Je reconnais bien dans La Leçon du Mal le goût pour la noirceur et les personnages machiavéliques de l’auteur de La Maison Noire. Une vision repoussante de l’espèce humaine à laquelle sa carrière dans les assurances doit sans doute beaucoup. Yusuke Kishi en convoque d’ailleurs ici les pires représentants, le personnel enseignant de ce lycée comme les élèves se révélant être – à de rares exceptions – des êtres odieux et hypocrites. Et au sommet de cette chaîne du vice, siège ce bien aimé professeur d’anglais sous le masque duquel se dissimule un super prédateur sournois et cruel ; le Mal incarné.
Le roman dans son format poche fait 620 pages. Les 450 premières sont vraiment captivantes. Comme dans La Maison Noire, Kishi prend son temps pour planter le cadre de son intrigue et introduire ses nombreux personnages. Leur grand nombre ne constitue d’ailleurs jamais un problème, ces derniers étant suffisamment caractérisés pour qu’il ne soit pas nécessaire au lecteur de retenir leurs prénoms. Globalement, La Leçon du Mal est correctement écrit. Le style de Yusuke Kishi souffre encore de quelques lourdeurs – surtout en fin de chapitre, lorsqu’il s’agit de créer du suspens ou introduire un élément déterminant pour la suite du récit – mais celles-ci ne sont pas un repoussoir. Enfin, la personnalité de ce fameux professeur est réellement fascinante. Un personnage foncièrement abject dont l’auteur repousse lentement dans l’esprit du lecteur les limites de la perversion. Un monstre à visage humain qui déchargera sa violence sur son entourage professionnel dans un baroud d’honneur sanglant.
C’est d’ailleurs au cours de ce dernier acte que mon intérêt pour l’histoire s’est étiolé. D’abord, ces 150 dernières pages sont interminables sur le plan narratif. Ensuite, l’action et les déplacements des personnages sont rapportés de manière confuse par l’auteur. Yusuke Kishi se laisse ainsi déborder par le nombre de personnages et échoue à dominer le chaos de cette séquence. En comparaison, le dénouement de La Maison Noire, qui se déroulait également en huis clos, était mieux maîtrisé, plus efficace – même si moins spectaculaire et ambitieux sur le papier.
Publié au Japon en 2010, La Leçon du Mal a déjà fait l’objet d’une adaptation en drama, en film par le réalisateur Takashi Miike, et en manga. De quoi prolonger l’expérience de lecture offerte par ce roman pour public averti.