Avant ma lecture, il y avait déjà ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Annie Ernaux marque ce tournant du 2em millénaire avec fracas. Elle divise au point de retarder ma lecture, car trop imprégné de l’avis des autres. Mais voilà j’ai lu ce court récit, qui pour moi a fait plus de bruit qu’il n'aurait dû.
Tout d’abord il y a cette distance, c’est un choix maîtrisé et organisé pour donner l’impression du collectif plutôt que le personnel. Mais on peut critiquer, chaque démarche, même maîtrisée, mérite-t-elle l’attention du lecteur ? On innove mais à quel prix ? Il y a ensuite cette écriture simple et engagée qui parfois oublie des morceaux de phrases, qui tout en délaissant l’esthétique garde la cohérence. Le personnage du père est au centre, c’est lui qui sera la preuve du changement de classe de la narratrice. Il est au centre pour montrer. C’est un objet non pas un sujet. Bien que cela soit voulu, c’est extrêmement décevant, car ce personnage est assez vite attachant. Vouloir le réduire à sa situation de classe était- il nécessaire pour le propos ? Beaucoup de personnages haut en couleurs et sans caricature ont su être témoin d’une classe ou d’une époque ( les personnages balzacien ou de Zola ). Le thème est un presque sans faute. Peut-être aurait-on aimé lire le mode de vie actuel de l'auteur pour comprendre plus encore le décalage. La structure manque cruellement de rebondissements, encore une fois c’est voulu mais quand on en vient à apprécier qu'un livre soit court c’est parce qu’il manque soit de souffle soit de vigueur. Pour l’impact global, la question sociale reste en tête mais c’est tout, un article aurait suffit.
En conclusion je dirais que le livre est bon mais sans plus. 40 ans après son prix il n’a plus rien d’original alors soyons honnête, ce n’est pas une pépite mais non plus un torchon.