Troublant, c'est le premier mot qui s'impose à la lecture de ce livre.
Il s'agit d'une biographie romancée de Rudolf Höss (appelé Rudolf Lang dans l'ouvrage), l'homme choisi par Heinrich Himmler pour diriger le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau de 1940 à 1943.
Pour la rédaction de ce livre, Robert Merle s'est basé sur les archives du procès de Nuremberg, et en particulier sur les rapports des entretiens de Rudolf Höss avec le psychologue américain Gustave Gilbert . Il s'est également inspiré de son autobiographie Le Commandant d'Auschwitz parle.
Rudolf Höss est le narrateur . Il crée une proximité avec le lecteur et l'emmène dans le camp des « mauvais ». on est alors étonné d'accepter l'enchaînement des évènements. Certes, il y a à la base de cela un antisémitisme mais depuis son engagement à 16 ans dans l'armée allemande durant la 1ere GM le marque et l'inscrit dans un camp. Toute sa vie il se contentera d'obéir en faisant preuve de ce que l'on pourrait appeler une « conscience professionnelle ». C'est d'ailleurs l'objet de la préface de Robert Merle :
« Il y a eu sous le Nazisme, des centaines, des milliers, de Rudolf Lang, moraux à l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs "mérites" portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'Etat. Bref, en homme de devoir et c'est en cela justement qu'il est monstrueux. »
L'empathie que suggère ce livre est déroutante. La lecture brise des certitudes, et pousse à s'interroger sur le nazisme, et la raison pour laquelle des centaines et des milliers de personnes ont pu commettre des actes aussi cruels et dénués de toute notion d'humanité.
Une autre question née de cette lecture. Notre société fait de l'homme la valeur absolue. Or, ce roman et sa base historique démontre les limites de cette valeur. L'homme est captif de ses émotions ainsi que des systèmes auxquels il peut adhérer. Rudolf Lang est un homme dont le cheminement est intelligible. Au même titre, qu'on peut comprendre le conducteur du train qui conduisait ses convois ver le camp de la mort. Le danger de cette comprhénsion c'est qu'elle rapproche et qu'elle devienne une excuse de la perte de sens la plus absolue. La négation de l'autre, la destruction d'une race planifiée, technicisée. Les passages sur Auschwitz-Birkenau sont à ce titre effroyable. Ils envisagent le traitement technique des incidents qui ne permettent pas d'atteindre les objectifs de destruction des cohortes d'hommes, de femmes et d'enfants. Leur humanité edt l'atrocité s'efface pour des considérations techniques et quantitatives.
ericchuberre
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le 24 avr. 2011

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