Je sais pas trop quoi en penser. Ça se lit vite mais c'est pas renversant. Ça a tous les atours d'un pamphlet mais la dimension historique est clairement négligée, même si des allusions à des événements contemporains aux Etats-Unis, en Argentine ou en France, par exemple, tissent des parallèles de luttes entre insurgés français et étrangers. Les choses sont souvent dites sans trop de discernement, on juge les émeutes des banlieues de 2005 comme des incendies quasi-révolutionnaires alors qu'il est certainement difficile et trompeur de ne retenir qu'une motivation une et unique pour qualifier tout un mouvement disparate. C'est sûr ça simplifie la tâche mais ça donne le sentiment d'un manque de rigueur.


La première partie assez pessimiste et empreinte de mauvaise foi [l'exagération à la limite du grotesque est fréquente] fait plaisir car elle fait le constat d'une société [civilisation ?] malade [consommation d'antidépresseurs et compagnie], où tout ou presque semble faux et le mensonge y est roi. L'accent est mis sur le rôle de presse-peuple de la police, et sur la volonté de contrôle des pouvoirs étatique et économique [normes industrielles, fichage généralisé, désorganisation des luttes...].


Le fait de reprendre les termes comme "société" ou "ville" dans leur dimension sociologique pour en tracer les limites idéologiques est intéressant. Après ne plus les employer à dessein au profit de termes comme "métropole" ou tout autre synonyme relève un peu de la préciosité... Sachant que le Comité insiste pas mal sur la désertion des campagnes [qualifiées à peu de choses près de "mortes"] au profit des villes où les gens s'entassent pour y entasser de la caillasse.


Les mauvaises langues (qui profitent bien du système actuel par leur situation personnelle ou par héritage familial, ou bien encore parce qu'ils se contentent de leur "mauvais confort") diront [et disent déjà] peu ou prou qu'il s'agit d'une idéologie de losers, qui ne se donnent pas les moyens de réussir ["va bosser (tes cours) feignant !"], d'une école de la lose, faite de combines et de manœuvres à la limite de la légalité voire illégales. Et ils n'auraient pas vraiment tort, puisque le Comité donne quelques solutions pour vivre sur le dos de l'État [façon d'parler] : fraudes, RMI, arnaques... Comme les cols plus blancs que blanc [leurs cousins maléfiques, mais dans leur bon Droit] s'arrangent entre eux avec leurs conseillers juridiques pour contourner les lois de tous les pays qu'ils colonisent [c'est ça être un citoyen du monde]. Mais bon là il s'agit bien de système D (comme "démerde") publié dans un petit livre qui au final ne paye pas de mine et surtout ne se paye pas les services de juristes payés grassement pour réaliser de l'"optimisation" fiscale et de la fumisterie verbeuse et assommante pour asseoir leur autorité sur la plèbe mal instruite et mal-pensante.


Restent donc les gens de la classe moyenne et de la petite bourgeoisie, mal perçus car amorphes, le "ventre mou" [expression perso, "gélatine sociale" est employé] de la société française, à la limite de la schizophrénie ["hystérie" est employé, très exactement], selon les dires des auteurs. Ça fait beaucoup de monde quand on y réfléchit ! Mais là encore pas de tangible, c'est du pifomètre, malheureusement.


L'idée de la lutte armée pacifiste est un peu douteuse, puisque le postulat est de s'équiper en armes, mais sans les utiliser ou alors en dernier recours. L'American way of life quoi, sans les bottes et le chapeau de cowboy. L'idée de faire une brèche dans les prisons sans nuancer les composantes de leur population est aussi un peu con, sachant la variété des chefs d'inculpation, qui ne sont évidemment pas que politiques [à moins de considérer que tout est politique, même le meurtre de Jacky sur tonton Doudou parce qu'il a baisé sa femme Jacqueline]. Ça apporte juste de l'eau au moulin de ceux qui pensent que l'anarchie c'est le bordel et les v(i)oleurs à tous les coins de rue ; car il n'est pas explicité que la prison n'est pas un bon moyen de "réhabiliter" les citoyens [un chien battu continuera à mordre] en vue de leur réinsertion, ni que des solutions alternatives peuvent exister en-dehors de la prison "classique". Mais bon là encore on peut argumenter que leur objectif n'est pas la réforme et que toute solution adaptative n'a pas lieu d'être puisque l'objectif est la "destruction créatrice" [citation personnelle ; comme ça se pratique dans l'économie libérale, mais là ce serait à des fins jugées émancipatrices].


Par contre je vois pas où certains y voient du communisme, le Comité s'opposant clairement à toute dimension étatique, au profit de la commune, certes, mais commune n'équivaut pas à communisme, en tout cas pas selon le sens d'État tout-puissant qu'on donne habituellement au terme. D'ailleurs la signification du terme "commune" est bien explicité en ce qu'elle sous-tend de petite communauté [notion très importante apparemment] organisée autour de liens réels et non "argentés" [médiatisés par l'argent, qui contraint les gens à aller contre leurs principes pour "gagner leur vie"].

Créée

le 22 mars 2018

Critique lue 391 fois

2 commentaires

Adrast

Écrit par

Critique lue 391 fois

2

D'autres avis sur L'Insurrection qui vient

L'Insurrection qui vient
CorwinD
7

J'attends encore

Titre polémique (ou enthousiasmant c’est selon), auteurs anonymes, édition de gauchistes brillants, le petit opuscule « l’insurrection qui vient » du Comité invisible est un objet politique et...

le 22 janv. 2015

7 j'aime

1

L'Insurrection qui vient
Ashtaka
1

Dis Papa, on peut faire la Révolution ?

Ce n'est même pas original. Comme leurs ainés avant eux, on a une bande de jeunes gauchistes qui voient le monde à travers leur nombril et fantasment sur la révolution qui doit changer ce monde de...

le 24 juin 2015

4 j'aime

2

L'Insurrection qui vient
herminien
3

Lyrisme, je dis ton non

Lorsque j'ai lu l'insurrection qui vient, un peu avant la vingtaine, j'en ai été tout à fait ébloui et (re)vigoré. Une révolution (en l’occurrence une insurrection) non-violente dans son premier...

le 24 nov. 2021

1 j'aime

Du même critique

Comprendre l'empire
Adrast
6

Comprendre 1/10ème de l'empire

Avec un titre aussi prétentieux, accolé au sulfureux nom d'Alain Soral, il est facile de frémir, de se dire "merde, lire un truc de facho c'est déjà être un peu facho". Et puis on se dit que ce...

le 17 mai 2013

24 j'aime

5

Persepolis
Adrast
4

Court d'Histoire, long de clichés.

Je partais avec un a priori négatif. Après quelques minutes, j'ai révisé mon jugement pour apprécier l'univers pas si niais et rondouillard que j'imaginais. Puis je me suis ravisé. Tout au contraire,...

le 27 mars 2011

24 j'aime

13

Samurai Champloo
Adrast
5

Douche froide.

D'emblée, Samurai Champloo se laisse regarder en se disant qu'on voit un énième manga détroussé de son scénario, foutu aux oubliettes avec son cousin l'originalité. L'absence d'intrigue est ce qui...

le 23 févr. 2011

21 j'aime

9