Constat et anecdotes à propos d'une France qui va mal...

La France n'a pas dit son dernier mot est le dernier ouvrage du journaliste essayiste Eric Zemmour.
Sorti le 15 septembre 2021 chez Rubempré, l'ouvrage est à la fois la profession de foi du journaliste qui envisage d'être candidat à la magistrature suprême et un résumé d'anecdotes recueillies dans le cadre de son travail entre 2006 et juin 2021. Il ne s'agit nullement d'un ouvrage programmatique. C'est le premier livre que je lis du polémiste.

La candidature -possible- d'Eric Zemmour à la présidence de la République

L'auteur commence son ouvrage en décrivant une France en grande difficulté: incivilités, violences contre la police, essor de la culture Woke, dénonciation de la gestion des grandes métropoles (Bordeaux, Strasbourg, Lyon...) par les édiles écologistes, perte croissante de la souveraineté française du fait de la mécanique communautaire, gouvernement des juges, décisions de l'état de droit au détriment de la volonté populaire, mal français de la repentance, croissance exponentielle de l'immigration subsaharienne et maghrébine (...).

Après avoir jugé le déclin de la France inéluctable, Eric Zemmour estime pourtant qu'il y a encore des raisons d'espérer. Revendiquant un fort soutien populaire et estimant être le seul à pouvoir accomplir cette mission, il est aujourd'hui près à franchir le Rubicon alors que ceux qui l'encourageaient hier (Buisson, De Villiers ou Ménard) jugent qu'il serait aujourd'hui hasardeux pour lui de se lancer dans la bataille présidentielle.
Zemmour se réfère aussi au journaliste monarchiste et nationaliste de l'Action française, Jacques Bainville (1879-1936), disant à la fin de sa vie "avoir toujours eu le tort de ne pas viser assez haut".

Constatant que le niveau des hommes politiques (Il parle de "nains") a beaucoup baissé (C'est un avis que je partage), rappelant l'engagement politique des écrivains qui l'ont précédé (Malraux, Lamartine, Sartre...) et jugeant la situation de la France dramatique, Eric Zemmour estime son ambition tout à fait légitime.

Anecdotes et histoire récente

De 2006 à juin 2021, Eric Zemmour raconte ses démêlées mediatico judiciaires ainsi que certaines rencontres avec de nombreux hommes politiques. Il commente également les points saillants de l'actualité durant cette période (Attentats de Mohamed Mehra, attentats du Bataclan, crise du Covid... article de valeurs actuelles sur Daniele Obono).

"Sans filtre"
Eric Zemmour est coutumier des déclarations cash et peu empathiques. Son dernier livre ne fait pas exception à la règle...succès garanti dans une société étroitement corsetée dorénavant par le politiquement correct.
Souvent sévère dans son constat, on le découvre bizarrement plutôt clément avec certains de ses contradicteurs, par exemple Tariq Ramadan (Accusé de multiples viols, il estime que le théologien a été victime d'un complot).
« DSK, menottes derrière le dos entre deux cops new-yorkais, marchant tête baissée, c’est un renversement de mille ans de culture royale et patriarcale française. C’est une castration de tous les hommes français » ! Réagissant à l'affaire DSK, il voit dans ce fait divers sordide « la confirmation de la “féminisation de la société” » qu'il dénonce régulièrement.

Guerre des prénoms
Tout le monde a entendu parler de la guerre des prénoms qui a commencé sur le plateau de l'émission de Thierry Ardisson en 2018. Reprochant à Hapsatou Sy de ne pas s'appeler Corinne, Zemmour s'est attiré de nombreuses critiques lorsqu'il a déclaré que l'abrogation en 1993 d'une loi de 1803 de Napoléon Bonaparte portant sur l'obligation d'attribuer aux enfants des noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l'histoire ancienne était une erreur. Peut être aurait il pu faire "passer la pilule" plus facilement en arguant que c'était plus facile de candidater pour un job en s'appelant Corinne qu'Hapsatou...mais ça ne lui apparemment pas effleuré l'esprit.

Sépultures
Dans le même ordre d'idée, estimer peu patriote d'enterrer ses proches dans leur pays d'origine en "mettant dans le même sac" Mohamed Merah et ses petites victimes d'origine juive est un concept brutal et maladroit qui lui fut beaucoup reproché lors des nombreuses interviews qu'il a donné depuis la sortie du livre.

Vichy et Pétain
Eric Zemmour affirme que, durant la deuxième guerre mondiale, Vichy aurait sauvé des juifs français, seuls les juifs étrangers ayant été livrés à l'occupant nazi. Cette thèse qui fut longtemps celle de l'Etat Français fut battue en brèche notamment par Robert Paxton, au point de passer aujourd'hui comme une nouvelle provocation de la part du polémiste. En fait, l'approche de Zemmour s'inscrit en faux contre le concept de loi mémorielle qui a émergé dans les années 90 avec Jacques Chirac qui, contrairement à son prédécesseur, a commencé à reconnaître la responsabilité de la France dans un certain nombre de dossiers. Cela a abouti dans certains procès qui suivront à faire indirectement condamner l'Etat français (Procès Papon), à la grande satisfaction de l'Allemagne qui ne demandait pas mieux que de partager la responsabilité de ce lourd fardeau historique.

