Pour se permettre de critiquer une œuvre de ce type encore faut il comprendre les objectifs qu’elle se fixe, l’espace épistémologique qu’elle veut occuper.
Evidemment qu’en tant qu’homme Bourdieu ne prétendait pas apprendre aux femmes comment elles vivent : faire la phénoménologie de leur condition comme Simone.
Il reste donc, comme dans presque tous ses livres, un gros bloc théorique qui cherche à comprendre une dynamique fondamentale du vivre ensemble : à savoir ici la domination masculine viriliste.
À partir d’un dualité antique le masculin maintient sa domination symbolique qui legitimise toutes les autres formes de violence : physique, psychologique, économique, culturelle …
Aussi est-ce niais de lui reprocher de ne pas revenir en détail sur toutes, car aussi condamnables soit elles, elles ne sont pas structurante en elles même.
Si aujourd’hui le présupposé d’inconscience contenu dans la théorie du symbolique est contesté par la montée en force d’un féminisme conscient, il reste encore en marge de l’imaginaire hérité.
Bourdieu ne cherche pas à faire la sociologie du féminisme mais du processus immémorial d’asservissement de la femme par l’homme pour que justement la réalité parvienne à terme à le contredire …
(C’est donc presque donner raison à l’esprit du livre que de dire que les choses ont changé depuis son écriture, si j’ose dire).
Il faut savoir ce qu’on veut : toute théorie qui se veut un minimum pragmatique et impulsive se doit d’être «simplificatrice ». Elle s’intéresse à la loi qui survit aux exceptions, jusqu’à preuve du contraire.
En somme je pense qu’on cède aujourd’hui à une mode de « se faire Bourdieu » à tout prix. De l’universitaire rigide qui critique ses méthodes au militant naïf qui aurait voulu satisfaire son appétit de violence.
Moins qu’idées c’est à la rigueur un ton qu’on peut lui reprocher : est ce vraiment pertinent de mettre sur un même plan la souffrance de l’homme et celle de la femme ?
Il n’est pas non plus à sa place à mon sens et cède à un élan de lyrisme lorsqu’il trouve à tout cette violence l’amour comme solution ultime. (Et encore on n’est pas si loin de Mona Cholet.)
Je recommande l’interview d’Edouard Louis à mediapart sur YouTube début 2025 qui réhabilite (et cite) La domination masculine en l’orientant particulièrement sur le virilisme, qu’on ne peut pas lui reprocher de soutenir secrètement.
https://youtu.be/I-kzzm8h0G8?si=r1Pktq55s4e4QN93