Tranchée de vie
Au front, j’étais soldat. J’ai tiré des coups de fusils. Je n’ai pas écrit. Contrairement à son camarade Guillaume Apollinaire, et à d’autres poètes embringués comme lui dans la fureur de la...
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le 31 mai 2017
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Toujours dans cette perspective de la Grande Guerre, je me suis lancé dans cet ouvrage sans rien connaître, ni de l’œuvre ni de son auteur. Je l’avais simplement vu figurer dans une liste des meilleurs livres sur la Première Guerre mondiale et je me suis dit : pourquoi ne pas essayer ?
Nous sommes face à un ovni autobiographique. Impossible de savoir si certaines situations sont réelles ou si c’est son talent de narrateur qui prend le dessus. Cendrars écrit près de trente ans après les faits, après une longue gestation et un projet avorté en 1918. Il a vécu la guerre directement pendant dix-huit mois, jusqu’à une blessure qui lui vaudra l’amputation du bras droit. On s’attendrait donc, de manière classique, à ce qu’il nous raconte comment cela est arrivé. Mais non : il choisit le contre-pied, le non-conformisme, et c’est sans doute ce qui m’a séduit après tant de lectures sur le sujet.
Le récit n’a pas de structure apparente. Il se déploie au gré d’anecdotes, de tranches de vie des poilus de la Légion étrangère (Ces hommes volontaires venus de partout, décidés à combattre pour la France, chacun avec ses raisons, certaines nobles, d’autres moins), un angle que je n’avais jamais rencontré ailleurs. Souvent, il commence par leur mort, pour ensuite les retrouver dans d’autres épisodes. Sous cette apparente décousure se dessine pourtant une architecture subtile : un récit qui balaie les grands thèmes de la guerre de manière exhaustive, plus complète que bien des ouvrages avant lui.
Le style est ciselé, nerveux, presque parlé. On sourit souvent devant la description de ses personnages passés au microscope. Il caricature la guerre, la ridiculise, la schématise par l’absurde : officiers, gendarmes de l’arrière, simples poilus, tout y passe. Le va-et-vient entre le front et l’arrière devient métaphore : ces soldats qui pointent à l’usine, gardant leurs réflexes d’une vie antérieure.
On sent la haine des chefs chez l’anarchiste qu’il est. Il ne respecte que ceux qui sont à la hauteur de leur tâche, déteste les lâches qui se planquent et fanfaronnent. Il ne cherche pas les récompenses, se porte volontaire parce qu’il a la bougeotte et refuse de se cacher. Une personnalité qui tranche, cette volonté de combattre en opposition avec les officiers, là où d’autres récits prêchent le pacifisme.
La blessure et l’amputation, loin d’être un sommet dramatique, deviennent un simple jalon. Pas de pathos : il transforme la mutilation en force narrative, comme si la perte du bras ouvrait une autre vie.
Très séduit par la plume et le ton, j’ai envie de découvrir les autres volumes de sa tétralogie. Une personnalité atypique, un récit hors norme qui, pour moi, reste à ce jour le meilleur témoignage sur la Première Guerre mondiale. On y retrouve tous les ingrédients essentiels, mais réinventés, dynamités par une liberté totale.
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Créée
le 30 oct. 2025
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le 31 mai 2017
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Attention chef-d'œuvre. Poète, anarchiste et aimant les plaisirs de la vie, Blaise Cendrars s'est engagé volontaire dans la Légion étrangère dès les premiers coups de canons de ce qui sera la...
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le 27 mai 2014
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L'auteur, sait à dire, Blaise Cendrars, aussi connue sous le nom de Frédéric-Louis Sauser est né en Suisse le 9 septembre 1887 en suisse, dans la ville la chaux-de-fonds. Il décéda le 21 janvier 1961...
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le 2 juil. 2018
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le 19 sept. 2025
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Baoh est l'oeuvre qui a permis Hirohiko Araki de faire connaitre au grand public et de pouvoir enchaîner par la suite par le mythique JoJo's Bizarre adventure une saga comptant plus de 100 tomes à...
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le 12 nov. 2018
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Une suite qui redistribue les cartes, qui commencent aussi bien que la première version sauf que là au bout de six tomes fin prématurées, à lire pour les fans pour les autres passés votre chemin
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le 16 oct. 2018
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