Un nouvel espoir pour les invisibles de la République

En 2014, j'ai découvert avec curiosité - puis jubilation au fur et à mesure que j’avançais ma lecture - l'esprit, la vision et les valeurs à l’ancienne du journaliste Eric Zemmour dans son Suicide français. Et force est d'admettre qu'avec son érudition et sa plume agréable, l'histoire de France de 1970 à 2007 devenait tout à coup aussi passionnante qu'abordable. En le rangeant soigneusement dans ma bibliothèque, je songeais avec délectation que sans l'embrasement et la surenchère médiatique qui avait accompagné la sortie de l'objet honni, je n'aurais peut-être pas pris le temps de m'intéresser au cas Zemmour.


D'après les photos dans les magazines (et ce que je lisais sur lui de la part des journaleux), je l'imaginais comme un homme sévère au visage fermé et au ton sec, mais quand cet été je suis tombé par hasard sur son émission animée par la charmante Christine Kelly, je compris que je m'étais fourvoyé. Face à ses interlocuteurs, l'homme était toujours souriant, affable, appréciait la plaisanterie, sans parler de sa voix agréable et chaude. Tout en m'enthousiasmant de cette folle rumeur qui le présentait comme potentiel candidat en 2022, je redevins une seconde fois fan, et par la même occasion du show de CNEWS.


Ce nouvel essai est la suite directe du Suicide français, puisqu'il reprend la chronologie là où elle s'était arrêtée puis de cheminer jusqu'en 2020. Sacrée période qui aura connu trois présidents, sans oublier les gilets jaunes, la crise sanitaire, et bien sûr les changements de population et les évolutions sociétales si chères aux bulldozers de la gauche. Zemmour commente et analyse tous cela à travers les nombreuses rencontres de politiciens et d’artistes qui ont jalonné ses journées, que ce soit en plateau, au restaurant ou chez des connaissances communes. Sacrée lecture aussi, qui ne manque ni de sel ni de poivre !


La politique, les médias, ce n'est que du cinéma... C’est ce qui ressort le plus de cet ouvrage. En coulisses, les opposants hargneux de l'écran s'échangent des boutades, se taquinent, se proposent des conseils de lectures, etc. On apprend dans ces pages que Zemmour n'est pas le pestiféré du milieu que l'on croit. Voyez plutôt : il est invité au restaurant par Xavier Bertrand qui lui demande quel serait son programme pour l'immigration, dans l'escalier Léa Salamé lui concède, les dents serrées, qu'il avait raison sur un point. Bref, quasiment tout le haut monde l'écoute, le comprend, mais fera par la suite comme si de rien n'était pour ne pas perdre le respect de son parti (même Emmanuel Macron qui l’a contacté tout récemment !). Enfin, on s'amuse quand Jean-Louis Borloo se félicite auprès du journaliste d'avoir reporté la "guerre civile" (oui, les termes utilisés sont exacts) de dix ans grâce à son plan de 2013 pour les banlieues...


Sinon, on retrouve au fil des pages et de moultes anecdotes effarantes (comme ce musée de l’immigration qui a fait un flop, après avoir été ouvert en grande pompe suite à un colossal investissement payé par nos impôts) les mêmes thèmes qui ont fait le succès de l’auteur dans ses précédents ouvrages et sur les plateaux de télévision. C’est du rabâchage, mais vu qu’il est l’une des seules personnes médiatiques à opter pour ce point de vu là, cela ne se refuse pas. Au programme de ces 342 pages croustillantes : paradoxe d’une laïcité à sens unique, immigrés qui n’ont pas fait l’histoire de France (contrairement à ce que l’on veut nous faire croire) et qui ont définitivement remplacé les petites classes moyennes dans le petit cœur si émotif de la gauche, grands et petits bourgeois complètement à côté de la plaque sur les réalités sociales, minorités agressives organisées en lobbys pour tyranniser la majorité…


Contrairement à ce qui avait été suggéré par les médias, Zemmour ne détaille pas ici son programme présidentiel dans l'optique d'une candidature, mais il n'y a pas besoin de cela pour comprendre ce qu'il envisagerai de faire pour notre pays, il suffit simplement de le lire et de l'écouter pour être mis au parfum de ses souhaits.


Que voulez-vous, le capital sympathie du bonhomme est énorme pour moi... Fils de rapatriés pieds-noirs d'Algérie (comme mes grands-parents, qui m'en racontent de drôles sur cette fameuse "guerre" d'Algérie), fils de modeste ambulancier qui est sorti de la misère, s'est fait un nom et est devenu célèbre (je ne peux qu'en être admiratif), gosse malheureux qui a dû quitter son quartier et ses copains car l'endroit commençait à devenir malfamé (exactement comme moi à 8 ans)... Je ne peux pas ne pas l'écouter et le comprendre, car son discours fait résonance avec des tas de choses que j'ai entendu ou observé depuis mon enfance. Il faut peut-être avoir vécu certaines choses, avoir entendu certains points de vue, avoir été / travaillé dans certains endroits pour être plus réceptif à son discours, je ne sais pas... Ah, c'est sûr que ses idées doivent moins parler à la petite famille de docteurs, de père en fils depuis trois générations, qui n'a jamais quitté son petit centre-ville tranquille ni connu les fins de mois difficiles...


Vous savez, il n’y a pas que les fascistes et les réacs qui envisagent de voter pour Zemmour, il y aussi des tas de simples travailleurs de la classe moyenne inférieure, qui voient bien que les politiques de droite comme de gauche n’ont jamais rien fait pour améliorer significativement leur salaire, leur pouvoir d’achat, etc. De simples travailleurs qui ont surtout l’impression d'être des vaches à lait qui paient des impôts uniquement pour permettre aux classes supérieures de profiter encore plus et aux pauvres (surtout à ceux issus de l’immigration, il faut bien le reconnaître) de rester chez eux tout en touchant des aides à foison… De simples travailleurs qui enragent également d'être pris pour des imbéciles par ces médias qui nous martèle que notre devise (liberté, égalité, fraternité) est bien réelle, alors qu'ils voient bien que les régimes spéciaux perdurent (avec des départs à la retraite précoce à 55 voire 50 ans), ainsi que les traitements de faveur comme à la banque (quatorzième mois) ou dans la fonction publique... Alors qu'à contrario, tous ces pauvres bougres dans les petites boîtes privées, totalement abandonnés des lâches syndicats, doivent attendre les 65 ans pour une retraite de misère tout en sachant qu’ils auront immanquablement des problèmes de santé pour la plupart d’entre-eux…
Alors que certains arrêtent de traiter puérilement ces honnêtes gens de fascistes et de réacs, et qu'ils essayent un peu de se mettre à leur place (financière), ils verraient les choses autrement.
Certains votent pour le PS, LR et Macron pour garder leurs petits avantages et pour que rien ne change pour eux, très bien.
Les autres votent autrement dans l'espoir que les avantages des premiers soient drastiquement diminués afin que la partie supprimée leur soit reversée, et surtout dans l’espoir que, au contraire des électeurs du système, TOUT CHANGE enfin pour eux !

Libellool
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le 4 oct. 2021

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