Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

La Place
7.2
La Place

livre de Annie Ernaux (1984)

Annie Ernaux, entame l’écriture en 1982 d’un ouvrage autobiographique à la suite de la mort de son père, homme modeste et travailleur issu du prolétariat. Dans cet exutoire court mais poignant, elle raconte les débuts de son existence, baladée entre les différents emplois qu’occupaient ses parents (ouvrier, couvreur, petit commerçant) et sa petite vie de fille calme, animée par la lecture et désireuse de poursuivre une éducation plus intellectuelle en dehors du cercle familial. Agrégée de lettres, elle creuse progressivement le fossé culturel qui la sépare de ses ascendants en se mettant à fréquenter des milieux plus aisés et à s’imprégner de leurs valeurs. Elle décrit les écarts naturellement créés dans une écriture « plate » descriptive, où on ressent malgré tout la souffrance et la douleur de voir ses parents s’éloigner par les circonstances de la vie et du savoir. Ce livre est évocateur, tant deviennent nombreux - et on s’en réjouit – les enfants issus des classes défavorisées à poursuivre les diplômes que leurs parents n’ont pas. Il en advient un fossé terrible qui disloque des familles ; la différence de manies, de valeur, de culture, devenant immuable. On regrettera toutefois que l’analyse sociologique de cette forme de lutte des classes ne soit pas plus développée, Annie Ernaux revendiquant de façon générale l’importance de la sociologie dans le dépassement de soi. Elle cite d'ailleurs en introduction Jean Genet pour donner le sens du livre : « Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi ». La trahison ici est celle de ses origines qu'elle cache quand elle quitte le milieu ouvrier. En effet, un tel livre aussi descriptif et peu partisan de la classe ouvrière pourrait être interprété comme un parjure. Il conviendra d’avouer néanmoins que cela ne semble pas être dans l’absolu l’objectif visé par Ernaux, qui offre davantage un hommage à la gloire de son père, en intégrant à titre occasionnel quelques dichotomies de classe dans son récit pour renforcer la description de la relation qu’elle entrainait à son égard.


bbapt
7
Écrit par

Créée

le 8 août 2025

Critique lue 10 fois

bbapt

Écrit par

Critique lue 10 fois

D'autres avis sur La Place

La Place

La Place

le 10 avr. 2015

Critique de La Place par Pouyou

Avec son récit "La place", Annie Ernaux propose une nouvelle approche du genre autobiographique. Son originalité tient à une écriture volontairement qualifiée de "plate" : proche du compte rendu,...

La Place

La Place

le 20 mai 2020

Finalement, c'est bien ou pas ?

Les critiques portées à ce genre de livres sur les excès d'intellectualisme, de branlage de cerveau, de nombrilisme exacerbé, j'en avais pris connaissance. Que le style allait être mauvais, c'était...

La Place

La Place

le 20 avr. 2012

Vague à l'âme

La place est de ces livres qu'on aborde avec une espèce de condescendance, un certain mépris. Une histoire simple, quelques mots et un père. Finalement ce n'est pas bien plus mais c'en est...

Du même critique

Au bonheur des dames

Au bonheur des dames

le 8 août 2025

Critique de Au bonheur des dames par bbapt

Dans la quintessence de la mode vestimentaire du XIXème siècle et l’abondance faramineuse du Bonheur des dames et de ses belles allées, de la panoplie de raffinements matériels des dames les plus...

La Peste

La Peste

le 8 août 2025

Critique de La Peste par bbapt

Dans le cœur de la province algérienne où l’activité marchande bat son plein et où les quelques afflux de population rythment la vie globalement sereine de ses habitants, la belle vile d’Oran va être...

Voyage au bout de la nuit

Voyage au bout de la nuit

le 8 août 2025

Critique de Voyage au bout de la nuit par bbapt

Céline dévoile sa vision du monde dans un autoportrait saisissant ; personnifié dans yeux du jeune Ferdinand Bardamus. Ce dernier entame une longue épopée à la recherche de sens et se heurte tour à...