Droite des idées contre Droite de gouvernement

On découvre à la lecture du livre que ce théoricien de la Droite des idées entretient des rapports plus que conflictuels avec les gestionnaires de la Droite de gouvernement depuis longtemps. Auteur du Livre noir de la Droite, ses rapports sont détestables avec nombre d'anciens ministres ou de futurs candidats à la présidentielle de 2022: Jean François Copé, Valérie Pécresse où le centriste François Bayrou. En guerre ouverte avec ceux qui murmurent à l'oreille des puissants (Attali, Minc...), Zemmour considère qu'il conduit la croisade de la dernière chance contre ses contempteurs qui, lorsqu'ils n'ont plus d'arguments, l'enferment dans le camp du Mal, concept qui, à ma grande surprise, fait toujours recette. Il faut dire que certains passages disruptifs du livre, comme exposés ci-dessus, leur donnent du "grain à moudre".

Si l'essayiste a été contraint de quitter l'émission Face à l'info suite à une décision du CSA, il est aujourd'hui la coqueluche des médias.
Clivant, Zemmour fait dorénavant le bonheur des chaines d'infos: son débat avec Mélenchon a rassemblé plus de 4 millions de personnes devant BFM pendant que cette pauvre Valérie Pécresse n'attirait qu' 1 million de spectateurs sur France 2 avec Darmanin en guest star...

Se présentant comme le dernier recours et l'homme providentiel, Zemmour devrait cependant faire attention de ne pas trop céder à l'Hubris, qui apparait parfois en filigranes au détour de certaines pages....

Pour conclure, je considère que l'ouvrage n'apporte pas forcément d'éléments nouveaux à ceux qui connaissent déjà le polémiste. Il a cependant le mérite de faire la preuve par neuf que la Droite gestionnaire a trahi ses électeurs depuis 1990. Epousant les thèses du centre droit, le RPR a perdu son identité en se fondant, avec les centristes, dans l'UMP puis LR. Mais perdre son âme n'avait pas d'importance pour les candidats à la présidentielle qu'étaient Chirac et Sarkozy, ces derniers voulant à toute fin devenir calife à la place du calife ont dilué l'identité de l'ancienne droite gaulliste dans le concept libéral pro mondialisation et progressiste du centre droit, axé d'abord et avant tout sur la lutte contre le déficit public et converti à la financiarisation de l'économie. LR croit ainsi être devenue la nouvelle machine à penser incontournable alors qu'elle est rejoint en tout point les idées d'Emmanuel Macron et de LREM.

La persistance depuis les années 80 d'une telle politique que porte aujourd'hui la démocratie libérale fait tellement fi de la volonté du plus grand nombre des concitoyens.

Pendant ce temps, la Gauche protéiforme et moribonde (EELV, LFI, parti socialiste converti au libéralisme...) tente de séduire les minorités et les populations d'origine étrangère après avoir "lâché" les ouvriers et les employés (partis au RN) sur les conseils du Think Tank Terra Nova.

Et après, on se désole que les électeurs se détournent des urnes...ce qui n'empêche pas ceux qui sont mal élus de gouverner sans partage.

J'ignore quel sera le destin de candidat à la présidentielle d'Eric Zemmour dans une France nostalgique et décliniste, rongée par la mélancolie mais j'espère personnellement (Tout du moins mon passager noir...) que son projet de "dynamitage" de la Droite de gouvernement fera mouche.

Vous me répondrez en ce début de mois de février 2022 qu'il est surtout parvenu à prendre des voix au RN et, qu'il facilite pour l'instant la présence de Valérie Pécresse, clone en jupon d'Emmanuel Macron au deuxième tour.

Grâce à Macron et à un sacré déficit d'idées, la Gauche n'est déjà plus qu'un champs de ruines...

Eric Zemmour, s'il n'est pas à ce jour candidat, a déjà réussi une chose: remettre le politique au centre du jeu alors que les candidats à la présidentielle se cantonnent habituellement à parler d' économie en proposant des réformes de gestionnaires (Retraites, chomage...) en accord avec les directives de l'Union Européenne.

Le saviez vous?

• Les propositions de Zemmour en matière d'immigration sont celles du RPR dans les années 90:
  https://www.francetvinfo.fr/politique/alain-juppe/immigration-1990-quand-les-propositions-de-la-droite-ressemblaient-a-celles-du-fn_709923.html




• Il se vend quotidiennement 10 000 exemplaires de la France n'a pas dit son dernier mot depuis le 15 septembre.

Ma note: 6/10