L'univers pour moi s'est retourné.
A travers ce texte, Annie Ernaux décrit l'évolution de ses relations avec son milieu d'origine au cours de son ascension sociale. Elle y pointe l'inéluctabilité de l'arrachement, ainsi que le paradoxe dévastateur que la mobilité de classe implique : en réalisant ce que ses parents on voulu pour elle, elle n'a pu que s'éloigner d'eux.
Ce qui est bouleversant dans cette œuvre c'est l'universel qui émane du constat individuel de l'auteur. Etant moi-même transfuge de classe, je n'ai pu que reconnaître mon propre malaise, ma propre honte de n'avoir plus rien en commun avec mon propre père. Mon agacement de n'échanger que des banalités, de discuter au premier degré lors de mes rares séjours en famille, sans spiritualité aucune, de si on mangera un rôti de bœuf ou un poulet rôti dimanche midi, et de s'il faudra le saler avant ou après cuisson.
Il y a aussi dans ce livre une tendresse qui trouve sa source dans l'acceptation. L'acceptation du lien presque intégralement détruit, de la personnalité et des attitudes inchangées du père du narrateur, ainsi que celle de l'irréversibilité de la situation dans laquelle le narrateur se trouve.
L'absence de jugement tout au long du livre, cette écriture de constat, fournit aux transfuges de classe un outil pour faire le deuil de la transformation subie, et aux autres une indication sur le coût social de l'ascension.