La Peur
7.7
La Peur

livre de Stefan Zweig (1925)

Une femme mariée sort de chez son amant. Chaque fois qu’elle parvient au bas de l’escalier de son immeuble, la peur l’étreint : la peur de rencontrer une connaissance, la peur d’avoir à se justifier, la peur d’avoir à mentir. Peurs multiples auxquelles s’ajoutent la culpabilité et la honte de l’adultère.

Pourtant cette femme a tout pour être heureuse. Mari aimant, enfants adorables, appartement bourgeois, train de vie ad-hoc. Tout cela lui convient et la satisfait amplement. Elle est d’ailleurs incapable de savoir pourquoi elle trompe son époux. La chose est venue sans qu’elle le veuille réellement, sans qu’elle s’en rende compte. Et maintenant, sa visite hebdomadaire à ce deuxième homme était devenue banale, entièrement intégrée à sa routine personnelle.

Mais ce jour-là, au bas de l’escalier, il se produisit un événement qui allait bouleverser son existence. Elle rencontra une autre femme. Une femme qui la prit immédiatement à parti, qui l’insulta : elle n’était qu’une bourgeoise mariée arrogante qui volait les hommes des autres.

La femme paniqua : elle jeta des billets dans la main ennemie et s’enfuit aussi vite qu’elle le put. Mais l’accusatrice la retrouva. Un odieux chantage s’organisa. L’adultère devint victime. La peur ne la quitta plus. Peur à chaque fois que le téléphone sonnait, peur quand un visiteur se présentait, peur de sortir de chez elle et de rencontrer le visage tant détesté. Peur que les siens ne s’aperçoivent de quelque-chose. Honte de décevoir ses proches, dégoût d’elle-même maintenant que l’excitation, le sel de l’interdit ne la portait plus.

Elle chercha tant à donner le change que son comportement la trahit. Elle tomba dans l’excès, dans un cercle vicieux. Elle n’en dormit plus. Son mari l’interrogeait : « Mais que t’arrive-t-il ma chérie ? ». Sa sollicitude devint insupportable. Elle vécut alors ce que Raskolnikov a pu vivre après avoir assassiné la vieille usurière : convaincue que sa culpabilité se lisait sur son visage, que chacun la regardait avec désapprobation, que tout le monde savait.

Le chantage se poursuivit, les sommes extorquées augmentant chaque fois. La femme payait afin de s’acheter quelques jours, quelques heures de paix. Elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait s’en sortir de la sorte, que les sommes demandées atteindraient bientôt de tels sommets qu’elle ne pourrait plus payer, que sa raison n’y résisterait pas. Maintenant que sa vie était menacée, elle mesurait à sa valeur la richesse de sa vie passée et perdue. C’est au moment de tout perdre qu’on perçoit le confort qui était jadis le nôtre.

Dans ce livre, la peur est omniprésente. Stefan Zweig excelle une nouvelle fois à peindre les tourments infinis qui peuvent ravager l’âme humaine. La folie s’invite une nouvelle fois dans ce texte magnifique. L’écriture est superbe et en quelques dizaines de pages, l’auteur plonge son lecteur dans les affres de la névrose.

Bouleversant !
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le 25 sept. 2014

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