jamais vraiment heureuse, et ne prend pas vraiment les choses en main. Elle attend, et à la fin, dépitée, elle je-ne-vous-dirai-pas-quoi-pour-ne-pas-vous-spoiler, mais elle ne se pousse pas à l'action et demeure dans une attitude de bravade et d'irresponsabilité (sans connotation péjorative, c'est simplement un fait) qui fait que l'on a envie de la secouer et de lui crier "MAIS NOM D'UN PETIT BONHOMME ARRETE DE GEMIR ET FAIS QUELQUE CHOSE DE TA VIE TU VOIS BIEN QUE C'EST PAS EN ATTENDANT TON BOYFRIEND ET EN FUYANT TA FAMILLE QUE TU VAS ALLER MIEUX VA LE REJOINDRE AU PIRE ENFIN JE SAIS PAS MAIS C'EST NUL LA FRANCHEMENT". (Pardon pour les majuscules.) Elle reste toujours entre deux solutions et ne prend pas d'initiative. Bien sûr, c'est un choix scénaristique, mais il en résulte qu'on ne peut pas vraiment apprécier Edna, qui agit parfois de manière douteuse, et qui la plupart du temps soit se laisse faire, soit fuit pour ne pas affronter les choses en face. De plus, autre élément montrant l'incomplétude de son émancipation, et qui m'a un peu gênée : le refuge dans l'amour. Comme si une femme, en prenant ses distances avec le modèle familial conventionnel qu'on veut lui imposer, n'avait d'autre choix que de se diriger vers l'amour pour être heureuse, et de dépendre (certes de manière libre et consentie) d'un homme, sans quoi elle se non-j'ai-dit-que-je-ne-dirais-rien. Bien sûr, on est à l'aube du XXe siècle, n'allons pas trop vite en besogne. Mais sortir d'un carcan pour retomber avec bonheur dans un autre, qui en plus ne parvient pas à la combler puisque son mec (avec qui il ne s'est rien passé) part au Mexique, revient, et repart pour toujours, je trouve ça dommage. Je ne peux pas cautionner cette focalisation sur le sentiment amoureux, comme si c'était la seule solution pour une femme de gagner sa liberté. C'est infiniment réducteur, et conventionnel. Donc de la modernité, certes, mais aussi un peu de stagnation, sur le plan des idées comme sur le plan de l'action dans le livre. Finalement, il y a quelques points communs avec Madame Bovary - sauf que dans Madame Bovary, tout est ironique et remise en question. Pas ici.
Outre ces petites choses qui me font faire la moue, The Awakening demeure un roman très intéressant, précurseur et compréhensible. On n'est pas obligé de se dire qu'Edna incarne toutes les femmes. Après tout, sur le plan humain et individuel, sa vie est tout ce qu'il y a de plus normal - une fuite en avant qui échoue. Et c'est sûrement en cela que le livre est une réussite : il n'est pas tout blanc, ou tout noir. On voit une femme, une simple femme, qui réalise la vanité de ses désirs, et qui demeure inactive, malheureuse, et seule. Une femme qui a un mari, veut prendre un amant, mais qui n'y parvient pas et en est tragiquement désespérée.