Michel Clouscard est un penseur, résolument marxiste, du XXème siècle relativement tombé dans l'oubli. Néanmoins, certains intellectuels se réapproprient son oeuvre, se posent comme des continuateurs. Au lieu de s'attarder sur ces nouveaux porteurs de flambeau, retournons au texte et à la pensée, dense et très exigeante, de Clouscard.


Dans son livre Le Capitalisme de la séduction, Clouscard propose une analyse de la société de consommation. Il ne s'agit pas d'une critique frontale, à la manière d'un pamphlétaire, critique forcément réductrice et subjective, mais d'une analyse rigoureuse. On peut reprocher à Clouscard son utilisation systématique d'une grille de lecture marxiste (comme pour la musique rock par exemple) mais bien souvent le penseur fait mouche. Il ne s'agit pas de la parole d'un sophiste mais bien d'un philosophe qui cherche à comprendre et non à fustiger, à regarder et à conceptualiser.


Les extraits suivants cherchent à expliquer le dressage, dès l'enfance, de l'homme afin qu'il devienne un bon consommateur. Sous couvert de liberté, de joie, de spontanéité (des valeurs inattaquables en ces temps festifs comme le décrira plus tard Philippe Muray), vieille stratégie que l'on retrouve par exemple dans la politique des radars des différents gouvernements (pour des questions de santé publique, on multiplie les radars), la société amène lentement le citoyen à devenir un bon consommateur. Le conditionnement est parfait, les valeurs propres à la société de consommation se diffusent admirablement (il ne s'agit en aucun cas des valeurs de débrouille et de bricolage, ou une consommation qualitative sur le plan intellectuel), la sacralisation de l'enfance est le cheval de Troie d'une consommation en roue libre (l'achat pour l'achat, et la dépense inutile, exclusivement ludique). Ce qui peut sembler une évidence pour beaucoup mais qui, au regard des comportements de la population, mérite un petit rappel.


"Flipper et juke-box sont des machines qui prolongent l’univers magique de l’enfance dans la société adulte. Ils représentent un seuil et un passage, la fin de l’enfance et le commencement de l’adolescence. Leur usage est aussi une décisive promotion sociale : il signifie l’accession au statut de consommateur. La fonction ludique investit la société industrielle et la soumet à ses valeurs."


"Cette magie n’est pas le génie de l’enfance. Bien au contraire. Elle est celle de l’idéologie néo-capitaliste qui s’incarne dans l’enfant et qui devient alors le génie de l’enfance capitaliste. Nous sommes là au cœur de la « société de consommation », du premier dressage du corps à la consommation."


"On a voulu opposer la spontanéité et le naturel de l’enfant à la « société de consommation » de l’adulte. C’est le contraire qui est vrai : l’enfant s’abandonne sans aucune retenue à l’univers de la consommation, tandis que l’adulte – lorsqu’il est producteur – peut lui résister."

Al_Foux
8
Écrit par

Le 5 janvier 2016

1 j'aime

Le Capitalisme de la séduction
Titiwilly
6

L'envers du décor de la machinerie libertaire

Michel Clouscard est un marxiste « à l'ancienne ». C'est à dire, resté insensible aux élucubrations freudiennes et libertaires, et qualifié en conséquence de vieux réac, ou de...

il y a 7 ans

16 j'aime

7

Le Capitalisme de la séduction
Naoki38
5

Bienvenue dans l'univers des généralités !

Ce livre, il commence vraiment vraiment mal. Dans la version que j'avais (celle avec une couverture différente de la fiche SC), ça commence par une préface écrite par je sais pas trop qui. Cette...

il y a 9 ans

7 j'aime

16

Le Capitalisme de la séduction
Blackfly
5

Péril jeune pour le rouge-brun ?

Pour introduire cette critique, je vous accorde une petite explication sur ce titre quelque peu racoleur : "Péril Jeune" est ici une référence au film de Cédric Klapisch qui se déroule...

il y a 2 ans

6 j'aime

2

La Grande Peur des bien-pensants
Al_Foux
7

Un classique du pamphlet français

Bernanos est un écrivain fascinant pour sa trajectoire, du franquisme à l’anti-franquisme pour finir dans les bras de la religion, voire du mysticisme. J’en avais parlé lorsqu’il était question de...

il y a 7 ans

11 j'aime

1

Le Camp des saints
Al_Foux
7

Vision apocalyptique de la France

On en reparle depuis qu’il réédite son livre le plus sulfureux, et également son livre le plus connu, Jean Raspail revient pour nous parler de ses craintes, de son attachement à ses racines presque...

il y a 7 ans

6 j'aime

Dialogue de "vaincus"
Al_Foux
7

Sublime

Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau se définissaient comme des écrivains fascistes. Au lieu de les stigmatiser, et ainsi de mettre automatiquement le verrou, le livre Dialogue de « vaincus »...

il y a 7 ans

5 j'aime